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La CPI donne son feu vert à une enquête pour crimes de guerre en Afghanistan

Des troupes de l’armée afghane, après une attaque par les Talibans dans la province de Kunduz, le 4 mars 2020. (photo d’illustration) STR / AFP
Texte par :
RFI
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Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont finalement décidé d’autoriser jeudi 5 mars l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre en Afghanistan qui pourrait concerner des troupes américaines. Car la procureure veut se pencher sur tous les crimes commis sur le territoire, soit un retournement majeur dans une affaire au cœur des vives tensions entre La Haye et Washington.

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Cela fait treize ans que le bureau du procureur avait annoncé son intention de mener une enquête sur les crimes de guerre commis en Afghanistan et cette décision en appel de la Cour pénale internationale autorise la procureure Fatou Bensouda à se pencher sur tous les faits survenus en Afghanistan depuis le 1er mai 2003, indique notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet.

L’enquête couvrira donc la totalité des belligérants : qu’il s’agisse des talibans, de l’armée afghane ou des troupes de la coalition internationale – et donc des forces américaines.

La chambre d’appel a aussi autorisé le parquet à poursuivre les auteurs de crimes commis dans les prisons secrètes de la CIA, notamment en Lituanie, en Pologne et en Roumanie.

Le gouvernement afghan lui-même s’était opposé à l’ouverture d’une telle enquête et s’était réjoui de la décision en première instance, estimant que la justice afghane était seule compétente.

Mais c’est surtout les États-Unis qui avaient mené une offensive de grande ampleur pour empêcher cette décision, finalement prise jeudi 5 mars.

Dès le départ, l’éventualité de voir un jour les armées américaines accusées de crimes de guerre avait poussé Washington à refuser de signer le statut de Rome qui institue la CPI. Les accords de coopération militaire signés par de nombreux pays avec les États-Unis impliquent tous de renoncer à l’éventualité de poursuites devant la CPI.

Pendant des mois, l’administration Trump avait menacé de sanctions juges et procureurs de la Cour, allant jusqu’à promettre la mort de la juridiction. L’ancien conseiller à la sécurité de la Maison Blanche John Bolton avait été jusqu’à déclarer l’institution de La Haye « illégitime et déjà morte », n’hésitant pas à menacer les juges de geler leurs avoirs américains et à priver de visa la procureure Fatou Bensouda.

Une enquête qui s’annonce difficile

La chambre d’appel a balayé un à un les arguments des juges préliminaires. Ces magistrats avaient jugé que les crimes étaient bien du ressort de la Cour. Mais, pragmatiques, ils avaient assuré que la procureure n’obtiendrait aucune coopération pour enquêter et arrêter les futurs suspects.

Nul doute que la procureure aura du mal à enquêter en Afghanistan, commente notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas. Mais nombres d’avocats et de juristes estiment que le volet visant les forces américaines serait techniquement le plus simple.

Pour Katherine Gallagher, avocate de victimes incarcérées à Guantanamo, la coopération des États-Unis n’est pas indispensable car toutes les preuves sont déjà là.

« L’armée américaine et le Congrès ont enquêté, les victimes sont disponibles pour des interrogatoires. Malheureusement, trop de pays, y compris des membres de la CPI, ont collaboré au programme américain de torture. Il y a de nombreux États membres, à commencer par la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, qui ont l’obligation de coopérer avec le parquet, tout comme bien sûr l’Afghanistan. Mais encore une fois, je ne crois pas qu’il y ait tant d’information à trouver. En fait, George W. Bush, lorsqu’on lui a demandé s’il avait autorisé le simulacre de noyade, a répondu  » tout à fait « . Nous avons donc ici la confession de l’ancien président des États-Unis. »

Le plus difficile, pour la procureure, sera d’obtenir l’arrestation de futurs suspects et leur livraison à La Haye, comme dans d’autres dossiers.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a réagi après l’annonce de la CPI, dénonçant une enquête « irréfléchie ». « C’est une action incroyable de la part d’une institution politique qui n’a pas à rendre de comptes et se déguise en organe juridique », a-t-il déclaré. C’est d’une décision « irréfléchie qui intervient quelques jours seulement après que les États-Unis ont signé un accord de paix historique concernant l’Afghanistan », a-t-il souligné.

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