Guerre Ukraine – Russie : pourquoi Vladimir Poutine n’aurait pas pu entraîner des combattants en Afrique
BBC
Par Peter Mwai
Une image en noir et blanc, dont certains prétendent à tort qu’elle montre le président russe Vladimir Poutine en train de former des mouvements de libération en Afrique australe, circule sur internet.
Elle a été utilisée par certains pour justifier le fait que les pays africains devraient soutenir la Russie dans la guerre en Ukraine.
L’image a également été publiée sur Twitter par le fils du président ougandais Yoweri Museveni.
Mais elle ne montre pas M. Poutine en Afrique, et le moment où les gens prétendent qu’elle a été prise est également incorrect.
Poutine n’était pas en Tanzanie
La photographie a été largement partagée en ligne après avoir été publiée sur des blogs zimbabwéens à la fin de 2018.
Les posts affirmaient qu’elle montrait M. Poutine dans un camp d’entraînement militaire tanzanien pour les mouvements d’indépendance d’Afrique australe en 1973.
Le futur président du Mozambique, Samora Machel, et Emmerson Mnangagwa, aujourd’hui président du Zimbabwe, étaient également présents sur la photo, affirme-t-on.
« Poutine a séjourné en Tanzanie pour former des combattants de la liberté pendant quatre ans, de 1973 à 1977 », affirme également le blog.
Toutefois, rien dans les archives russes ou africaines ne prouve que M. Poutine, né en 1952, se soit rendu sur le continent dans les années 1970.
Le profil de M. Poutine sur le site web du Kremlin montre qu’il étudiait à l’Université d’État de Leningrad à l’époque et qu’il a obtenu son diplôme en 1975.
« Cette affirmation est tout simplement ridicule », déclare Paul Fauvet, un journaliste qui vit au Mozambique depuis plusieurs décennies.
La formation offerte aux combattants de la liberté mozambicains dans des camps en Tanzanie, dit-il, « était dispensée par des instructeurs chinois et non par les Soviétiques ».
Par ailleurs, M. Mnangagwa n’aurait pas pu se trouver en Tanzanie en 1973, car il a été arrêté en 1965 et emprisonné pendant dix ans par le gouvernement de la Rhodésie du Sud, alors à majorité blanche.
Une visite russe au Mozambique dans les années 1980 ?
L’auteur mozambicain Renato Matusse a utilisé la photo dans son livre de 2018, où il dit qu’elle montre M. Machel avec des conseillers militaires soviétiques visitant une installation militaire près de la capitale du pays, Maputo, au milieu des années 1980.
Mais il dit qu’il est clair que M. Poutine n’est pas l’homme en question.
M. Poutine travaillait en tant qu’agent du KGB en Allemagne de l’Est entre 1985 et 1990 et, au début, il aurait été un officier de rang inférieur, ce qui rend très improbable qu’il ait été un membre dirigeant d’une telle délégation.
Il n’est pas non plus fait mention de sa visite au Mozambique par le Kremlin, ni dans aucune de ses biographies.
José Milhazes, historien et journaliste, suggère que la personne apparaissant sur la photo était un autre haut fonctionnaire soviétique en poste en Afrique australe.
« Quant aux similitudes, je ne peux que dire qu’elles sont une pure coïncidence », dit-il.
Georgi Derluguian, qui a travaillé comme interprète portugais-russe dans les années 1980 et qui est aujourd’hui professeur à l’université de New York à Abu Dhabi, considère que l’affirmation selon laquelle l’homme sur la photo est M. Poutine « est une blague ».
Selon lui, les bottes portées indiquent que la personne est un militaire, alors que M. Poutine était un officier de renseignement. L’apparence ressemble également davantage à celle d’un M. Poutine plus âgé.
Et une dernière pièce à ajouter à ce puzzle.
L’homme mystère de la photo porte une montre au bras gauche. M. Poutine – du moins de nos jours – a l’habitude d’en porter une au bras droit.