Ibrahim Boubacar Kéïta: Que lui reste-t-il si ce n’est de démissionner ?
L’opposition, en déposant une correspondance à l’Assemblée Nationale pour réclamer une enquête sur les responsabilités quant aux détournements des fonds colossaux de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire (2015-2019), a remis au cœur du débat politique national la question de l’impunité et de la justice. Son Chef de file, l’l’Honorable Soumaïla Cissé, a désormais le dos suffisamment rond pour se positionner en défenseur de l’État et de la République.
L’État, qu’il soit monarchique, monarchiste, républicain ou autres, repose sur des piliers qui sont la justice, le respect de la chose publique, le partage équitable des ressources selon les aptitudes des citoyens ou des sujets, encore que la solidarité sociale, par l’individu ou par la nation, doit être un clin d’œil permanent au devoir de générosité. Il ne s’agit, donc, jamais, dans une communauté d’Humains, d’assurer l’impunité à des fossoyeurs privilégiés coupables de délits flagrants dont les conséquences sont indéniablement morbides pour la stabilité et la quiétude sociales, pour la vie de la patrie commune, au finish.
En ce qui concerne un pays, un État, comme le Mali, République depuis le 22 septembre 1960 et dont on s’apprête à fêter le 59e Anniversaire, dans la morosité, l’anxiété et l’angoisse a son lendemain qui apparaît des plus incertains. Il faut rappeler qu’il est né, dans l’envoi et l’euphorie, des entrailles de glorieux royaumes et empires qui, aux Hommes qui les ont gouverné, ont toujours fait du service public un engagement d’honneur; sacerdoce que le Président Modibo Kéïta a si idéalisé que, pour envoyer sa propre mère faire le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam en Arabie Saoudite, a dû s’endetter pour compléter ce qui manquait aux frais indispensables. Il n’a pas osé toucher aux deniers publics, pas même aux fonds de Souveraineté, que l’on désigne communément comme la caisse noire du Président de la République. Homme singulier, responsable d’une moralité à toute épreuve, ni chagrin ni mesquin au point de toucher à des choses interdites dont, entre autres, l’argument public et la femme libre. Le Mali a continué sa mue, marche dans l’Histoire pour tous pays.Et c’est le moment de noter que les soubresauts politiques que Maliba a enregistrés, depuis 1960, ont tous été nourris du refus de la corruption, du mal-vivre général, de l’impunité accordée aux malfaisants.
Le Général Moussa Traoré s’est battu en la matière du mieux qu’il pouvait, il faut le lui reconnaître, contre une camaraderie plutôt abonnée aux délices du pouvoir et qui n’en faisait qu’à sa tête. Jusqu’à ce que la lutte contre la corruption et la malfaisance de tous genres ait atteint son summum avec la Révolution du 26 mars 1991.
Mais, voilà, ce sont justement les acteurs de cet épisode hautement historique, malheureusement pour les Maliens, qui incarnent les plus grands dénis de justice depuis bientôt trois décennies. Le prototype le plus à montrer est Ibrahim Boubacar Kéïta qui a parcouru allègrement toutes les allées veloutées du pouvoir pour y occuper les fauteuils les plus soyeux. Tour à tour, Conseiller diplomatique du Président Alpha Oumar Konaré, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, Ministre des Affaires Étrangères, Premier Ministre (pendant plus de six ans, un record encore inégalé), Président de l’Assemblée Nationale et… Président de la République depuis 2013. Parcours époustouflant, tout en rondeurs et couleurs, comme un arc-en-ciel pour d’un demi-dieu au destin tracé dans du marbre, mais, malheureusement, un destin qui porte manifestement la poisse du Mali des ancêtres.
Les anciens manquent, en effet, de grilles de lecture appropriées pour comprendre comment un brillant esprit et Homme de cœur aux réactions parfois de sainte-nitouche en est arrivé à être le responsable de la négation de toutes les valeurs qu’il ne cesse de brandir par son verbe si emphatique. Parvenu sur les plus hautes marches de l’État malien et vautré sur le plus moelleux fauteuil, le moment de couronnement de sa belle carrière politique commencée tout jeune est en train de finir dans le chaos et la licence.
Le pays est atteint d’épilepsie, en quasi-transe sans remède, voué à l’éclatement…et à la désintégration. Perspective funeste ne fut jamais celle du Mali sur un cycle s’étendant sur 60 ans, temps cosmogonique que le Peuple dogon cerne bien les contours et les mystères. En 6 longues années maintenant, qui rappellent dangereusement les 7 années de sécheresse en Égypte des temps prophétiques, IBK n’a pu se rendre à Kidal qu’une fois, à la faveur de la campagne électorale pour sa réélection (et comment?).
Pour faire court, le pays gémit, la corruption et l’enrichissement illicite d’une minorité hallucinante qui vient toujours s’agglutiner autour d’un Président apte à tout laisser se perpétrer, pourvu que l’on ne l’importune pas dans ses postures personnelles, agrippe le Mali à la gorge. Le serment de campagnes électorales « Le Mali d’abord »- oui, c’en est puisqu’un slogan de campagnes est un pacte proposé aux électeurs. Donc, un serment fait aux citoyens est devenu « Ma famille d’abord « . Un parjure flagrant, preuve que le Président IBK s’est complètement défaussé de sa parole donnée. Conséquences logiques, la patrie est en état de déliquescence.
L’affaire des équipements défectueux achetés et remis à l’Armée malienne résume toute la haute trahison. Rien d’autre. C’est IBK qui a publiquement annoncé l’achat des fameuses épaves, avec joie et autocongratulation, ajoutant même, avec une fierté quelque peu enfantine, que ce fut sur fonds propres des Maliens. Donc, en toute Souveraineté. Son fils embouche la flûte pour attester que les précieux équipements acquis sont inopérants ; donc, inutiles. Mais, il ajoute, l’air condescendant : «…je ne sais pas si nous n’avons pas été floués… ». Bref, les conséquences sur les performances de l’Armée nationale sont dramatiques. Les massacres de nos populations innocentes, à Koulongo, Dioura, Sobane Da et ailleurs, et les deuils qui s’en sont suivis ne laissent à IBK que situer au plus vite les responsabilités de tant de délits et punir les indélicats fossoyeurs, ou se démettre sans attendre. Le choix est loin d’être cornélien. L’honneur du Mali et sa pérennisation en tant qu’État souverain réclament un acte à hauteur de dignité.
Hamady Hadi Bah,Chercheur en Traditions
LE COMBAT