C’est hélas un fait. Depuis quelques années, le nombre de civils tués du fait du conflit qui s’est déclenché il y a une décennie au Mali ne cesse d’augmenter. La plupart de ces meurtres sont le fait des groupes armés terroristes qui continuent de sévir sur une bonne partie du territoire national. Le pire dans tout cela, c’est que les enquêtes visant à déterminer les circonstances de ces forfaits et à identifier formellement l’identité des auteurs en vue de les traduire devant les tribunaux peinent à produire les résultats escomptés. D’où une sorte de culture de l’impunité qui semble s’être installée dans la durée.
Le cas le plus récent d’atteintes contre les civils est survenu, dans la soirée du jeudi 23 février, lorsqu’au moins 12 d’entre eux ont été exécutés suite à l’attaque lâche et barbare perpétrée contre la localité stratégique de Kani Bonzon, relevant de la région de Bandiagara. Pourtant, certains continuent à s’étonner de la facilité déconcertante avec laquelle les assaillants ont fait irruption dans cette localité n’hésitant pas à tuer une dizaine de civils et à causer d’importants dégâts matériels.
D’autres massacres de ce genre sont survenus en 2022 comme au mois de juin où 120 civils ont été tués dans les villages Dianwali, Deguessago et Diallassagou, dans la région de Bandiagara. Outre le centre du pays, depuis mars 2022, la région de Ménaka et une partie de celle de Gao notamment le cercle d’Ansongo, plusieurs meurtres de civils ont été perpétrés.
Bien que la majorité de ces massacres peuvent être attribués à des groupes terroristes, d’autres malfaiteurs souvent se réclamant de milices armées dites d’autodéfense. Il faut aussi noter qu’outre les massacres de civils, le pillage des biens, des habitants de plusieurs localités ont été menacés de quitter leur terroir au risque d’être pris pour cible.
Il convient de rappeler qu’entre 2013 et 2017, 472 civils ont été tués par le conflit au Mali. Les cinq dernières années (2018-2022), le nombre de civils tués par ce conflit a dépassé 4 300 personnes. Cette hausse alarmante s’explique en grande partie par l’augmentation de la violence dans le centre du Mali. Bien que le gouvernement malien soit le premier concerné par la protection des civils dans le pays, le nombre croissant de victimes démontre une incapacité des acteurs étatiques à répondre aux défis sécuritaires.
Depuis son déploiement au Mali en 2013, la protection des civils a toujours été une tâche prioritaire pour la MINUSMA (la mission des Nations Unies de maintien de la paix au Mali). Dans le cadre de sa mission, elle œuvre à faire cesser les atrocités auxquelles font face la population. Selon des études précédemment réalisées, la critique la plus fréquemment formulée par les maliens à l’encontre de la Mission est qu’elle ne protège pas les civils des acteurs armés. Malgré les plans élaborés çà et là, il y a lieu de déplorer l’absence d’harmonisation des perspectives d’évolution de la situation sécuritaire au centre du Mali n’a été constatée au cours des 12 derniers mois.
Le ciblage délibéré des civils lors d’attaques
On se souvient qu’au cours des six premiers mois de l’année 2019, le Mali a déploré trois massacres de civils de grande ampleur dans la région de Mopti au centre du Mali. Les massacres de Koulogon, d’Ogossagou et de Sobane Da, qui ont fait plus de 200 victimes, ont mis en évidence deux tendances inquiétantes dans le conflit malien : le ciblage délibéré des civils lors d’attaques à grande échelle et une forte détérioration sécuritaire dans le centre du pays.
Pour autant, d’après plusieurs personnes qui vivent dans ces localités, notamment au centre, « depuis le coup d’état, les FAMas sont plus proactifs dans leur réponse. Les militaires ne sont plus dans les casernes, ils sont toujours sur le terrain ». D’où l’expression très utilisée en ce moment à savoir la « montée en puissance des FAMas », qui a été propagé par les autorités de la transition à chaque occasion.
Ainsi, plusieurs personnes interrogées ont salué les actions des FAMas au centre du Mali, en affirmant qu’elles sont plus présentes, plus actives et mieux équipés qu’auparavant. Toutefois, ce qu’il y a lieu de déplorer c’est que depuis quelques temps, on est toujours sans nouvelle des résultats des enquêtes ouvertes à la suite de ces massacres. Avant, la MINUSMA menait des enquêtes à chaque fois que ce genre de fait survient en publiant les résultats. On ignore les raisons pour lesquelles cette pratique a pris fin.
Cette situation ne favorise que la culture de l’impunité. Il est urgent que les autorités, notamment le secteur de la justice reprennent l’initiative à ce niveau afin d’arrêter cette spirale mortifère qui a déjà emporté de nombreuses vies innocentes et causé des destructions jamais égalées.
Cheick B CISSE
Le Wagadu