Le Mali envahi par l’huile de palme importée : L’Etat reste indifférent alors que 35 milliards de Fcfa sont en jeu
L’huile de palme importée a fini de s’imposer dans nos assiettes, après avoir pris en otage le circuit de distribution, qui l’impose à son tour à nos ménages. En effet, les marques d’huile de palme raffinée importée sont quasiment seules présentes dans les points d’approvisionnement. Parce que des industriels de pays voisins, usant de procédés frauduleux sur les certificats d’origine, font entrer massivement au Mali de l’huile de palme produite on ne sait comment dans des pays asiatiques, pour la vendre à des prix défiant la concurrence locale. Les professionnels de l’huilerie au Mali et l’Organisation patronale des industriels (OPI) se sentent abandonnés par l’Etat qui n’a bougé d’un iota pour les protéger leurs unités, malgré leurs multiples complaintes.
Aujourd’hui, rares sont les Maliens qui savent que, du matin au soir, ils consomment de l’huile de palme. En effet, dans n’importe quel repas concocté dans les familles on utilise l’huile de palme raffinée qui se trouve à portée de main parce que vendue jusque dans la plus petite boutique du commerce de détail : Oléor, Dinor, Aya….
C’est parce que toutes les marques d’huile qui se sont imposées à l’heure actuelle sur le marché offrent de l’huile de palme raffinée et elles proviennent de pays voisins, surtout de la Côte d’Ivoire qui a trouvé là un filon d’or pour ses exportations. En effet, le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso représentent 95 % des ventes extérieures de la Côte d’Ivoire, qui satisfait globalement ses besoins et exporte environ un tiers de son huile de palme.
En plus, l’avenir est très prometteur pour la filière huile de palme. En effet, elle est plébiscitée par les ménages pour son coût abordable. Et cette demande va donc aller crescendo, comme le confiait à Jeune-Afrique, il y a de cela près de deux ans, un industriel ivoirien : “On prévoit que la consommation progresse de 3 à 4 % par an dans la région, cela suit directement la croissance démographique”. En plus, il est dit que l’Afrique de l’Ouest est déficitaire en huile de palme et elle doit en importer d’Asie. 75 % de la production ivoirienne est consommée dans le pays, le reste est exporté vers les pays ouest-africains voisins.
La Côte d’Ivoire est le deuxième producteur d’Afrique de cet “or rouge”, après le Nigeria. L’huile de palme rapporte 550 milliards de francs Cfa au pays par an, soit environ 850 millions d’euros. La filière fait vivre près de 2 millions d’Ivoiriens. Cette huile très prisée par l’industrie agroalimentaire est aussi très critiquée en Europe, car elle est la cause d’une déforestation massive.
Le principal obstacle est donc le déficit de production local de graines à partir desquelles est tirée l’huile de palme car les plantations villageoises dépassent rarement les 6 t à l’hectare en Afrique de l’ouest, loin donc des rendements de 20 à 25 t connus en Asie. Ce qui nécessite la déforestation de réserves naturelles, si l’on n’arrache pas des terres à des paysans parce que le lobby de l’or rouge est arrivé avec son influence et sa puissance financière.
Pour contourner cette difficulté, on se tourne vers l’importation, non de graines à triturer, mais d’huile de palme en vrac. Il suffit tout simplement de faire le conditionnement et de déclarer ensuite que c’est un produit local Uémoa ou Cédéao sur le certificat d’origine, pour bénéficier de toutes les facilités d’importation prévus par la règlementation. Pour les industriels les pays côtiers, l’importation de l’huile de palme en vrac est un jeu facile et cela permet, par le procédé du contournement des barrières douanières, à travers les faux certificats d’origine, d’inonder le marché des pays de l’Hinterland comme le Mali.
Désespoir au sein de la filière huilerie du Mali
Il en découle que les huileries maliennes sont en train de fermer les unes après les autres. Et on se demande jusqu’à quand celles qui résistent pourront-elles continuer à le faire. Parce que victimes de mévente de leur production, elles risquent de crouler sous le poids des charges et des pertes financières qui s’accumulent d’année en année.
Pour M. Coulibaly, Pdg de l’huilerie Bamariama de Ségou, c’est le désespoir au sein de la filière et “si le gouvernement ne fait rien nous allons tous fermer” s’exclame-t-il lorsque nous l’avons joint pour nous enquérir de la situation des huileries du Mali.
Le président de la Fédération nationale des huileries du Mali, Bachir Coulibaly, va plus loin : “Effectivement, nous sommes envahis par des marques d’huile étrangères et la plupart sont de l’huile de palme raffinée venant d’un pays voisin. J’en ai discuté avec le directeur du commerce et de la concurrence qui me demandait des preuves matérielles pour agir. Mais je vous signale que mon prédécesseur, puisque j’ai été élu récemment comme président des industriels de l’huilerie, avait réuni suffisamment de preuves qu’il avait remises aux autorités, mais cela n’avait produit aucun résultat.
Nous continuons de subir cette concurrence déloyale qui passe par les faux certificats d’origine, alors que c’est la vie de toute une filière qui est en jeu au Mali, notamment la filière cotonnière, puisque nous payons la totalité des graines de coton de la Cmdt pour les transformer en huile. Cela rapporte 35 milliards à la Cmdt. Mais pourrons-nous continuer à le faire ? Je pense que non et cela va entrainer une perte pour la Cmdt et une chaine de problèmes qui va toucher les cotonculteurs qui tirent profit de la culture du coton”.
Des solutions existent, reste la volonté e les appliquer
Pour le président des huileries du Mali, des solutions existent et il suffit d’un peu de volonté des autorités pour les appliquer, à l’image de ce qui s’est fait au Burkina Faso où le gouvernement a sorti une note pour régler le problème. M. Bachir Coulibaly révèle que même la Côte d’Ivoire, qui envahit le Mali par ses produits, a pourtant pensé à se protéger en interdisant toute importation sur son territoire d’huile par la voie terrestre. C’était pour fermer une filière qui usait du même stratagème que ses industriels : importer d’Asie l’huile de palme en vrac pour la conditionner sur place à Lomé et l’exporter ensuite vers la Côte d’Ivoire comme un produit “Made in Togo”.
Le Sénégal aussi, précise-t-il, a pris des dispositions pour protéger ses industries locales de production d’huile d’arachide et on sait que l’arachide représente, pour ce pays, ce qu’est le coton pour le Mali.
Il est donc temps que les autorités maliennes interviennent pour sauver les industries spécialisées dans la production d’huile de coton – notre principale production- pendant qu’il est encore temps, demandent les industriels.
Par ailleurs, l’excès de consommation d’huile de palme n’est pas sans danger pour l’organisme. En effet, l’huile de palme est une huile végétale extraite par la pression à chaud de la pulpe des noix de palme. Cette huile, contrairement à d’autres aussi comestibles, joue un rôle primordial dans la santé humaine en même temps qu’elle peut être nuisible.
Fabriquée sans produits chimiques, l’huile de palme est très naturelle comme le beurre de karité et d’autres. Riche en vitamine A, E et O, elle reste aussi très riche en substances naturelles nutritives et bénéfique pour la croissance et la santé. L’huile de palme est aussi utilisée dans la filière cosmétique au nom de certaines vertus qu’on lui prête pour traiter la peau.
L’huile de palme n’est pas mauvaise en soit, mais sa consommation excessive entraîne des problèmes de santé
Mais attention, des études ont prouvé que la part des acides gras saturés est relativement élevée dans l’huile de palme puisqu’elle se situe aux alentours de 45-55 %, contre une moyenne de 15 % dans les autres huiles (2-8 % dans l’huile de colza, 9-26 % dans l’huile d’olive, etc.). Or, ces acides gras saturés ont un effet hypocholestérolémiant, mais avec un effet modéré sur le “bon” cholestérol, le HDL.
Par ailleurs, l’huile de palme est relativement pauvre en acides gras polyinsaturés (de “bons” acides gras comme les Oméga 3 et 6) avec une teneur comprise entre 9 et 12 % (contre 26 à 32 % dans l’huile de colza par exemple).
En plus, selon le site www.nopalm.org, l’huile de palme n’est pas mauvaise en soit, mais sa consommation excessive entraîne des problèmes de santé. Son utilisation ultra fréquente dans les produits commercialisés amène alors rapidement à la consommer en excès, favorisant l’obésité et l’apparition de maladies cardio-vasculaires. Et les auteurs de préciser : “L’huile de palme brute, de couleur rouge contient une quantité folle de carotène – alpha et bêta – 500 à 700 mg/kg : plus que dans la carotte ! Cela confère à l’huile de palme vierge des vertus très appréciées par les peuples des pays producteurs : bon pour le cholestérol, diminue le stress oxydant, réduit la pression artérielle, etc. Malheureusement l’huile que nous retrouvons dans nos produits de consommation courante a été raffinée, perdant 80% de son carotène. Pire : après cuisson (qui lui confère une couleur blanche) : la graisse perd presque tout le carotène restant.”
Voudrait-on alors dire qu’en utilisant de l’huile raffinée pour nos préparations nous ne profitions donc pas (ou très peu) de ces vertus ? Il n’y a qu’un pas à franchir.
L’impact de cette technique sur la santé humaine est dangereux
En tout cas, toujours selon le site : on entend souvent parler d’acides gras trans : on les retrouve parfois dans la liste des ingrédients au supermarché, sous le nom de “matières grasses hydrogénées”. C’est pour révéler que “l’hydrogénation provoque la mutation des acides gras en acides gras trans. Ce procédé est utilisé par les industriels pour rendre la matière grasse plus stables et plus faciles à utiliser. Mais l’impact de cette technique sur la santé humaine est dangereux : elles favorisent les dépôts de plaques d’athérome (essentiellement constituée de cholestérol) qui sont un danger pour le cœur et les vaisseaux sanguins”.Il y a donc autant de raisons pour nos autorités de se pencher sur cette question de l’huile de palme aux origines mal maîtrisée et qui nous envahit jusque dans nos assiettes.
Amadou Bamba NIANG