[Info RFI] La France apporte son aide au Togo dans l’affaire Madjoulba
Dans la nuit du 3 au 4 mai dernier, le colonel Bitala Madjoulba, commandant du 1er bataillon d’intervention rapide (BIR), était assassiné. Par qui et pourquoi ce proche du clan au pouvoir a-t-il été tué ? Deux mois et demi après les faits, le mystère reste entier. Selon nos informations, les autorités togolaises ont donc demandé à la France de mener des expertises balistiques pour tenter d’identifier le ou les auteurs de cet assassinat.
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C’est un vol particulier qui a atterri le dernier week-end de juin à Paris. A son bord, des scellés que Calixte Batossie Madjoulba, l’ambassadeur du Togo en France et frère aîné de la victime, est venu remettre à la justice française. Ces scellés ? Des pistolets et des douilles saisis par les autorités togolaises à l’intérieur du camp militaire où le colonel Bitala Madjoulba, commandant du 1er bataillon d’intervention rapide (BIR), a été assassiné.
Pour tenter de confondre le ou les auteurs de l’assassinat, les enquêteurs ont décidé de procéder à des expertises balistiques. Leur idée est de comparer la balle retrouvée sur le corps de la victime avec celles des armes appartenant à des militaires du camp. Environ 75 pistolets ont ainsi été saisis avec leurs cartouches.
Selon une source proche de l’enquête, le juge en charge de l’affaire a alors émis des commissions rogatoires internationales à des fins d’expertises balistiques. Comme plusieurs pays africains, la France, via une demande d’entraide judiciaire, a été sollicitée pour procéder à ces expertises. Une demande rapidement acceptée par Paris.
Assassiné d’une balle dans le cou, tirée à bout portant
Cette démarche semble indiquer une chose : deux mois et demi après les faits, les autorités togolaises ne sont toujours pas parvenues à identifier le ou les assassins et surtout à comprendre pourquoi le commandant du 1er bataillon d’intervention rapide (BIR) a été tué. Parmi les hypothèses évoquées, il y a celle d’un assassinat lié à des rivalités ethniques au sein de l’armée, celle d’un règlement de compte en lien avec de possibles trafics, et même celle d’un message adressé au clan présidentiel – dont l’officier assassiné et surtout son grand frère sont réputés proches – , mais le mystère reste entier.
« Personne n’est arrêté pour le moment dans le cadre de l’enquête judiciaire », assure cette source proche du dossier. Une enquête militaire est également en cours, mais il est difficile d’obtenir des détails. Cet assassinat apparaît d’autant plus mystérieux que le colonel a été assassiné quelques heures après l’investiture du président Faure Gnassingbé à laquelle il venait d’assister.
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Un élément laisse à penser que la victime connaissait son ou ses agresseurs. Ce dimanche 3 mai, le colonel Madjoulba rejoint son bureau, qui lui sert également de couchette, en milieu de soirée, après avoir fêté l’investiture au mess des officiers. Or, les enquêteurs ont constaté que la porte privée menant à son bureau, d’ordinaire fermée, était restée ouverte. Ce qui laisse supposer que le colonel aurait accueilli celui ou ceux qui allai(en)t ensuite l’assassiner.
Le patron du BIR a-t-il été égorgé comme le dit la rumeur ? Deux sources bien informées écartent cette hypothèse et assurent à RFI qu’il n’a été tué que d’une seule balle. Tirée dans le cou, celle-ci est allée se loger dans le sternum. Le tir ayant été effectué à bout portant, il subsisterait, selon une de ces sources, une trace de brûlure au niveau de son cou qui pourrait donner l’impression que le colonel a été égorgé. Ce qui est sûr, c’est que le haut gradé a été tué dans la nuit. Sa secrétaire a découvert son corps au petit matin.
« Aucune demande » de restitution du corps n’a été effectuée par la famille
Dix semaines après, la dépouille de la victime est toujours à la morgue de Lomé. Les habitants du village de Siou – d’où était originaire Bitala Madjoulba – et des communes alentour étaient rapidement descendus dans la rue après sa mort pour réclamer la restitution de son corps en urgence. Et pour cause : dans la tradition losso, les personnes disparues de mort violente doivent être enterrées sans délai.
A l’époque, une source gouvernementale demandait alors du temps afin de procéder à une autopsie complète. Or, aujourd’hui, de source judiciaire on assure que « l’autopsie a été faite et que tous les prélèvements nécessaires ont été accomplis ». Pourquoi la dépouille n’a-t-elle pas alors été restituée à la famille ? Car « aucun membre n’a introduit une quelconque demande » au juge, répond cette source, qui précise : « Nous travaillons étroitement avec la famille, à chaque fois qu’ils demandent à voir le corps à la morgue, on les y autorise ». Et cette même source de conclure :« il appartient maintenant à la famille – si elle est prête pour procéder aux cérémonies d’inhumation – de demander la restitution du corps ». Extrêmement discret, Calixte Batossie Madjoulba, le frère aîné de la victime, n’a pas donné suite à nos sollicitations.