Exportation massive du métal jaune et retour dérisoire des devises : A qui profite l’or malien?
Meguetan Infos
L’amélioration de la gouvernance des ressources minières du Mali est une préoccupation majeure des Maliens. Producteur industriel du métal jaune depuis la fin des années 80 avec la mine d’or de Syama, le Mali reste en queue de peloton des pays pauvres. Troisième producteur d’or, le pays tire peu de bénéfice du métal jaune, dont la part du lion revient aux sociétés étrangères, tant la transparence est la chose la moins partagée dans ce domaine. La quantité d’or produite au Mali, son exportation et le rapatriement des devises font l’objet d’une opacité déconcertante et tout semble échapper à Bamako, depuis belle lurette. Sauf à être dans les secrets, l’or ne brille que pour les Maliens. Les autorités de la transition suivant les recommandations des assises nationales de la Refondation (ANR) tenues du 27 au 30 décembre 2021, ont initié «l’Audit des Mines d’or en activité au Mali», dont le rapport a été remis au président de la Transition, colonel Assimi Goïta le 23 Mars 2023. Le contenu du rapport d’audit a été restitué en Conseil des ministres du 29 mars 2023, dont le communiqué fait état. Le Président de la Transition Assimi Goïta a instruit l’élaboration d’un plan d’action de mise en œuvre des recommandations qui en sont issues.
En organisant un point de presse, le 10 mai 2023, les responsables du Front pour l’émergence et le renouveau au Mali (FER-Mali) et de l’Association pour la promotion et la valorisation des ressources minérales (APVRM) dont respectivement Sory Ibrahima TRAORE et Djibril DIALLO ont levé un coin du voile sur «le rapport provisoire» de l’Audit des Mines d’or en activité au Mali.
Selon ces conférenciers, douze sur les quinze mines d’or industrielles du Mali affirment fonctionner à perte donc ne versent aucun dividende à l’Etat du Mali ; et certaine mine ont pu faire 15 ans d’exploitation sans payer de dividendes à l’Etat, à cause des clauses particulière de leur contrat, qui ne semblent laisser aucune place à la négociation.
Du rapport provisoire d’audit des mines du Mali, il découle que près de 2600 milliards de francs CFA n’ont pas été rapatriés en produits d’exportation de l’or de 2019 à 2021, selon le dossier de presse remis aux journalistes. Cette situation financière échapperait à l’économie malienne, au système bancaire et elle est contraire à la loi en matière d’exportation, expliquent le dossier de presse remis aux journalistes. En 2021 sur un chiffre d’affaires de près de 1900 milliards de francs CFA, seulement 60 milliards de dividendes ont été versés à l’Etat du Mali qui a aussi accordé une exonération de 36 milliards de francs CFA, indiquent le document. Certaines sociétés minières en exploitation depuis plus de dix ans n’ont jamais versé de dividende à l’Etat du Mali; seulement trois sociétés minières ont versé des dividendes à l’Etat du Mali en 2021; sur les dix dernières années seulement cinq sociétés minières ont versé des dividendes à l’Etat du Mali, précise le document. Une Société minière sur place n’a pas versé de dividendes pendant quinze années d’exploitation consécutive, poursuit-il. «Pour un chiffre d’affaires de 1904 milliards de francs CFA en 2021 seulement 3 milliards ont été investis dans le développement communautaire, certaines sociétés minières n’ont même pas mis en place un budget pour le développement communautaire. Soit 0.15% du chiffre d’affaires, alors que le Burkina est à 1% et la Guinée 0.5%. En plus ce montant est dépensé par les sociétés elles-mêmes au Mali», accusent les conférenciers, qui poursuivent la charge: le fonds minier de développement local n’est pas fonctionnel au mépris des dispositions légales en République du Mali. A toutes ces anomalies s’ajoute : «Le déversement de près de 32 Millions de tonnes de boue dans la carrière de MORILA est entrain de peser sur l’avenir de cette mine, car cela a pu condamner près de 100 tonnes d’or. Et pourtant les sociétés responsables de ces pratiques ont encore des intérêts dans ce pays. Beaucoup de sociétés exploitent leurs minerais sans investir dans une usine et créer des emplois. Or bénéficient-elles des avantages du code minier. En plus, beaucoup d’entre elles ont réussi à faire des modifications dans leurs contrats pendant les 30 dernières années et restent sur les anciens codes miniers plus juteux», selon le conférenciers de FER-Mali et de l’APVRM.
FER-Mali et l’APVRM sont de ceux, qui depuis plus d’une année, ont réclamé une meilleure gouvernance des exploitations minières du Mali pour que l’or du Mali puisse briller pour l’ensemble des Maliens, ont-ils rappelé. «Depuis plus d’une année nous avons soutenu que l’exploitation de l’or du Mali échappe au contrôle du gouvernement malien». Pour les conférenciers, cet audit des mines par les autorités de la transition traduit un «courage politique qui permettra à coup sûr d’assainir un secteur aussi stratégique et vital pour la souveraineté économique et politique de notre pays».
Malgré que notre pays soit l’un des plus grands producteurs d’or au monde, troisième producteur africain pendant des décennies, notre pays ne dispose d’aucune réserve d’or et reste l’un des plus pauvres du monde, indiquent les conférenciers. «La gouvernance de l’exploitation des ressources minières dans notre pays est caractérisé par une opacité criminelle ;les retombées économiques des dépenses d’exploitation des ressources minières du Mali échappent aux opérateurs économiques maliens donc à l’économie nationale du Mali ; l’or du Mali est exportée de manière brut et raffiné dans des conditions opaques à l’extérieur du Mali», enchainent-ils.
Selon ces conférenciers, douze sur les quinze mines d’or industrielles du Mali affirment fonctionner à perte donc ne versent aucun dividende à l’Etat du Mali ; et certaine mine ont pu faire 15 ans d’exploitation sans payer de dividendes à l’Etat, à cause des clauses particulière de leur contrat, qui ne semblent laisser aucune place à la négociation.
FER-MALI et l’APVRM qui constatent que toutes leurs revendications ont été prises en compte par le rapport provisoire de l’audit des mines du Mali, demandent au Gouvernement du Mali de «diligenter la finalisation dudit rapport dans un cadre participatif garantissant les droits de toutes les parties prenantes afin que l’or du Mali brille enfin pour les Maliens».
On sait que lors du Conseil des ministres du 29 mars 2023, le Président de la Transition Assimi Goïta a instruit l’élaboration d’un plan d’action de mise en œuvre des recommandations qui en sont issues. Ce plan d’action sera articulé autour d’actions phares, que sont : la Création de 2 commissions dont une pour la négociation et/ou la renégociation des Conventions minières et l’autre pour le recouvrement des montants éludés, suivant un planning ; le Rapatriement au Mali des produits issus de l’exportation de l’or ; la Modification de l’Ordonnance n°2019-022/P-RM du 27 septembre 2019 portant code minier ; l’Accélération de la création des Fonds Miniers et l’adoption du code de l’environnement et du développement durable.
B. Daou
Le Républicain