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Faladié : LE CALVAIRE DES ENFANTS DÉPLACÉS A BAMAKO

Ces victimes innocentes des conflits qui endeuillent le centre du Mali ont droit à la santé, à l’éducation. A l’occasion de la célébration de la Journée de l’enfant africain, nous nous sommes intéressés à leurs conditions de vie

Ce reportage nous transporte au camp de déplacés qui jouxte le marché de bétail de « Faladiè 30 mètres », en commune VI de Bamako. La voie qui nous y mène est boueuse après la pluie diluvienne des dernières vingt quatre heures. Le chauffeur a du fil à retordre pour éviter un possible embourbement de notre véhicule. Les passagers sont secoués dans tous les sens sur une certaine distance. Enfin nous arrivons à destination.
Le visiteur est accueilli par une odeur nauséabonde et une multitude de mouches. Des tentes sont dressées sur un terrain vague. Quelques personnes accompagnées de nombreux enfants sortent des abris sommaires pour accueillir les invités. Pathétique. Cet adjectif qualifie bien la forte émotion que j’ai ressentie quand je me suis retrouvée face à l’enfant Sahadou Sangaré âgé de 4 ans. Déchaussé, vêtu d’un tee shirt bleu et d’une culotte jaune, ce petit garçon est arrivé sur ce site le samedi dernier en compagnie de sa mère, bras ballants et éprouvée par la perte d’un être cher. Ils sont venus se réfugier auprès d’un parent déplacé. Ce groupe de désespérés cohabite avec des animaux dans des abris de fortune bâtis sur un terrain insalubre.
Le petit Sahadou est originaire du village de Sodou, situé dans le cercle de Bankass, Commune de Baye. A Koulongo, au cours d’une récente attaque d’un groupe de terroristes, il a reçu une balle en plomb dans un pied. Une autre balle avait traversé une main. Il a vécu cet enfer juché sur le dos de sa grand-mère qui tentait d’échapper à la tuerie. La vieille fauchée par une balle est décédée. Sodou est aujourd’hui traumatisé. Le plomb qui demeure toujours dans son pied fait planer sur sa tête un risque de gangrène. Depuis leur arrivée, il n’a pas encore été présenté à un médecin.
Nous arrivons à la tente qui abrite Weloré Bah 12 ans et sa famille depuis plus d’un mois. Ils ont fui leur village à la suite d’un conflit intercommunautaire. Cette fillette peule au bon teint se méfie des étrangers. Venue de Yalema dans le cercle de Bankass, Commune de Dialassagou, elle a peur de nous approcher.
En murmurant en langue peulh, elle explique le calvaire qu’elle a vécu : « Des hommes armés ont attaqué un village voisin. Quand nous avons appris la terrible nouvelle, nous avons fui avant l’arrivée des terroristes dans notre localité. Nous ne retrouverons la paix de l’esprit que sur ce site à Bamako ». A Faladiè, elle loge avec ses parents dans des conditions incommodes. Installée à quelques enjambées de la décharge, une partie de sa tente a été envahie par la pluie, les vivres ont été endommagés. La seule doléance de la fillette est d’avoir un abri décent.
Les malheureux Sahadou et Weloré ne sont pas les seuls enfants déplacés sur ce site. Plusieurs autres accompagnent leurs parents qui ont fui les conflits intercommunautaires. Selon le superviseur Hama Diallo, le site regroupe plus de 500 enfants déplacés. Ils viennent des cercles de Bankass, Bandiagara, Koro, Douentza. Diallo. Les déplacés reçoivent des dons du gouvernement, des ONG et des personnes de bonne volonté. Ces dons ne suffisent pas.

Appel à la solidarité. Les enfants sont confrontés à un problème de prise en charge médicale. Hama Diallo révèle que quand ils tombent malades, il cherche de l’argent de droite à gauche pour les conduire à l’hôpital. S’il n’y arrive pas, il fait recours à un médecin qui vient les soigner en acceptant d’être remboursé après. Plusieurs bonnes volontés interviennent pour soulager les peines des enfants déplacés. Les logements ne sont pas adéquats. Les habitants manquent de moustiquaire. C’est l’enfer la nuit pour quelqu’un qui dort à côté d’une décharge et d’un marché à bétail. *Sur ce site beaucoup d’enfants sont déscolarisés après avoir fui leurs villages subitement devenus hostiles. Le superviseur lance un appel à la solidarité. « Nous avons aménagé un endroit pour commencer à encadrer certains enfants, afin qu’ils retournent sur les bancs l’année prochaine. Mais aucun enfant ne possède un acte de naissance. Nous avons besoin d’aide pour que les personnes déplacées, particulièrement les enfants, puissent jouir de leurs droits ». Ces enfants vivent dans les mêmes conditions que ceux du camp des déplacés de Niamana également situé à côté d’un marché à bétail. Ici, ils sont au nombre de 91 selon le président des déplacés de Niamana.
L’enfant Zoumana Diakité, 12 ans comme tous les autres mérite une attention particulière. Sa famille a échappé au massacre à Dialassagou. Il était en 3e année. Hélas, son année scolaire est maintenant interrompue. Sur ce site, il galère à côté de ses parents sans eau ni électricité, dans un abri insalubre.
Tout ce monde est exposé à diverses maladies, à la pénurie de nourriture, de couvertures, de moustiquaires, de bâches pour ravaler les tentes. La petite Dado Guindo vit également dans ces conditions non désirées. Ce bébé n’a pas encore atteint la quarantaine. Sa mère a donné naissance sous une tente sans assistance médicale aucune. Depuis à ce jour, l’enfant n’a reçu aucun soin d’un médecin. Elle n’a pas non plus reçu sa première vaccination. Que Dieu sauve cette innocente exposée à toutes les maladies infantiles.
Les conditions sont meilleures au centre Mabilé à Sogoniko. Ce site a été aménagé par le gouvernement en vue de leur prise en charge après la pluie diluvienne du 16 mai 2019. Sur un total de 186 déplacés internes, les enfants sont au nombre, 119 enfants. Le chef du centre Mabilé, Tiémoko Traoré, est un agent de la direction régionale du développement social. Il explique que depuis l’ouverture, l’Etat ne cesse de déployer des efforts pour la prise en charge des déplacés, particulièrement les enfants déplacés. Les ONG apportent leurs soutiens selon leur domaine d’intervention. « Ici, nous avons un centre de santé. Les enfants y reçoivent des soins. Nous sommes en parfaite collaboration avec le centre de référence. Une menace d’épidémie de rougeole a plané un moment.
Ces cas ont été efficacement pris en charge », a expliqué Traoré. Il souligne la difficulté de l’usage des toilettes par les enfants, l’insuffisance des moustiquaires, les difficultés à avoir le prix de condiments. La fillette Aïcha, 11 ans, est l’une des rares filles qui comprend le bambara pour échanger avec nous. Les cheveux nattés et ornés de parures, elle est venue du village de Mondoro. « Nous avons fui le conflit pour nous réfugier au Burkina. Nous sommes retournés au Mali avant de nous retrouver ici au centre Mabilé ». Nous lui avons posé la question de savoir si elle a encore envie de retourner à l’école. Le visage de la fillette s’est épanoui: « Je faisais la 2ème année. J’étais 1ère et souvent 2ème de ma classe à l’issue des compositions. J’avais 9 de moyenne. Je veux reprendre l’école », a-t-elle souhaité. Ces enfants méritent une attention particulière.
A. D.S

16 Juin, Journée de l’enfant africain : les droits de l’enfant dans les politiques et programmes
de développement

A l’instar des pays du continent, le Mali commémore le dimanche prochain la 28è édition de la Journée de l’enfant africain (JEA).
Le thème retenu cette année est « L’action humanitaire en Afrique : les droits de l’enfant d’abord ». Cette journée anniversaire commémore le massacre des enfants de Soweto en Afrique du Sud le 16 juin 1976. Elle a été institutionnalisée en 1991 à l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA (ex Organisation de l’Unité Africaine) .
L’accent est mis en 2019 sur la nécessité d’intégrer les droits de l’enfant dans les politiques et programmes de développement des États membres, dans le cadre de la mise en œuvre de l’agenda 2030. Les crises humanitaires ont de profondes implications. Elles touchent toutes les couches de la société. Cependant, les enfants sont les plus vulnérables. Ils subissent les conséquences les plus graves des conflits armés, des tensions, des catastrophes et des crises humanitaires, car ils disposent moins de ressources pour se préparer et faire face aux catastrophes.
Selon l’UNICEF, environ un enfant sur quatre vit dans des pays frappés par des crises humanitaires, entraînant des violations des droits tels que le manque d’accès aux soins médicaux, à l’eau potable, à l’assainissement, à la nutrition, à une éducation de qualité et à la protection. Le directeur national de la promotion de l’enfant et de la famille, Ayouba Gouanlé explique qu’à l’instar des autres pays affectés par la crise humanitaire, le Mali connait des problèmes. Ce sont les déplacements forcés, la séparation des enfants de leurs familles, la traite ou le recrutement aux fins de conscription dans des groupes armés, l’exploitation économique et sexuelle, les abus physiques et psychologiques.
Autant de problèmes qui nécessitent une analyse correcte, des solutions pertinentes à même de réussir une protection continue des droits des enfants dans de telles situations humanitaires.
L’attaque survenue le 23 mars 2019 à Ogossagou, village situé dans le cercle de Bankass, région de Mopti, par des individus armés, a fait au moins 160 morts dont 110 enfants, 65 blessés enregistrés dont 22 enfants selon la direction régionale de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille de Mopti. Selon l’ONG Prométhée, le conflit a occasionné le déplacement massif et forcé de 6789 personnes dont 2190 enfants de 12 villages ou hameaux.
Pendant les crises humanitaires, le respect des principes fondamentaux des droits de l’enfant doit être une priorité. La sécurité physique et psychologique des enfants est essentielle à leur santé et à leur perspective d’avenir. Lorsque celle-ci est menacée, c’est leurs droits et leurs besoins fondamentaux qui sont ignorés.
La célébration de l’édition de cette année est une invite, voire une interpellation de l’ensemble des acteurs humanitaires et ceux du gouvernement à accorder, dans leurs interventions, la priorité absolue aux enfants, afin d’abréger leur souffrance tout en respectant leur dignité. Elle devrait permettre d’édifier l’opinion nationale sur les six violations graves contre les enfants en période de conflit, à savoir : le recrutement ou l’utilisation des enfants dans les forces et groupes armés, le meurtre ou la mutilation d’enfants, le viol ou autres formes de violence sexuelle sur les enfants, les attaques dirigées contre des écoles ou des hôpitaux, l’enlèvement d’enfants, le refus d’accès à l’aide humanitaire.
La mobilisation sociale de 2019 vise à assurer une meilleure protection des droits des enfants affectés par les situations d’urgence dans les interventions humanitaires. Spécifiquement, elle va assurer une sensibilisation efficace de l’opinion publique nationale, des villes et des campagnes sur l’impact des situations d’urgence sur les enfants.
La célébration suscitera des actions de soutien et ou de prise en charge des enfants et familles affectés par la crise sécuritaire au Mali, particulièrement ceux vivant sur les sites de déplacés. L’objectif est d’amener les enfants à participer activement au processus de planification, de réalisation et ou d’animation des activités commémoratives de la Journée de l’enfant Africain (JEA).
Pour atteindre ces objectifs, au niveau national, les activités seront marquées par une cérémonie officielle, placée sous la haute présidence du chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta. D’autres activités seront organisées dans les régions et le district de Bamako par les directrices régionales de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, a expliqué Guanlé.

Aminata Dindi
Sissoko

Source: L’Essor

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