Les mêmes opérateurs économiques accusés dans l’affaire de la Loi d’Orientation et de Programmation militaire (LOPM) demeurent aujourd’hui les principaux clients du ministère de la Défense et des Anciens combattants (Mdac). Y a- t-il péril sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière dans notre pays ou le Mali Kura tant rêvé? Il y a lieu d’en douter.
En 2020, plusieurs grosses entreprises et des dizaines d’autres micros entreprises étaient citées dans des marchés opaques du ministère de la Défense et des Anciens combattants (Mdac). Elles étaient principalement accusées de surfacturations sur des matériels et équipements militaires. Tous les marchés ou presque sont attribués par entente directe, sans aucun appel à la concurrence, des faits entachant gravement les règles de la commande publique.
Les informations publiées à l’époque par beaucoup de confères de la place, faisaient ressortir sous le régime IBK, des gilets pare-balle facturée à 700 000 F CFA l’unité contre le prix du marché de 200 000 à 300 000 F CFA et la moustiquaire à 75 000 F CFA au lieu de 1 000 à 2 000 F CFA l’unité. Des tenues militaires, casques et chaussures rangers ont connu le même sort. Une tenue militaire facturée à 40 000 F CFA pour un prix réel de 12 000 à 13 000 F CFA soit 20 euros le complet. Les mêmes surfacturations concernent des équipements roulants militaires comme les véhicules de terrain, les camions de transport de troupe, les citernes, entre autres.
L’un des opérateurs économiques en question avait été interpellé en septembre 2020 à la Sécurité d’Etat au lendemain du coup d’Etat contre IBK, pour des soupçons de surfacturation et de marchés fictifs à la Défense. Il avait été libéré incognito quelques jours plus tard, sur implication présumée de la famille maraboutique Tall de Nioro du Sahel.
En plus des surfacturations, les mêmes opérateurs économiques, qui sont encore à nos jours de fidèles attributaires de gros marchés dans le même département de la Défense et selon le même processus d’entente directe, tral- nent d’autres accusations. Celles de marchés fictits estimés à plusieurs dizaines de milliards de F CFA. Au vu de l’ampleur de ces scandales, certains estiment que les 1.200 milliards de F CFA de la LOPM (période 2024-2019) sont tombés dans des poches.
Affaires entre les mains du procureur du Pôle économique
Même si les affaires liées aux équipements militaires et d’autres dossiers sulfureux sont toujours entre les mains du procureur du Pôle économique et financier de Bamako depuis 2021, les enquêtes judiciaires ont l’air de bouger lentement.
Toutefois, en 2020, le DFM du Mdac, le colonel Abdoulaye Ibrahima Traoré a été inculpé non détenu dans une affaire de faux contrat de plus de 700 mil- lions de F CFA impliquant un autre opérateur économique. Dans la même période, des généraux ont été mis à la disposition de la justice par le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara pour des enquêtes concernant l’audit des équipements militaires. C’est ainsi que le général Abdoul Wahab Touré, DFM, son adjoint, deux autres collaborateurs militaires et deux civils ont été inculpés et placés sous mandat.
Courant 2021, le dossier de l’audit de la LOPM 2015-2019 a connu une évolution. Il a été transmis sur recommandation du Président de la Transition, le Colonel Assimi Goita, au procureur du Pôle économique et financier de Bamako, Ousmane Fati. Ce fameux dossier implique plusieurs dizaines de contrats (équipements militaires, fournitures de biens et de services, prestations de services, entre autres) et des centaines d’entreprises maliennes et étrangères. Les promoteurs des sociétés ciblées et détenteurs de ces contrats, ont défilé au bureau du commandant de la Brigade du Pôle économique et financier à Hamdallaye ACI- 2000. Il s’agissait pour eux, de justifier la nature de leurs contrats, les quitus fiscaux de leurs entreprises, etc.
Le temps de la justice étant ce qu’il est, il va falloir attendre pour connaître le sort judiciaire réservé à tous ces dossiers. Pour le moment au Mdac, on prend les mêmes et on continue.
Abdrahamane Dicko
Mali tribune