L’Ambassadeur Cheick Sidi Diarra à « Le Pays » à propos du Dialogue national inclusif : « L’approche est holistique… »
Dans une interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder , le samedi dernier, à son bureau sis à Hamdallaye ACI 2000, le président du comité national d’organisation du Dialogue national inclusif, l’Ambassadeur Cheick Sidi Diarra a fait le bilan des concertations et annoncé les démarches que les organisateurs du Dialogue entreprendront pour la participation de tout le monde , y compris le FSD et tous les autres groupements politiques comme de la société civile qui ont boycotté les concertations au niveau des communes , des cercles, des régions , dans le district de Bamako, à la Diaspora. Il invite tout le monde à participer à la phase nationale. Aussi, a-t-il rassuré les sceptiques que le Dialogue ne se résumera pas à la seule révision constitutionnelle.
Lisez l’interview !
Le Pays : Vous êtes Cheick Sidi Diarra. Vous avez la lourde charge de diriger l’organisation technique du Dialogue national inclusif. Ce Dialogue, après les concertations communales, dans les cercles, régions, dans le district de Bamako et au niveau de la diaspora, tend à sa fin. Vous, en tant que président du Comité national d’organisation, quel est votre jugement du début du processus jusqu’à nos jours ?
L’Ambassadeur Cheick Sidi Diarra
Je pense que le dialogue se passe bien. Nous avons la chance que des rencontres se sont passées sans incident. Nous avions beaucoup de craintes par rapport au niveau communal dans l’organisation des concertations parce qu’il y avait 611 communes qui étaient prévues et couvrir toutes ces communes en matière de sécurité nécessitait beaucoup de moyens. Mais par la grâce de Dieu, nous avons tenu les concertations sans incident. Il en a été de même dans les cercles, régions, et dans le district de Bamako. Il y a eu une grande participation des populations, pas en tant que représentants des partis politiques nécessairement, mais de la société civile, des familles traditionnelles, des chefs religieux, des ordres professionnels, du patronat, de différents syndicats nationaux. Tous ceux-ci ont participé aux concertations. Ils ont donné leurs points de vue sur les six thématiques qui ont été retenues.
Concernant le fond, je pense que les Maliens voulaient s’exprimer sur la situation du pays. Leur état d’âme était important à savoir, mais aussi les propositions qu’ils ont faites étaient importantes. Aujourd’hui, je pense qu’on a exécuté entre 70 et 80% du travail. Il reste seulement la phase nationale du processus qui nécessite un temps de préparation. Mais mon appréciation est plutôt positive et optimiste sur l’organisation du Dialogue national inclusif.
Quel est le niveau de l’évolution du processus du Dialogue ?
Nous sommes en train de préparer la phase nationale. Le Comité national d’organisation est l’organe qui réceptionne les rapports des communes, des cercles, des régions, du district et même des ambassades. C’est nous qui faisons le travail préliminaire avant que l’on arrive à la réunion nationale. À ce jour, nous avons reçu 220 rapports du ministère de l’Administration territoriale. De ces 220 rapports, nous en avons extrait les résolutions et recommandations sous forme de tableau qui va être présenté aux facilitateurs. Nous avons, ensuite, procédé à la numérisation de ces 220 rapports dans la perspective qu’un jour, les facilitateurs vont permettre que l’on mette cela en ligne pour que ce soit accessible à tout le monde. Nous travaillons avec le ministère de l’Administration territoriale. Nous souhaiterions que le rythme de remise des rapports continue d’être soutenu afin que nous, nous puissions continuer notre travail qui consiste à dépouiller lesdits rapports et à les numériser.
À côté de cet aspect lié au dépouillement des rapports et à leur numérisation, il y a l’aspect politique. Il y a des partis, des regroupements politiques, des organisations de la société civile qui sont réticents à participer au Dialogue national inclusif. Je pense qu’il faut donner le temps aux responsables politiques, mais également aux facilitateurs de rapprocher tout le monde afin que nul ne rate la phase nationale du dialogue. Aujourd’hui, je peux dire qu’on est entre 70 et 80% de réalisation.
L’inclusivité sur laquelle vous avez beaucoup mis l’accent est mise en cause par bon nombre de Maliens, surtout des acteurs politiques. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que le premier principe de l’inclusivité, c’est d’abord d’accepter que tout le monde participe. Et de ce point de vue, il n’y a aucune difficulté. Depuis le début du processus, tous les acteurs qui ont été identifiés ont été conviés aux différentes rencontres. À mon avis, s’il y a non-participation, ce n’est pas parce que les organisateurs ont exclu quelqu’un, mais c’est parce que les personnes et les groupes invités ont estimé que les choses n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes. Je pense qu’on doit continuer à les démarcher, à les amadouer pour qu’ils viennent prendre part à ce processus-là. À la différence de l’expérience précédente que nous avons eue (le cadre de concertation), ici tous les acteurs sont invités, mais c’est les acteurs, eux-mêmes qui décident de ne pas participer. On doit faire l’effort pour amener les gens à bord.
Le Front pour la Sauvegarde de la démocratie de Soumaila Cissé et d’autres forces politiques incontournables de la vie politique malienne ont décidé de ne pas participer à ce Dialogue pour des raisons qu’elles ont avancées. Avez-vous cherché à analyser leurs inquiétudes, prendre leurs préoccupations en compte pour qu’elles embarquent dans le train ? Les avez-vous rencontrés, ne serait-ce qu’une fois, depuis leur décision du boycott du Dialogue ?
Moi je suis simplement l’élément technique du Dialogue, ce sont les trois facilitateurs qui sont l’élément politique. Mais je peux vous donner la confirmation que les facilitateurs les (ceux qui boycottent le Dialogue) ont reçus à plusieurs reprises. Déjà, pendant les premiers temps de l’écoute, tous ces acteurs ont été reçus par les facilitateurs. Pendant l’Atelier de validation des termes de références, ils sont venus pour évaluer s’ils allaient participer ou pas. Après, ils ont pris la décision de ne pas continuer, mais les facilitateurs ont continué à les rencontrer.
Le président, nombreux sont des Maliens qui pensent que ce Dialogue est juste un moyen pour aboutir à la révision constitutionnelle et à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Qu’en dites-vous ? La révision de l’Accord d’Alger, pourtant souhaitée par bon nombre de Maliens, n’a-t-il pas été une question taboue lors des débats ?
Je veux rassurer ceux qui ont ce préjugé. Nous avons demandé aux Maliens de parler de leurs préoccupations. Ils ont parlé des préoccupations existentielles qui sont la Sécurité, l’Économie, l’École, la Justice, le foncier, l’Accès aux lieux de pâturage, comment faire l’équilibre entre l’agriculture et l’élevage… Ils ont parlé de ces problèmes. Je pense qu’il ne faut pas ramener le Dialogue national inclusif à la seule question de la révision constitutionnelle. Ce serait très réducteur pour l’effort que les populations sont en train de déployer pour donner leurs avis sur la question. L’approche est holistique, elle est complète : il y a des questions institutionnelles, des questions de paix et de sécurité, mais il y a aussi des questions sociales, financières et surtout des questions de jeunesse. Je ne pense pas que le Dialogue va se résumer à la révision constitutionnelle. Elle, la révision de la constitution n’est qu’un point à discuter, mais pas le point central. Je pense qu’il y a d’autres questions institutionnelles, politiques, électorales qui sont tout autant importantes.
Selon vous, il n’y a pas de sujet tabou ?
Non. Il n’y a pas de question taboue. Toutes les questions seront sur la table. Nous allons évoluer suivant la formule du consensus et s’il y a un consensus sur une question, on évolue. Et s’il n’y a pas de consensus, on la reconsidère autrement. Il n’y a pas de résultat qui soit déjà prédéfini. L’idée va prospérer au cours du débat, c’est ce qui sera retenu comme conclusion du dialogue.
Quant aux résolutions du Dialogue national inclusif, y a-t-il assurance qu’elles seront exécutées ? Quelle disposition avez-vous prise à votre niveau pour qu’elles soient exécutées comme le souhaitent les Maliens ?
Je peux dire que les résolutions du Dialogue national inclusif seront exécutées, mais je ne dirais pas qu’elles seront exécutoires. Ce qui me fait dire que les résolutions seront exécutées est le fait que le pouvoir a pris lui-même l’initiative de venir vers les autres et demander leur implication dans la recherche de solution. S’il avait l’intention de ne pas appliquer les résolutions, il se serait simplement abstenu d’aller voir les autres. Je pense qu’au point où on en est, la solution aux problèmes du Mali n’appartient pas qu’à un parti, à un pouvoir ou à un groupe. C’est vraiment une question pour toute la nation. Faisons-nous le maximum de confiance en espérant que les pouvoirs politiques vont exécuter les résolutions du Dialogue. Moi, je suis optimiste.
Votre dernier mot ?
Je lance un appel à tous nos compatriotes pour une participation effective au Dialogue national inclusif. Je sais que les facilitateurs vont le faire aussi. Je voulais dire que nous travaillons de bonne foi, en toute transparence, pour organiser matériellement ce Dialogue. Avec les différentes concertations, nul ne peut dire que les discussions n’ont pas été transparentes. Nous estimons que la nation doit se retrouver. Le pays est en danger, mettons de côté nos différences, essayons de nous retrouver, solutionnons cette difficulté existentielle pour l’État.
Réalisée par Boureima Guindo
Source : Le Pays