Haïti: Claude Joseph prend en main le gouvernement après l’assassinat de Jovenel Moïse
RFI
L’onde de choc se ressent toujours en Haïti plus de 24 h après l’assassinat du président Jovenel Moïse. Le Premier ministre par intérim Claude Joseph semble pour l’instant aux commandes du pays.
Claude Joseph est le sixième Premier ministre à Haïti en quatre ans. Il avait normalement quitté la primature et félicité son successeur nommé ce lundi 5 juillet par le président. Mais ce dernier n’a finalement pas pu prendre ses fonctions avant la mort de Jovenel Moïse. Claude Joseph prend donc les rênes avec peu de légitimité, souligne Marie Normand, du service International de RFI.
Sa première décision a été de déclarer l’état de siège sur l’ensemble du territoire, ce qui donne concrètement à l’exécutif des pouvoirs renforcés en matière de perquisition et également d’interdiction de réunion. Il a aussi décrété quinze jours de deuil national en hommage à Jovenel Moïse jusqu’au 22 juillet.
Crise de légitimité et guerre des gangs
Claude Joseph n’a pas été confirmé par le Parlement, puisque celui-ci est caduc depuis janvier 2020, faute d’élections législatives tenues en temps et en heure. « Il est un Premier ministre de facto, il n’est pas question de se rabattre sur un quelconque article de la Constitution pour parler de sa légitimité, insiste Laënnec Hurbon, sociologue et directeur de recherche au CNRS, sur l’antenne de RFI. Il y a une crise de légitimité. »
Écoutez notre édition spéciale Haïti, après l’assassinat du président Jovenel Moïse (8 juillet 2021, 05h10-05h30 TU) :
Edition spéciale Haïti – 8 juillet 2021
Cette crise politique avait déjà court à l’issue des deux premières années de son mandat. Le président Jovenel Moïse était contesté. Le pays faisait alors face à une très forte inflation. Il y a aussi un rapport de la Cour des comptes qui le met en cause dans une affaire de possibles détournements de fonds. Dès lors, les appels à sa démission se multiplient ainsi que des mouvements sociaux comme « pays lock » (pays bloqué, en créole) qui paralyser le pays fin 2019. Sa légitimité même au pouvoir était contesté cette année. Une partie de l’opposition estimait qu’il aurait dû quitter le pouvoir dès le mois de février 2021.
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L’assassinat est aussi intervenu, alors que depuis plus d’un mois les gangs contrôlent totalement plusieurs quartiers pauvres de Port-au-Prince. Cette mainmise et les affrontements entre bandes armées empêchent d’accéder par la route à toute la moitié sud du pays. Donc cette crise politique sécuritaire est complexe et surtout elle est lourde de conséquences pour la population haïtienne. Elle aspire à vivre une vie décente sans la mainmise des gangs et sans la corruption et l’impunité qui la privent du strict minimum.
Appel au calme du Conseil de sécurité
Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l’ONU va se réunir d’urgence sur la situation haïtienne. Dès mercredi soir, ses 15 membres ont adopté une déclaration à l’unanimité. Ils réclament que les auteurs de l’assassinat du président haïtien soient rapidement traduits en justice pour ce « crime odieux ». Le Conseil de sécurité a aussi « lancé un appel véhément à tous les acteurs politiques en Haïti afin qu’ils s’abstiennent de tout acte violent, ou de toute incitation à la violence ».
De son côté, Washington, très influent en Haïti, appelle à maintenir les élections présidentielle et législatives, prévues le 26 septembre. Interrogé sur RFI, Frédéric Thomas, chercheur au sein du Centre tricontinental (Cetri) de Louvain-la-Neuve, estime que ce délai n’est pas réaliste : « Il y a eu plus de 10 000 personnes déplacées à cause des affrontements entre bande armées et plus de 150 personnes tuées. On est avec un Conseil électoral, provisoire, illégal et illégitime, une défiance de la population, une impasse politique, des élections à moins de 100 jours et les États-Unis continuent d’appeler à ces élections. Ce sont véritablement leurs élections et pas celles de la population haïtienne qui appelle à une transition qui ne permette pas que le statu quo demeure. »