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Goongan Tan : John Dramani Mahama : médiateur ou premier partenaire de l’AÉS ?

Meguetan Infos

John Dramani Mahama, élu président du Ghana en décembre 2024, affiche une posture proactive vis-à-vis de l’Alliance des États du Sahel (AÉS). Sa récente tournée diplomatique dans les pays membres de cette alliance en mars 2025 tranche avec la prudence d’autres dirigeants ouest-africains, affirmant son rôle de médiateur entre l’AÉS et la CÉDÉAO.

Depuis le 29 janvier 2025, l’AÉS, regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a pris des mesures symboliques d’autonomisation : adoption d’un drapeau distinctif, lancement d’un passeport commun et retrait des emblèmes de la CÉDÉAO. Ces actions marquent une rupture avec l’organisation régionale, amplifiant les appréhensions au sein de l’organisation sous-régionale quant à un improbable retour dans son giron. Face à cette situation, la rencontre de Mahama avec Alassane Ouattara le 5 mars et sa visite à Bamako témoignent de sa volonté de rétablir un dialogue. Il l’a déclaré : “Il est préférable d’être dans un groupe de quinze que dans un groupe de trois”, suggérant ainsi une possible réintégration de l’AÉS au sein de la CÉDÉAO.

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Mahama bénéficie d’une crédibilité accrue en raison de sa position critique envers les sanctions imposées au Mali et au Niger. Contrairement à une CÉDÉAO dont l’autorité est affaiblie par des décisions incohérentes et contestées, il incarne une figure capable de restaurer un dialogue constructif. La réception du général Brice Oligui NGuema, président de la Transition de la République gabonaise, à Abidjan avec tambour et trompette en avril dernier et le refus très récent du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló de toute ingérence de la CÉDÉAO dans son processus électoral illustrent les contradictions internes de l’organisation régionale. Dans ce contexte, la diplomatie de Mahama se distingue par sa cohérence et son pragmatisme.

Une diplomatie stratégique

Mahama adopte une approche audacieuse, renforçant les relations bilatérales et régionales. Sa visite à Bamako a abouti à la création d’une commission mixte Ghana-Mali, une première en quinze ans. Il s’est rendu au Niger et au Burkina Faso pour poursuivre son initiative diplomatique. Contrairement au Sénégal, qui reste sur une attitude prudente et frileuse, et au Togo, qui se recentre sur ses enjeux internes, Mahama prend l’initiative d’essayer de réconcilier les parties prenantes de l’espace ouest-africain.

Dramani une voix qui compte

En se positionnant en médiateur entre l’AES et la CÉDÉAO, Dramani renforce le rôle du Ghana dans la région. Son voyage lui permet de discuter de la possibilité d’un retour de l’AES au bercail ouest africain. Mais, en l’absence de résultats immédiats, il consolide les relations économiques et diplomatiques, faisant potentiellement de son pays le grand bénéficiaire de cette nouvelle dynamique géopolitique.

Sa tournée diplomatique de trois jours, à Bamako, Niamey et Ouagadougou, marqua plutôt un rapprochement stratégique entre le Ghana et l’Alliance des États du Sahel (AES). À Bamako, en effet, il s’est positionné comme un pont entre l’AES et la CÉDÉAO, tandis qu’à Niamey, il a plaidé pour la reconnaissance de l’AES par cette dernière. À Ouagadougou, les discussions ont porté sur la coopération bilatérale, avec des engagements forts en matière de lutte contre le terrorisme, de facilitation du commerce et de transit des marchandises via les ports ghanéens. Le Ghana envisage également des projets énergétiques et l’approvisionnement du Burkina en électricité.

Maintenant, que reste-t-il à l’AÉS ?

Dans ce nouveau paysage régional, l’AÉS doit optimiser ses choix stratégiques.  Pour cela plusieurs pistes s’offrent à elle : renouer le dialogue avec la CÉDÉAO via un médiateur neutre et poser des conditions claires pour toute collaboration ; renforcer la coopération intra-AÉS en accélérant la mise en place des institutions communes et en développant des infrastructures économiques ; diversifier les alliances internationales avec des partenaires comme les Bricks et certains pays du Golfe ; améliorer sa communication pour mieux contrôler la narration autour de son projet, en insistant sur sa volonté de garantir souveraineté et stabilité régionale et renforcer sa légitimité par des actions concrètes en matière de sécurité et de développement.

Et puis, si l’AÉS souhaite s’affirmer comme une entité autonome, il est essentiel d’éviter une confrontation systématique avec la CÉDÉAO qui nuirait à son image et à ses relations économiques. Les initiatives de Mahama doivent être accueillies positivement, tout en maintenant une approche stratégique et conditionnée.

Un tournant décisif pour l’Afrique de l’Ouest

L’AÉS doit trouver un équilibre entre affirmation de son indépendance et pragmatisme diplomatique. La reconfiguration de l’échiquier ouest-africain est en marche, et les décisions prises dans les mois à venir seront cruciales pour l’avenir de l’intégration régionale.

Le dynamisme de Mahama est-il un espoir de stabilisation ou un ultime effort pour préserver l’unité de la CÉDÉAO ? Une certitude demeure : l’Afrique de l’Ouest traverse une période de mutation déterminante.

Seidina Oumar DICKO

Aujourd’hui-Mali

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