Fraude et mauvaise gestion à la Direction Générale du Budget : 2,14 milliards de francs CFA à justifier !
La gestion de la Direction Générale du Budget (DGB) est sans appel : surfacturations à la pelle, fraudes et détournements de fonds. Auxquels s’ajoutent, des dépenses injustifiées et le changement des règles de comptabilisation, d’année en année. Autant de pratiques qui ont précipité la DGB dans l’abîme. Avec à la clé, un trou béat de 2,14 milliards (2 146 405 612) de francs CFA dans la caisse.
La Direction Générale du Budget nationale n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, ses responsables n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de ce service étatique n’ont atteint un tel degré.
Jugée, pourtant, stratégique dans la politique financière de notre pays, la Direction Générale du Budget n’échappe pas à l’appétit vorace de ses responsables. Par petite touche, ils « sucent » les caisses, érigent le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès du gouvernement, a viré au cauchemar. Un flop magistral.
Réputée comme la veine névralgique des structures de l’Administration Publique, la Direction Générale du Budget a vite fait de taire ses ambitions. Raison invoquée par nos sources: l’utilisation des fonds et des recettes de la structure à d’autres fins. Estimé à 2,14 milliards de francs CFA, cette manne financière aurait fondu comme du beurre au soleil. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même, le dysfonctionnement du contrôle interne de la Direction Générale du Budget n’est pas de nature à tempérer les curiosités
Les opérations de transfert et de virement de l’État, entre guillemets
Créée par la Loi n°06-003 du 6 Janvier 2006, la DGB est un service central du Ministère chargé des Finances. Sous les commandes du Directeur général, M. Sidiki Traoré et ses hommes, la Direction Générale du Budget a pour mission d’élaborer les éléments de la politique nationale en matière budgétaire et d’assurer la coordination et le contrôle de sa mise en œuvre. Aujourd’hui, cet objectif n’est qu’un mauvais souvenir au sein de la DGB. Partout, il y a des dysfonctionnements criards. Du coup, la gestion des fonds par la DGB s’est caractérisée par des manquements dans le dispositif législatif et réglementaire encadrant la gestion des charges communes ; les opérations de transfert et de virement de crédits et les opérations de dépenses effectuées.
Pour les procédures proprement dites, le Premier Ministre n’a pas fait adopter de décret fixant le régime d’assurance complémentaire des membres du Gouvernement et assimilés. En effet, l’article 4 de l’Ordonnance n°02-051/P-RM du 4 juin 2002 fixant le régime des émoluments et indemnités accordés aux membres du Gouvernement prévoit un décret d’application devant préciser le régime d’assurance complémentaire couvrant les accidents de transport par voie aérienne ou de surface des membres du Gouvernement et assimilés. Malgré que ce décret n’ait pas été pris, la Primature a souscrit une assurance complémentaire au profit des membres du Gouvernement et assimilés. Ainsi, le Directeur Général du Budget a ordonné des paiements irréguliers de primes d’assurance à cet effet pour un montant total de 543,48 millions de FCFA. Aussi, le Ministre chargé des Finances a, sans base légale, autorisé des délégations de crédits pour la prise en charge de l’indemnité d’installation et d’équipement des membres du Gouvernement et assimilés pour un montant total de 384 millions de FCFA pendant la période sous revue. De surcroît, des Ministres maintenus dans le Gouvernement, aux mêmes fonctions, suite aux différents remaniements ou réaménagements ont, à chaque fois, bénéficié de cette indemnité, malgré que la DGB a fréquemment attiré l’attention du Ministre chargé des Finances sur le caractère non réglementaire de ces dépenses dans les notes techniques qu’elle a produites à l’appui des projets de décisions de délégations des mandats.
S’agissant des opérations de transfert et de virement de crédits, le Ministre chargé des Finances a irrégulièrement autorisé un virement. En effet, la DGB, contrairement aux dispositions en vigueur, a procédé, à un virement de crédit d’un montant de 2,1 milliards de FCFA d’un chapitre de crédit évaluatif intitulé « Règlement de dettes suite à emprunt » à un chapitre de crédit limitatif intitulé « Dépenses en investissement divers ». Ledit virement n’est intervenu ni à l’intérieur d’un même chapitre ni à l’intérieur d’un même article.
Malgré tout, ce virement a été approuvé a posteriori par arrêté du Ministre chargé des Finances. Cette pratique peut favoriser une mauvaise gestion des ressources publiques.
Quant aux opérations de dépenses, les manquements relevés dépassent l’entendement. Et même s’il y a décaissement, c’est sans rapport avec les besoins réels. Ainsi, la DGB ne respecte pas les dispositions relatives à l’exécution du budget d’État. Bien que le texte de création de la DGB ne lui attribue aucune compétence pour exécuter son propre budget et malgré qu’elle dispose de crédits de fonctionnement au niveau de la DFM du Ministère chargé des Finances, elle procède couramment à l’exécution des crédits affectés aux charges communes pour la prise en charge de ses dépenses de fonctionnement. L’exécution des dépenses par une autorité non habilitée peut entamer l’efficacité de l’exécution budgétaire.
Plus grave, la DGB ne tient pas tous les documents de la comptabilité-matières, notamment la fiche de codification du matériel et des fiches de casier. Non plus, elle ne procède pas à la codification des matériels en service acquis sur les charges communes. En outre, la date d’acquisition du matériel, la date d’entrée en magasin et les montants correspondants ne figurent pas dans les états d’inventaire de la DGB. La non-tenue de documents de la comptabilité-matières ne sécurise pas le patrimoine de l’État.
Et comble de la «mangecracie » à la Direction Générale du Budget, le DG a ordonné des paiements irréguliers. Il a, dans le cadre du règlement de trois marchés tous exécutés par un même titulaire, ordonné des paiements d’un montant total de 536,80 millions de FCFA sur des comptes différents de ceux indiqués sur les actes d’engagement. Au même moment, il a ordonné le paiement d’heures supplémentaires irrégulières. Ces heures supplémentaires ne sont soutenues ni par une demande expresse préalable, ni par un tableau des horaires comme le préconisent les textes en vigueur. Elles ont été payées sur une base forfaitaire et de façon permanente aux agents de la DGB, de la Direction Nationale du Contrôle Financier, du Bureau Central des Soldes et du Transit Administratif.
D’embrouilles en magouilles
Par ailleurs, la Commission de réception, mise en place à la DGB relativement à un marché d’ordinateurs portables, a admis des biens non conformes. Les spécifications techniques des 10 ordinateurs portables avec sacs, réceptionnés suivant procès-verbal de réception et enregistrés dans le livre journal de la comptabilité-matières suivant Ordre d’Entrée du Matériel ne sont pas conformes à celles indiquées dans ledit marché. Ces ordinateurs ne comportaient pas de graveur DVD dual couche et de pavé numérique.
Plus grave, le dirlo du Budget a indûment autorisé des paiements. Il a ordonné, dans le cadre de l’exécution d’un marché à commandes, le paiement d’une facture sur laquelle les prix de certains articles sont supérieurs aux prix contractuels correspondant. Le montant total surfacturé s’élève à 3,50 millions de francs CFA TTC. En outre, le dirlo de la DGB a doublement payé, à travers deux mandats d’un montant de 2,05 millions de FCFA chacun, une même indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique. Il a également mandaté la somme de 243 000 FCFA pour l’entretien d’un véhicule déjà réformé et acquis par le Régisseur d’avances de la Direction Générale du Budget.
Par ailleurs, le goût du lucre aidant, le Directeur des Finances et du Matériel du Ministère de l’Économie et des Finances n’a pas justifié l’utilisation de crédits délégués. En effet, sur un crédit délégué d’un montant total de 1,43 milliard de FCFA, il n’a pas pu fournir les pièces justificatives de dépenses d’un montant de 28, 01 millions FCFA. Aussi, La Direction des Finances et du Matériel du Ministère des Affaires Étrangères n’a pas conclu de marchés pour des dépenses dont le seuil l’exige. Elle a effectué, sur des crédits délégués, des dépenses d’un montant de 1,26 milliard de FCFA pour la prise en charge des frais de mise en route et de rapatriement d’agents diplomatiques et consulaires, sans passer de marché. Ces dépenses ont été exécutées à travers des bons de commande, alors que leur montant individuel dépasse le seuil de passation d’un marché public. Cependant, l’activité de mise en route et de rapatriement du personnel diplomatique comporte des difficultés opérationnelles qui rendent difficile le recours aux procédures de passation de marché. Cette situation est de nature à entraver les principes d’économie et d’efficacité de la commande publique.
Au tant d’entorse à l’orthodoxie financière et qui ont occasionné une perte sèche de 2,14 milliards de francs CFA pour l’État malien.
Décidemment, les responsables e la Direction Générale du Budget et leurs complices sont mal barrés. Le gouffre financier creusé au niveau de cette structure dépasse l’entendement. D’où la paralysie de la structure à tous les niveaux. Ou presque.
En clair, la DGB du Mali dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à une équipe, aussi controversée que celle actuellement aux affaires : pendant des lustres, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Les détournements n’ont pas été comptabilisés en centaines de millions. Mais en milliards de nos francs.
Bref, la DGB a été sacrifiée sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, la caisse de la structure a subi une saignée financière de plusieurs milliards de francs CFA.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par certains cadres de la Direction Générale du Budget. Selon ce système, les responsables de la structure veillent aux « bons soins » de leurs bienfaiteurs et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages sur la Côte d’azur et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter des « ennuis ».
En attendant, la Direction Générale du Budget est en cessation de paiement. Ou presque.
Nous y reviendrons !