La campagne pour la présidentielle tunisienne débute ce lundi
La campagne présidentielle s’ouvre officiellement ce lundi en Tunisie, un mois et demi après le décès du chef de l’Etat Béji Caïd Essebsi, un scrutin aussi indécis que vital pour l’unique pays rescapé des Printemps arabes de 2011, qui doit encore consolider les acquis démocratiques.
« C’est la première fois que les Tunisiens n’ont aucune idée de qui va être président », selon le groupe de réflexion tunisien Joussour. « En 2014, il y avait deux grands champions, le président sortant (Moncef) Marzouki et M. Essebsi. Là, tout est possible ».
Le décès, le 25 juillet à quelques mois de la fin de son mandat, de M. Essebsi, premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, a bouleversé le calendrier électoral.
Prévue le 17 novembre, l’élection présidentielle aura finalement lieu le 15 septembre et sept millions de Tunisiens sont appelés aux urnes, après une vigoureuse opération d’inscriptions sur les listes électorales ayant permis d’atteindre de nombreux jeunes très abstentionnistes lors des municipales de mi-2018.
Si l’instance chargée d’organiser les élections a interdit la publication de sondages, ce qui complique l’évaluation du poids politique des 26 candidats retenus pour le scrutin, certaines enquêtes d’opinion circulent.
Beaucoup placent en tête Nabil Karoui, homme d’affaires et magnat des médias détenu depuis le 23 août après avoir été inculpé de « blanchiment d’argent » dans le cadre d’une enquête en cours depuis plus de trois ans.
Après des incertitudes, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a finalement validé sa candidature.
Les soutiens de M. Karoui ont affirmé que son arrestation en juillet était entachée d’irrégularités, accusant le chef du gouvernement Youssef Chahed, qui est l’un de ses rivaux pour l’élection, d’en être l’instigateur. Le gouvernement avait présenté une loi éliminant M. Karoui de la course, mais cet amendement, voté, n’a pas été promulgué par le défunt président Essebsi.
Le Premier ministre a démenti toute intervention, affirmant que cette arrestation avait augmenté la popularité de M. Karoui, qui a commencé à faire campagne à coups d’opérations de charité médiatisées par la chaîne de télévision qu’il a fondée, Nessma TV.
– « Election ouverte » –
MM. Chahed et Karoui, ainsi qu’au moins quatre autres candidats, sont issus ou proches du parti séculariste Nidaa Tounes fondé en 2012 et ayant fait élire Béji Caïd Essebsi en 2014.
Ce parti, créé en rassemblant des mouvements hétéroclites sur une plateforme anti-islamiste, est en miettes, décimé par des luttes de clans.
Lors du lancement de la campagne à l’étranger samedi, M. Chahed, à l’occasion d’un meeting à Lyon en France, s’est posé en défenseur des droits humains.
Les candidats sécularistes seront notamment opposés au premier candidat présenté par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, le président par intérim de l’Assemblée Abdelfattah Mourou, un avocat septuagénaire à la verve appréciée, qui porte l’habit traditionnel mais prône l’ouverture du parti.
Pour le politologue Hamza Meddeb, il y a une possibilité sérieuse que M. Mourou « soit au second tour », qui doit avoir lieu avant le 4 novembre. « La grande inconnue sera son rival vu la fragmentation du paysage séculariste, ça pourrait être Nabil Karoui, Youssef Chahed, ou Abdelkrim Zbidi », ancien ministre de la Défense.
M. Zbidi, technocrate sexagénaire, est sorti de l’ombre après avoir été appelé au chevet de M. Essebsi, qui l’a ainsi placé sur la liste de ses successeurs. Plusieurs fois ministre, il n’a jamais disputé d’élections politiques et souhaite « remettre en marche l’ascenseur social », a-t-il indiqué lors d’un entretien avec l’AFP.
Un universitaire indépendant néophyte en politique, Kais Saïed, s’est fait une place en haut des sondages mais à défaut de soutien partisan, difficile de savoir s’il va s’y maintenir.
Plusieurs anciens ministres et Premiers ministres –comme Mehdi Jomaa, ex-chef d’un gouvernement de technocrates, ou Hamadi Jebali, un dissident d’Ennahdha– sont également dans la course, ainsi qu’une pasionaria anti-islamiste, Abir Moussi.
« C’est une élection ouverte et elle restera probablement ouverte même au second tour », souligne M. Meddeb, estimant que des surprises peuvent émerger au cours de la campagne.
Aucun changement n’est prévu quant à la date des législatives programmées pour le 6 octobre, qui se tiendront donc entre les deux tours de la présidentielle.
La Tunisie est le seul des pays arabes touchés par les contestations à poursuivre sur la voie de la démocratisation malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques jihadistes.
Journal du mali