ACTUALITÉSpolitiques

La situation politique vue par des leaders de la classe politique : Modibo Sidibé président des Fare : “Un gouvernement d’Union nationale sera catastrophique pour le Mali… “

Daba Diawara président du Pids : “Depuis 1992, il n’y pas eu d’élection au Mali… nous sommes dirigés aujourd’hui par des autorités de fait”

Une forte délégation des Fare Anka Wuli conduite par son président, Modibo Sidibé, avec à ses côtés son secrétaire général, Mamadou Kéïta, a été reçue le week-end dernier au siège du Pids à Hamdallaye par le responsable de cette formation politique, l’ancien ministre Daba Diawara, entouré pour la circonstance de son staff. Situation politique et sécuritaire, front social, accord d’Alger…ont été, entre autres, les sujets abordés par les deux parties qui ont proposé des solutions de sortie de la crise politique et sécuritaire dans laquelle le pays se trouve.

Initiée sur demande du parti Fare, cette rencontre entre les deux formations politiques s’est déroulée dans une atmosphère bon enfant pour la simple raison que les deux partis se sont retrouvés récemment à travers un regroupement politique.

Après les mots de bienvenue du président du Pids, l’ancien ministre Daba Diawara, le visiteur du jour, Modibo Sidibé, a campé le décor en ces termes : “Avoir un espoir de sortie de crise, c’est le sens de notre démarche car le landerneau politique est rouge depuis un certain temps et notre pays a besoin d’un bon projet de sortie de crise durable, qui concerne non seulement la sécurité, mais aussi le social et l’institutionnel. Nous avons dit au sortir de la dernière élection présidentielle que nous ne sommes pas d’accord avec ce qui s’est passé, mais en tant que républicains, patriotes et démocrates, nous acceptons ce qui a été dit. Mais si nous continuons comme ça avec notre système électoral, nous irons directement à la catastrophe car le système électoral est vital pour une démocratie”.

Pour l’ancien Premier ministre, les reformes tant attendues n’ont pas pu être conduites à hauteur de souhait. C’est pourquoi, selon lui, il faut qu’il y ait des réformes structurelles, politiques, sociales, économiques et institutionnelles.

“Dans ces réformes-là, les priorités sont certainement les réformes politiques et institutionnelles. Pour les réformes institutionnelles, il y a eu avant 2012 et après 2012. L’avant 2012, a été marqué par le système du comité Konaré avec des experts et il y a eu aussi la tentative du président ATT qui a estimé que notre démocratie et notre système électoral ont besoin de réformes et qu’il va designer une personnalité pour conduire les discussions et le dialogue autour des réformes.

Avant 2012, ce système marchait. Avec les événements de 2012 entrainant un chambardement, on ne peut plus utiliser le même logiciel. Pour nous, réformer, rebâtir, ce n’est pas une course contre la montre. Il est vraiment temps qu’on se reprenne. Si on veut sortir de cette crise, il faut éviter 3 pièges. Le premier, c’est la crispation entre le président élu et son challenger. Cela accroit la tension politique et cela n’apporte aucune piste de solution de sortie de crise. Le deuxième piège, c’est de se remettre d’accord qu’on pouvait reprendre les mêmes choses, à savoir un gouvernement d’union nationale, avec des distributions de postes. Si d’aventure cela arrivait, ça serait la catastrophe pour le pays et la classe politique nationale qui risque de perdre le peu de crédit qui lui reste. Et le troisième piège, c’est de faire les élections législatives à cette époque-là ou de les reporter de façon unilatérale.

Par contre, nous avons proposé une conférence des forces politiques et sociales pour déboucher sur un accord politique qui allait au moins être constitué par un partage de diagnostic de la situation politique du pays. Et les acteurs vont s’entendre sur ce qui pourrait être le processus durable de sortie de crise. Cette démarche est endogène parce que portée par les Maliens et accompagnée par ceux qui nous aident. Ce qui va déboucher sur une stabilité structurelle du Mali” a proposé l’ancien Premier ministre. C’est cet accord politique qui devait résoudre, selon lui, la situation du mandat de l’Assemblée nationale.

Un gouvernement de mission

“Si cette conférence politique allait plus loin, on pouvait envisager ce que nous appelons le pacte de stabilité pour la sécurité, la croissance et le développement. Aujourd’hui, la situation est en ébullition de tous les côtés. Pour pouvoir se parler dans un dialogue national, il faut qu’il y ait un certain apaisement, qu’on se redonne un peu de confiance et de crédibilité. A cet effet, le front social va accepter, malgré leurs revendications, aussi légitimes qu’elles soient, un temps de pause pour donner la possibilité au pays de trouver de véritables solutions politiques…Une équipe de haut niveau sera constituée pour conduire le dialogue politique refondateur soutenu par le président de la République. Pour couvrir cette période, au lieu d’un gouvernement d’union nationale, il nous faut un gouvernement de mission, pour mettre en œuvre le pacte de stabilité, créer les conditions pour le dialogue national, une fois qu’une première tranche du dialogue national sur les réformes politiques et institutionnelles disponible, donc on va faire travailler les experts pour trouver l’avant-projet de constitution. C’est à partir de cela qu’on peut songer à organiser les élections législatives” a suggéré le président des Fare.

En tout cas, selon lui, le dialogue politique que leur parti propose tend vers un schéma de sortie de crise durable pour le pays. Cependant, il a affirmé leur disponibilité à écouter l’ensemble des forces vives du pays afin de trouver une solution pérenne au problème malien.

“Notre vision pour la sortie de crise n’est pas la seule possible. Dans certains compartiments de notre vision, il y a des clés de tiroir que nous n’avons pas peut-être dans nos discussions, vous pouvez apporter votre partition. C’est le sens de notre démarche pour rencontrer les forces politiques et sociales parce que nous avons dit qu’il faut créer un pacte dénommé pacte malien pour la refondation. Ce n’est pas une alliance électoraliste, idéologique, opposition et majorité. La seule idéologie qui vaille dans ce document, c’est le Mali” a conclu Modibo Sidibé.

Assemblée nationale imposée par la Cour constitutionnelle

Le président du Pids Diawara, ancien président d’un ancien de comité de réformes constitutionnelles a salué le président des Fare pour sa démarche. Selon Daba Diawara, il urge de faire tout pour sortir le pays de la situation “désastreuse” qu’il traverse aujourd’hui.

“Nous n’avons pas eu la chance d’être reçus par le Premier ministre, mais nous lui avons envoyé une lettre ouverte pour dire que ce qu’il est en train de faire n’est pas possible politiquement et ce n’est pas correct. Le Mali a besoin aujourd’hui d’un dialogue politique national qui aurait à l’ordre du jour d’examiner trois thématiques. La première, c’est comment sortir de la crise latente que notre pays traverse. Car les gens ne mesurent pas jusqu’à présent la dimension de cette crise, nous sommes aujourd’hui gouvernés par ce que nous nous appelons les autorités de fait car nous avons une Assemblée nationale que la Cour constitutionnelle nous a imposée, en violation flagrante de la Constitution, le Haut conseil des collectivités a été imposé aussi car n’ayant plus de mandat, les conseillers sont en train de terminer leur deuxième mandat fictif, les conseils de cercles et les assemblées régionales sont ensuite des autorités de fait car n’ayant pas été renouvelés. Le Conseil économique et social culturel est aussi dans la même situation car le quart de ces membres qui provient des collectivités ont perdu leur mandat. Si l’Assemblée nationale est une institution de fait, la Haute de justice l’est aussi “ a précisé le patron du Pids.

L’accord d’Alger est dépassé

Selon lui, leur parti a rejeté le résultat du dernier scrutin présidentiel, mais en tant que républicain, il s’est plié à l’arrêt de la Cour constitutionnelle. “Nous avons fait une déclaration dans ce sens et c’est une démarche que nous avons toujours eue par rapport aux arrêts de la Cour constitutionnelle depuis 1997” a-t-il soutenu. Avant de poursuivre que cette crise institutionnelle latente est très profonde.

La deuxième thématique, selon lui, est de trouver de nouvelles pistes pour la paix et la stabilité au Mali, dans la mesure où, a-t-il poursuivi, l’accord d’Alger ne semble pas être le bon instrument pour le retour de la paix et la sécurité au Mali. Et la troisième thématique de leur proposition, c’est de voir quel Mali construire à la sortie de crise.

“Nous pensons que le dialogue politique, que nous demandons, doit traiter ces questions majeures. Sortir de la crise institutionnelle mérite beaucoup de questions dont de savoir est- ce que c’est le moment de faire la révision constitutionnelle, quel cadre trouver pour org aniser le dialogue politique national, comment l’organiser, qui seront les participants, comment faire en sorte que nous ayons des institutions conformes à notre constitution car notre constitution ne prévoit pas de prolongation de mandat des députés, comment les résolutions seront mises en œuvre. La réponse à ces différentes questions nous permettra de sortir de cette crise” a-t-il soutenu.

Pour Daba Diawara, chacun peut donner l’appellation qu’il souhaite par rapport au dialogue politique, mais l’idée commune partagée, c’est de discuter de ce qui a entrainé le pays dans l’abime et comment en sortir. Pour cela, la position du Pids, selon son premier responsable, est de donner du temps au temps, ne pas surtout précipiter la révision constitutionnelle, le découpage administratif, l’élection des députés. “Il n’est pas possible de trouver un espoir de réussite dans la voie dans laquelle ils veulent engager ce pays-là” a-t-il prévenu. Ce n’est pas tout, Daba Diawara a aussi suggéré que le dialogue politique national évoque surtout le cas de l’Accord d’Alger, un accord qui a été conclu, selon lui, sans que l’opposition n’ait été mise dans le bain pour entendre sa voix.

“Tout le monde se rend compte aujourd’hui que l’accord d’Alger est dépassé, c’est seulement la pression des partenaires, des bailleurs qui fait que beaucoup hésitent à dire que l’accord n’est pas bon. Nous avons dit que l’accord n’est pas bon, bien avant l’élection présidentielle. Il faut un dialogue politique national pour ramener la paix et la sécurité au Mali” a-t-il insisté. En tout cas, pour lui, il faut ouvrir le dialogue à tout le monde car, à l’en croire, ce sont surtout ceux qui ne sont pas dans l’accord qui créent plus de problème. “Ceux qui sont dans l’accord ont obtenu ce qu’ils voulaient car les gens s’habituent de plus en plus à se rendre compte que Kidal n’est plus dans le Mali. C’est le centre et Iyad Agaly qui constitue le problème. Et les acteurs à ce niveau sont en dehors de l’accord. Donc, pour nous, il faut ouvrir le dialogue politique à ces gens-là. Qu’ils acceptent qu’on se retrouve dans le cadre d’un Etat démocratique, unitaire et déposer les armes” a-t-il conseillé. Avant de poursuivre que les questions de corruption et de la transparence de la vie publique soient aussi évoqués lors de ce débat.

“Depuis 1992, il n’y pas eu d’élection au Mali”

Après ce débat, il s’agira de construire ainsi un nouveau Mali sur la base de deux pools, le renforcement de la gouvernance démocratique et la gouvernance institutionnelle.

“Si je dis gouvernance démocratique, je fais allusion aux élections car tout le monde sait, depuis 1992, qu’il n’y a pas eu d’élection dans ce pays. Pour preuve, en 2012, quand notre formation politique est allée voir le président Dioncounda Traoré, lui-même à travers ses propos a confirmé ce que nous pensons déjà. Car il a dit que cela fait 20 ans qu’on fait semblant d’organiser les élections. Et en guise de réponse, j’ai affirmé que pourquoi doit-on toujours continuer à faire semblant d’organiser des élections, qu’est ce qui nous empêche d’observer une pause pour créer les conditions d’élections transparentes et régulières ?

Pour nous, le Mali court un vrai danger, tout peut arriver parce que le système démocratique est fragilisé par les mauvaises élections, à tel point que personne ne fait confiance à ceux qui sont élus. On constate que ceux qui mettent plus d’argent gagnent le plus souvent les élections au Mali. Tu n’as pas d’argent, tu es perdant. Et si tu gagnes le scrutin, c’est pour t’enrichir davantage” a révélé l’ancien ministre Daba Diawara. C’est pourquoi, dès 2008, il a ajouté que leur parti a demandé une refondation totale du système électoral car les mauvaises manœuvres commencent, selon lui, depuis l’établissement des listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats.

“D’ailleurs, c’est pourquoi, nous avons demandé une annulation totale de la liste électorale qui existe, qu’on la reprenne sur des bases reconnues fiables par la communauté internationale. La manière dont la liste électorale du Mali est faite, aucun pays ne fait plus çà dans le monde. C’est fait exprès pour soutenir la fraude.

Chez nous, c’est la loi qui couvre la fraude électorale” a dénoncé l’ancien ministre Diawara. Il s’est dit convaincu que ce sont ceux qui pensent qu’il est possible de sauver le pays qui réclament un dialogue politique national.

Par contre, pour Daba Diawara, ceux qui sont aujourd’hui aux affaires ont peur d’aller au dialogue politique car pensant que ce sera une manière de les faire partir.

En tout cas, au terme de cette rencontre de deux heures, les deux parties ont trouvé plusieurs points de convergences, dont le principal est l’organisation d’un dialogue politique national.

Il faut rappeler que, bien avant le Pids, Modibo Sidibé et son équipe se sont entretenus avec plusieurs formations politiques, toujours autour des propositions de sortie de crise.

Réalisé par Kassoum THERA

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page
Open

X