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La Nasa va explorer un astéroïde rempli d’or, mais à qui appartient l’espace ?

Les ressources de Psyché 16 vaudraient des milliards de milliards de dollars mais la question de l’exploitation spatiale reste encore floue aujourd’hui.

 

La prochaine ruée vers l’or aura-t-elle lieu dans l’espace ? Dans le cadre de son programme Discovery, la Nasa veut envoyer d’ici 2022 une sonde, qui devrait arriver en 2026, sur un astéroïde appelé Psyché 16. L’astre qui se trouve entre Mars et Jupiter et mesure 200 km de diamètres suscite de nombreuses convoitises depuis qu’une immense quantité d’or et de métaux précieux y a été observée.

Au total, selon Bloomberg, il y en aurait pour 700 quintillions de dollars, soit 700 suivis de 30 zéros (700 milliards de mille milliards de milliards). Pour donner un ordre d’idée imaginable, si on divisait cette somme entre tous les habitants de la Terre, chacun aurait une fortune qui s’élèverait à 93 000 milliards de dollars. Ce chiffre ne prend toutefois pas en compte la chute du prix de l’or qui pourrait avoir lieu si une telle quantité était récupérée et rapportée sur Terre…

Reste, avant que l’astéroïde découvert en 1852 par l’astronome Annibale de Gasparis ne puisse être exploité, à trancher la question, encore floue, de l’exploitation spatiale.

Le droit de l’espace, une juridiction encore floue

En pleine guerre froide, le droit à l’espace a été régi dans la précipitation par des résolutions des Nations Unies puis cinq traités successifs entre 1967 et 1979. Le premier, signé en 1967 à Washington, est appelé le traité sur l’espace. « C’est une convention qui cadre le principe de non-appropriation de la Lune et des corps célestes, que ce soit publique ou privée » explique Philippe Achilleas, directeur du Master 2 Droit des Activités Spatiales et des Télécommunications de l’Université Paris Saclay.

Dans son premier article, le traité dispose que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, peut être exploré et utilisé librement par tous les Etats ». Un second article stipule que l’espace « ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ».

Traité de l’espace ou traité de la Lune ?

L’espace n’appartient donc à personne et peut être utilisé par tout le monde dans un premier temps. Cependant, ce premier traité signé et ratifié par 109 nations dont certaines puissances spatiales, reste flou.

En 1979, pour plus de clarté, les Nations Unies proposent le traité sur la Lune. « Dans notre système solaire, cet accord pose le principe selon lequel la Lune et ses ressources font partie du patrimoine commun de l’humanité et en conséquence, leur exploitation est possible uniquement dans un régime international », résume Philippe Achilleas. Mais avec seulement 18 pays qui l’ont ratifié, le traité sur la Lune apparaît bien minoritaire face au plus de cent signatures du traité de l’espace.

« C’est donc deux formes d’internationalisation de l’espace qui s’affrontent ici » résume Philippe Achilleas. « Pour le traité de l’espace, l’espace n’appartient à personne, pour l’accord sur la Lune, il appartient à toute l’Humanité ».

Une interprétation juridique permissive

Afin de permettre l’exploitation spatiale pour les entreprises de leur pays, certains Etats ont une interprétation très particulière des traités, et plus spécifiquement de la formule de « non-appropriation nationale ».

« Les Etats-Unis et le Luxembourg sont les deux seules législations nationales à ce jour à avoir autorisé l’appropriation des ressources spatiales » explique Cécile Gaubert, avocate spécialisée dans les secteurs aéronautique et spatial à Paris « Ces deux Etats se sont basés sur l’interprétation suivante : le traité de 1967 interdit l’appropriation du corps céleste en lui-même mais n’interdit pas de procéder à une extraction afin d’utiliser le sol et les matériaux qu’on peut y trouver. »

Voté en 2015, le Space Act est la loi américaine qui « favorise le droit des citoyens américains à entreprendre l’exploration et l’exploitation commerciale des ressources spatiales », sauf les formes de vie extraterrestre. Et par « citoyens américains », le texte comprend à la fois « les individus qui sont citoyens américains » mais aussi et surtout les « entités organisées ou existantes sous les lois des Etats-Unis ou d’un Etat », c’est-à-dire les entreprises. Pour prouver la conformité de la loi avec le traité de l’espace, les législateurs ont tout de même précisé que « les États-Unis n’affirment pas [par cette loi] leur souveraineté, règne ou droits exclusif ou prioritaire, ni la possession, d’aucun corps céleste ».

L’espace, le nouvel Eldorado ?

Avec cette loi qui rend possible l’exploitation commerciale des ressources spatiales, certaines entreprises américaines n’ont pas caché leur joie après un intense lobbying. Deep Space Industries, ispace ou encore Planetary Resources… Elles sont nombreuses à vouloir se lancer à la conquête des richesses de notre système solaire.

Aujourd’hui, les Emirats arabes unis et le Japon seraient en passe de faire voter une loi qui leur permettrait eux aussi d’exploiter les ressources spatiales. Seront-ils les futurs concurrents des Etats-Unis pour la conquête de Psyché 16 ? Réponse dans 50 ans, selon la Société royale d’astronomie d’Angleterre, qui imagine ce délai pour un début d’exploitation commerciale de l’astéroïde doré.

Par Nicolas Dixmier

Sourceleparisien

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