Gestion de la transition au Mali : Les militaires marquent davantage leur territoire
Sous la pression de la Communauté internationale, notamment la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), les militaires putschistes maliens ont dû concéder aux civils, le poste de président de la Transition et celui de Premier ministre.
ISSP
En contrepartie, peut-on dire, ils se sont adjugé le poste de vice-président de la Transition. Et c’est le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, qui y a été nommé. En plus de ce dernier, d’autres militaires putschistes sont à la tête de bien des portefeuilles ministériels juteux et stratégiques au sein du gouvernement de la Transition. Les hommes en treillis sont également présents au Conseil national de la transition (CNT), du nom de l’organe législatif qui sera bientôt mis en place par le nouveau régime. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’armée est quantitativement bien représentée. Et tout laisse croire que cette institution sera pilotée par le N°2 de la junte, le colonel Malick Diaw.
En tout cas, ce dernier a le soutien du mouvement de l’Imam Dicko. Et cela vaut son pesant d’or. L’omniprésence des militaires dans les structures de la Transition et dans l’appareil de l’État malien, vient de se renforcer avec la nomination des gouverneurs de régions.
En effet, suite au nouveau découpage régional, le nombre de régions maliennes passe de 15 à 20. À cette occasion, 13 militaires proches du colonel Assimi Goïta, chef de la junte et par ailleurs vice-président chargé des questions de défense de la sécurité, ont été nommés pour diriger la plupart des régions.
Le constat que l’on fait, c’est que les militaires marquent davantage leur territoire. À contrario, les responsabilités confiées aux civils sont en train de se rétrécir comme peau de chagrin. Ce qui ne manquera pas d’agacer les membres du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques).
Déjà, ces derniers étaient fortement remontés contre Assimi Goïta et ses camarades. Et pour cause : le mouvement qui a contribué à la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), pointe un « accaparement » de la Transition par les militaires. Ce qui n’est pas faux.
Seuls compteront les résultats
Mais à l’analyse, on peut comprendre l’attitude des militaires. En effet, le Mali a impérativement besoin d’aller à une refondation politique. Cet impératif est catégorique si l’on veut tourner la page des élections qui n’ont rien à voir avec la démocratie.
Sans forcément prendre parti pour les militaires, l’on peut dire que ces derniers ont le profil pour œuvrer à l’avènement d’institutions fortes, neutres et résolument tournées vers un Mali nouveau. En tout cas, le mouvement de l’Imam Dicko est de cet avis.
Un autre argument allant dans ce sens, est le suivant : les membres du M5-RFP qui sont en train de tirer à boulets rouges sur la junte, en l’accusant de s’accaparer du pouvoir, ont déjà fait leurs preuves avec IBK. Et les Maliens et les Maliennes ne retiennent pas forcément d’eux, l’image d’hommes et de femmes qui ont véritablement servi le Mali.
Bien au contraire, ils se sont servis allègrement aux côtés d’IBK. Le cas le plus emblématique qui peut être cité, est celui du Dr Choguel Kokala Maïga, président du Comité stratégique du M5-RFP. De ce point de vue, on peut dire qu’ils sont disqualifiés moralement et politiquement pour travailler pour le vrai changement auquel le peuple malien aspire.
Le contexte sécuritaire milite enfin pour la nomination massive de militaires aux postes de gouverneurs. En tout cas, bien des pays du Sahel en proie au terrorisme, sont dans cette logique. Dans la perspective des élections, qui mieux que les militaires pour aller vite et bien dans la sécurisation des régions ?
En tout cas, dans des régions comme Mopti ou encore Kidal, des gouverneurs aux couleurs kaki sont plus indiqués que des gouverneurs civils. Et le choix massif des militaires pour diriger les régions, est d’autant plus pertinent que la Transition dispose seulement de 18 mois pour balayer le Mali et le remettre entre les mains des civils.
Donc, il n’y a de temps à perdre. Et l’Armée n’aura aucune excuse au cas où elle trahirait les attentes des Maliens. Seuls compteront les résultats auxquels parviendront les autorités de la transition dans moins de 18 mois. Assimi Goïta et ses camarades ne doivent jamais perdre cela de vue. En tout cas, c’est tout le mal qu’on leur souhaite.
A Diallo
Source: Le Nouveau Réveil