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L’Afrique au cœur de la politique économique chinoise

Le président chinois Xi Jinping entame ce samedi 21 juillet une tournée d’une semaine sur le continent, qui le mènera au Sénégal, au Rwanda et enfin en Afrique du Sud où aura lieu le sommet des pays émergents, les Brics. Depuis 2009, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, une position qui pose des questions de dépendance financière et politique.

Cela fait près de vingt ans que la Chine mise sur l’Afrique. Elle a commencé à se tourner vers le continent au début des années 2000. Selon le cabinet McKinsey, plus de 10 000 entreprises chinoises seraient actives aujourd’hui en Afrique et les échanges entre la Chine et l’Afrique auraient augmenté de 20 % chaque année depuis. La Chine est devenue en 2009 le premier partenaire commercial de l’Afrique, dépassant les anciennes puissances coloniales.

Aujourd’hui encore, l’Afrique est intégrée au principal projet économique chinois : les Nouvelles routes de la soie, dont le président Xi Jinping va faire la promotion lors de cette tournée africaine. Un projet fourre-tout lancé en mai 2017, censé renforcer les échanges de la Chine avec l’Europe et l’Asie. Et l’Afrique y a sa place.

« Il y a une carte officielle, explique Jean-François Di Meglio, président du centre de recherche Asia Centre. Elle [la route de la soie, ndlr] vient toucher l’Afrique à Djibouti, puis elle remonte vers le Nord jusqu’à la Méditerranée, en passant par le Soudan et par l’Egypte. Il faut aussi se souvenir qu’avant le projet de la Route de la soie, il y avait déjà beaucoup d’infrastructures portuaires en Afrique de l’ouest – en Côte d’Ivoire en particulier – ou en Afrique australe. Il existait donc des choses qui peuvent être récupérées. Et s’il y a des choses nouvelles à faire, elles peuvent être inclues dans ce tracé. Cela sert à sécuriser un certain nombre d’approvisionnements de la Chine en matières premières, et à absorber certaines surcapacités : à partir du moment où la Chine s’est équipée en infrastructures, cette capacité à construire des infrastructures doit se développer dans d’autres pays. »

Des prêts plutôt que des investissements

L’Afrique reste donc plus que jamais au cœur de la politique économique chinoise. Mais si la Chine prête beaucoup, elle investit très peu : trois à quatre milliards de dollars d’investissements par an, pour tout le continent. Alors que depuis vingt ans, la Chine a déversé plus de 140 milliards de dollars sous forme de prêts, selon l’agence Ecofin. Des prêts conditionnés à l’obtention de marchés pour ses entreprises, soit une pratique que les pays occidentaux de l’OCDE ont abandonnée.

« C’est un système qui est totalement défavorable aux capitales africaines dans leur grande majorité, juge Xavier Aurégan, chercheur auprès de l’Institut français de géopolitique. Si la Chine gagne des contrats, mais que, dans le même temps, elle n’investit pas ou très peu, c’est du gagnant-gagnant, mais pour la Chine ! Evidemment, les pays africains vont pouvoir développer leur territoire à travers ces infrastructures de communication, mais encore faut-il que ces infrastructures soient pérennisées dans le temps, qu’elles soient entretenues, que le matériel ne vieillisse pas trop vite… »

Résultat : l’Afrique s’endette auprès de la Chine. Pékin détient 55 % de la dette extérieure du Kenya, 60 % pour Djibouti, près de 70 % pour le Cameroun, par exemple. Ce qui pose des questions de dépendance, financière et politique.

Cela ne contribue pas à améliorer l’image de la Chine en Afrique, déjà très écornée : la Chine est perçue comme peu regardante sur les questions de droits de l’homme ou sur la gouvernance des pays dans lesquels elle intervient.

Si les multinationales occidentales sont souvent pointées du doigt pour leurs mauvaises pratiques sur le continent, il est vrai que la Chine est souvent perçue comme « encore pire ». Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre : « Que ce soit en termes écologiques, de droits du travail… souvent, la Chine arrive avec ses propres travailleurs, avec ses propres pratiques, clairement en dehors des standards internationaux. Cette image de la Chine prédatrice est très forte dans l’esprit des Occidentaux, mais il faut aussi avoir en tête que jamais, depuis que la Chine est arrivée en Afrique, on n’a connu une période de croissance aussi forte et aussi durable. »

Un constat qui renvoie directement à la responsabilité des dirigeants africains dans la répartition de cette croissance : dans quelle mesure profite-t-elle à l’ensemble de la population ou à une petite élite corrompue ? Cela renvoie également à leur responsabilité dans les orientations stratégiques prises par ces dirigeants. Des orientations que Xavier Aurégan, de l’Institut français de géopolitique, juge plutôt sévèrement : « Ces élites africaines ne font pas les choix stratégiques qui permettraient de mieux orienter la rente chinoise. Ces choix n’aboutissent pas, depuis près de vingt ans, à une politique d’industrialisation ni à une diversification des économies. On voit qu’on assiste plutôt à une « réprimarisation » de ces économies africaines : plus de 80% des importations chinoises [issues] d’Afrique sont faites de matières premières non transformées, brutes. »

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