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KAYES : A quand la fin de l’esclavage ?

Malgré l’abolition de l’esclavage dans toutes ses formes par les textes en vigueur depuis le 19e siècle à l’avènement de la démocratie, le phénomène a toujours cours au Mali. Exploitation de l’homme par l’homme, oppression sociale, agressions physiques et verbales, attentatoire aux droits de l’Homme et aux mœurs, discrimination axée sur l’origine parentale. Voilà, les souffrances dont sont victimes les esclaves.

Un phénomène courant auquel plusieurs personnes sont assujetties dans la région de Kayes, plus précisément les localités habitées par les Soninkés.
L’esclavage par ascendance continue de sévir dans le pays profond malgré l’article 2 de la Constitution du février 1992 qui stipule que : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ».
Cette pratique existe depuis des siècles dans la région. Certains clans, surtout ceux des descendants des anciens empereurs, étaient considérés comme des nobles. Ils avaient des esclaves, et ces derniers n’avaient pas le droit de refuser les ordres de leurs maîtres.
Officiellement, cet esclavage n’existe plus depuis que le Mali est une République, puisque notre Constitution reconnaît que tous les citoyens sont égaux. Mais certaines de ces pratiques ont résisté au changement dans plusieurs villages.
A l’heure du respect des droits de l’Homme, les victimes prennent de plus en plus conscience de l’injustice de leur état et n’entendent plus servir des maîtres comme le faisaient leur aïeux. « C’est au moment où nous avons clairement montré notre opposition à cette violation de nos droits et libertés que ceux qui se disent nobles ont commencé à nous persécuter », nous a confié sous anonymat une des victimes résidant à Djandjoumé, dans la Commune de Gogui, cercle de Nioro du Sahel.

Représailles
Les nobles n’entendent pas facilement renoncer à leur privilège. Ceux qui se révoltent contre leur statut d’esclave sont mis au ban de la communauté. « Même en cas de décès ou de maladie, personne ne te viendra en aide, et on ne te laisse prendre part à aucune activité sociale », martèle un autre esclave du village de Dramané. « Même nos enfants qui sont en Europe ne peuvent plus nous venir en aide financièrement parce qu’on les a exclus des associations du village », ajoute-t-il.
Pour lutter contre ce « mépris » et défendre les victimes, une association dénommée Ganbana Xun (Nous sommes tous égaux) a été créée. « A l’heure actuelle, il y a plus de 8 plaintes déposées en justice qui attendent toujours leur suite. Les victimes ont perdu leurs biens, leurs espaces cultivables, etc. Elles ont été exclues de toutes les activités auxquelles elles prenaient part », témoigne Djaguili Maro Kanouté, président de l’association dans la région de Kayes. « Nous interpellons les plus hautes autorités à se pencher sur cette affaire afin que les victimes soient rétablies dans leurs droits », ajoute-t-il.
L’esclavage par ascendance refait surface dans la région de Kayes. Plus de 60 personnes dont 30 enfants ont été contraintes de quitter le village de Kaïnera, dans le cercle de Diéma pour Bamako. Selon ces déplacés, les notables du village ont violé leurs droits avant d’exiger leur départ du village. Ils réclament justice auprès des autorités.
« Nous avons refusé d’être esclaves, car tous les Maliens sont égaux devant la loi », clame Marabata Diarra, un des responsables de ces déplacés. « Nous avons décidé de ne poser aucune action susceptible de nous emmener dans l’esclavage. Mais nous adhérons à toute idée qui tend vers le développement de la localité, comme la construction des mosquées ou des écoles », poursuit le responsable des déplacés.
Face à leur refus, ces personnes ont été privées de services sociaux de base et bannies du village, témoigne Marabata Diarra. « Les notables du village nous ont empêchés de faire nos achats dans les boutiques ou encore de nous approvisionner en eau de la fontaine. Ils nous ont également interdit d’enterrer nos morts dans le cimetière du village », martèle notre interlocuteur.
Le président de la Commission nationale des droits de l’Homme, Aguibou Bouaré, regrette cette situation. Il promet que des dispositions seront prises afin que justice soit faite. Les autorités régionales et nationales devraient se saisir du dossier et faire cesser ces pratiques qui risquent d’aboutir des conflits communautaires sanglants qu’on observe dans d’autres régions si rien n’est fait.
Assi de Diapé

Source: lepointdumali

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