Le Mali à la croisée des chemins du radicalisme socio-politique, du juridisme et du corporatisme
Ces trois concepts, sans être interchangeables, ont un point en commun à savoir la rigidité, le blocage du pays avec leur corollaire de violence et de désunion des hommes condamnés à vivre ensemble dans la même société.
En démocratie, même formelle, il y a des principes basiques qui sont déterminants pour son maintien et son appondissent dans un pays. Au nombre desquels, on peut citer entre autres : le respect de la Constitution, les lois de la République, la préservation et la consolidation des acquis, le recours aux moyens légaux pour la lutte politique, le respect des libertés et droits de tous les citoyens partenaires ou adversaires du moment.
–Le radicalisme socio-politique peut se justifier pour ses tenants par la conviction absolue du bien-fondé de leur objectif dont l’atteinte devient un impératif vital pour eux d’où l’usage de la violence, de l’intimidation, de l’anarchie comme moyens pour y parvenir.
Le radicalisme en politique est le chemin pouvant être celui apparemment de non-retour au dialogue, pourtant incontournable pour le compromis entre les parties opposées ou belligérantes au sujet du contrôle et la gestion du pouvoir public du pays. Tel le socle indiqué, seul le compromis peut porter tout le poids de l’établissement ou le rétablissement de toutes constructions de l’équilibre socio-politique indispensable à l’épanouissement des citoyens désireux de vivre ensemble.
Les politiques maliens presque tous abonnés à la même idéologie libérale de fait, realpolitik oblige nous dira-t-on, dans ce contexte de mondialisation économique et du regain d’intérêt pour des regroupements sous-régionaux et régionaux.
Ainsi la crise socio-politique du pays n’est-elle pas une opposition de « realpoliticiens » contre « fondamentalistes », au contraire compagnons et opposants du régime d’IBK sont tous des « realpoliticiens » au regard de leurs prises de position sur des sujets d’intérêt national au sein des différentes Institutions de la République du Mali de 1992 à 2020 (Assemblée nationale, gouvernement…).
Loin de nous toute idée de sous-estimation ou de surestimation de l’opposition ou la majorité.Aujourd’hui, tous ces deux camps sont incapables de proposer, ici et maintenant, l’alternative politique dont le pays a réellement besoin pour remettre à plat ce système politique de l’alternance à l’infini, avec elle les problèmes de fond toujours occultés ou esquivés à savoir : la démocratisation véritable de la construction socio-économique, culturelle et sécuritaire du pays.
De ce constat empirique sur la gouvernance de notre pays, il nous semble opportun de demander humblement aux parties en conflit de savoir raison garder pour apaiser le pays, car la paix sociale n’a pas de prix de même que le désordre socio-politique n’a pas de limite.
Par conséquent, le M5 par sa popularité et son dynamisme sur le terrain, il peut positiver sa révolte du moment par le dialogue franc, sincère et constructif avec le camp d’en face pour le changement de cap de la gouvernance d’IBK au profit de tous les Maliens et amis du Mali.
À la faveur du changement de cap de la gouvernance du pays, majorité, société civile et opposition pourront, dans une dynamique consensuelle, améliorer la qualité de la gouvernance actuelle et projeter la nouvelle architecture politique et institutionnelle du pays à travers des réformes politiques et institutionnelles souhaitées par le peuple lors du dialogue national inclusif de décembre 2019. Et cela pour permettre au pays de faire face efficacement aux multiples défis anciens et nouveaux auxquels il fait face.
Quant au juridisme inopportun auquel certains s’adonnent allègrement, il est la voie du blocage total, voire même absolu, du pays. Car, ce n’est un secret de Polichinelle pour aucun acteur public averti la réalité institutionnelle laissant à désirer que sur les huit Institutions du pays, il n’y a que le Président de la République et la Cour Suprême qui fonctionnent clopin-clopant.
Dans ce contexte de crise institutionnelle évidente du pays, les interprétations des techniciens des articles et alinéas en question de la Constitution doivent être faites avec une forte dose de bon sens fondée sur une conscience politique ou patriotique sans faille dans le strict souci de sauver d’abord le pays de la disparition. Le réflexe ou l’instinct primaire de sauver le Mali et toute la sous-région ouest-africaine pour éviter l’amplification des crises y sont déjà existantes, il doit être automatique chez tous les Maliens et en particulier les techniciens du droit.
Sortir de la technicité plate, robotique, statique et inféconde pour intégrer dans les décisions et interprétations juridiques la dimension de crise institutionnelle presque généralisée du pays devient-il une nécessité pour les tenants du droit au Mali.
Le corporatisme en tant que tel aussi est cet autre chemin menant au blocage, à la division, car porteur de germe de l’égoïsme au détriment de l’altruisme, la solidarité qui prône la subordination de l’intérêt particulier à celui général.
Au même moment le Mali compte des dizaines de milliers de réfugiés, de déplacés, de chômeurs, d’oisifs, de vieilles personnes et enfants mendiants, de grands malades, de victimes de guerre, des morts, des blessés, des veuves, des orphelins.
Au regard de ce tableau sombre du pays au plan socio-professionnel, économique, humanitaire, sécuritaire et sanitaire, les travailleurs, représentant la classe moyenne malienne, doivent faire preuve incessamment d’altruisme, oubli d’eux-mêmes, solidarité et générosité envers tous ces Maliens souffrants et dépaysés, car pris dans le piège du désespoir et de la désespérance de l’exode forcé dans leur propre pays et de l’exil imposé dans des pays voisins.
Par pitié des Maliens réduits au silence et à une existence humainement inaccessible à cause des multiples crises du pays, pour la préservation et la consolidation des acquis démocratiques de mars 1991 (durée et nombre du mandat présidentiel, la prise du pouvoir par des moyens légaux entre autres…) et la création des conditions idoines à la renaissance institutionnelle et politique du pays (réformes profondes, conséquentes et refondatrices de l’État…) le radicalisme politique des uns, le juridisme et le corporatisme des autres doivent faire place au dialogue sincère des parties prenantes à la crise pour un compromis fécond et réaliste au profit des Maliens et du Mali.
Les entités socio-politiques en conflit ouvert doivent se faire violence pour sortir le pays de cette crise socio-politique née des pratiques déviantes des gouvernants successifs du Mali démocratique, mais exacerbées et rendues quotidiennes par les sept ans du régime d’IBK avec la complicité de certains, aujourd’hui, de la majorité, de la société civile et d’autres de l’opposition.
Rappelons-nous utilement qu’il n’y a pas d’alternative au dialogue pour le règlement des conflits socio-politiques en démocratie.
Malgré leur ampleur, cahin-caha, les conflits finissent toujours par être réglés par le dialogue politique nourri de l’humilité et de la civilité des parties prenantes à ceux-ci pour l’intérêt du peuple.
Sur le terrain politique, les parties, en présence pour le contrôle et la gestion du pouvoir public, multiplient les actes de persuasion voire de séduction populiste ou démagogique à l’endroit du peuple pour s’octroyer l’exclusivité de son autorisation à agir et parler en son nom.
Au nom de l’intérêt supérieur du même peuple (partie modeste de la société selon Thomas HOBBES), cette crise doit avoir un dénouement pacifique, rapide et positif, car sans paix socio-politique durable, il n’y a pas d’épanouissement pour les Maliens et amis du Mali.
Par M. Seydou CISSE, professeur de philosophie à l’ENSup de BKO/Mali