C’est dans une salle remplie où il faisait chaud que l’audience ministère public contre Issa Kaou N’Djim a eu lieu. Sur le banc du ministère public, deux parquetiers en occurrence Mamadi Tounkara et Boucoum qui furent rejoints par le procureur de la République, Idrissa Hamidou Touré. A la barre, le prévenu Issa Kaou Djim a essuyé les balles de leçons de morale du procureur Touré du ministère public. Se référant à certaines de ses publications sur les réseaux sociaux, Touré trouve que l’homme est incohérent dans ses propos à la barre et sur les réseaux sociaux. « Sans anarchie, vous ne pouvez pas exister », lance le procureur Touré. Le chef du Parquet de la Commune IV a posé la question à Kaou Djim s’il n’a pas des antécédents psychiatriques. Est-ce que vous êtes sain ?
Le substitut Tounkara doute de la bonne foi de Kaou N’Djim et estime qu’il contribue à détruire la transition. Pour le procureur Touré, il n’y a pas de cohérence dans les propos du prévenu.
Au cours de ce procès, le ministère public a jugé les propos de Kaou N’Djim déstabilisants. Pour eux, il existe d’autres voix plus appropriées pour dire ce qu’il pense au premier ministre Choguel en sa qualité de vice-président du CNT.
Idrissa Touré : « Pour nous, c’est un dossier purement pédagogique….»
«Nous souhaitons un aspect pédagogique dans ce procès. Pour nous, c’est un dossier purement pédagogique….», a souligné le procureur de la République en balayant une atteinte à la liberté d’expression. « Monsieur Kaou N’Djim, vous devrez vous ressaisir… Stop ! », a-t-il lancé. Il a arrosé la classe politique. Selon lui, il n’y a plus apatrides que les hommes politiques. « Ce n’est pas le procès de Issa Kaou N’Djim. C’est le procès des hommes politiques. C’est le procès de vous les menteurs », requiert le procureur Touré. Et une partie de la salle peine à contenir sa joie.
« On ne sert pas les régimes. On sert la loi » a-t-il dit avant d’aller plus loin : « Ce n’est pas Choguel que vous allez déstabiliser, ce sont les institutions de la transition, c’est le pays. » Il dénonce les tiraillements pour le contrôle du pouvoir à Bamako en disant que « la somalisation a commencé comme ça ».
Il tacle le M5-RFP et dénonce les parquets qui n’ont pas pris leurs responsabilités face aux dérives. « IBK vous a laissé faire, vous l’avez chassé », a-t-il dit Le parquetier rappelle que le mandé a été toujours géré avec la rigueur dans la droiture.
Plus des leçons de morale que d’argumentaires juridiques de la part du ministère public.
Les paroles d’Issa Kaou N’Djim
«Reconnaissez-vous les faits ? » demande la présidente de l’audience, Mme Diarra Fatoumata Sidibé.
-Non, non, non ! répond Issa Kaou N’Djim.
Selon lui, il est poursuivi pour des opinions politiques.
-Vous faites des publications de vidéos, a dit la présidente.
-Même Choguel le faisait, a souligné le prévenu.
La magistrate réplique :
-Ce n’est pas le procès de Choguel
-Avez-vous dans la vidéo du 25 octobre 2021 que le Premier ministre va être chassé ?
-Je veux avoir les vidéos pour être sûr que j’ai dit, a réagi Issa Kaou N’Djim.
Le Ministère public n’a pas de vidéo dans le dossier.
Issa Kaou Djim poursuit : « Je suis un républicain…… Je ne vais jamais appeler aux troubles à l’ordre public…. Je suis un acteur majeur de cette transition….. Sans la lutte du M5-RPF, Choguel ne serait pas Premier ministre…. Mon souci, c’est la stabilité, mon souci, c’est le bonheur des Maliens, mon souci, c’est la tranquillité…. J’ai quatre épouses et vingt-trois gosses. Je ne vais jamais chercher à déstabiliser ce pays…… Je n’ai aucune raison, aucune volonté de déstabiliser la transition… J’aime trop mon pays pour être en intelligence… J’ai souci de la stabilité du pays… L’Armée, c’est tout le monde. Je serais le dernier à trahir l’armée… Je serais le dernier à poser un acte pour détruire le pays… On ne peut pas vivre en autarcie…… Il faut se réconcilier avec la communauté internationale…… Si la transition échoue, c’est mon échec personnel. »
Les bons points de Me Tapo au procès de Kaou N’Djim
Comme un cours de magistrature, l’avocat de la défense, Me Tapo a démonté point par point les actes de prévention contre son client Kaou N’Djim. Le bâtonnier Kassoum Tapo a commencé sa plaidoirie par des propos de feu Me Demba Diallo : « Quand la politique entre par la porte, le droit sort par la fenêtre ».
« C’est le crédit financier de l’Etat ». Il faut connaître l’origine des lois, a-t-il souligné, faisant allusion à une loi française de 1936. Il va plus en loin en disant que le procureur ne peut pas poursuivre son client sur la base d’atteinte au crédit de l’Etat sans une plainte du ministre des Finances. « Où est la plainte du ministre des Finances », demande l’avocat au ministère public. « Vous ne pouvez pas réécrire la loi », a-t-il plaidé avant de rappeler que les lois pénales sont d’interprétations strictes en matière pénale.
Pour Me Tapo, « Choguel n’est pas l’ordre public et le gouvernement n’est pas l’ordre public ». Il est convaincu que « les préventions du ministère public sont imaginaires ». Selon l’infraction de troubles à l’ordre public est constitué par des actes suivis d’effets et non des propos tenus.
Pour lui, son client ne peut pas être poursuivi sur la base d’une procédure de flagrant délit. Il ne s’est pas limité à une simple dénonciation mais en faisant ressortir les articles du code pénal et de la loi portant régime de presse et délit de presse.
« Je ne plaisante pas avec l’honneur d’un homme, je ne plaisante pas avec la liberté »
Le Challenger