Le pays traverse les pires moments de son existence. A Bamako où se joue une lutte terrible pour le pouvoir, règne une insouciance coupable. Et cette gravité de la situation ne se sent guerre dans les comportements çà et là. Les groupes armés hostiles à la République et à la démocratie gagnent chaque jour du terrain et renforce leur emprise sur des zones abandonnées par l’Etat. Après le nord, le centre, une partie de la région de Sikasso, ils poussent leur pion vers Nioro du Sahel. Demain Yélimané ?
Si à Bamako les citoyens peuvent vaquer librement à leurs occupations, d’autres Maliens sont empêchés de jouir de leur liberté d’aller et de venir. Ils ne peuvent plus se déplacer au risque d’être enlevés par des ennemis de la paix, du vivre-ensemble, ou au risque de sauter sur une mine enfouie au beau milieu de la route ou sous le sable. Le 21 juin dernier, cinq membres de l’Eglise catholique ont été enlevés par des hommes armés non identifiées dans la région de San, alors qu’ils se rendaient aux obsèques de l’abbé Oscar Théra. « Nous avons la confirmation qu’il s’agit d’un enlèvement par des hommes armés. C’est une grande inquiétude dans la communauté catholique du Mali », a confié à l’AFP, le père Alexis Dembélé, de la Conférence épiscopale du Mali. Hier, de nombreuses sources annonçaient leur libération.
A Bamako, certains ignorent qu’il y a des enfants qui sont privés d’écoles, de soins de santé depuis plusieurs années. Des écoles fermées chaque jour. Des enseignants contraints de se replier. Selon l’Unicef, « l’insécurité a également empiété sur le droit à l’éducation de nombreux enfants au Mali. Aujourd’hui, plus de 1100 écoles au Mali sont fermées pour cause d’insécurité, affectant plus de 350 000 enfants, dont la majorité se trouve dans la région centrale de Mopti ».
Dans la capitale de l’insouciance coupable, on célèbre avec faste les mariages. D’autres ne peuvent plus célébrer leur mariage ou leur baptême. Ils sont interdits de tout par des forces obscurantistes qui veulent imposer un ordre moyenâgeux. Ces actes barbares se passent souvent à moins de 200 km.
Des villages sont soumis à un blocus dans une indifférence générale, sous le regard impuissant et incapable des autorités. Dinangourou est sous le blocus des jihadistes depuis le 2 mai. L’embargo consiste à empêcher les gens de sortir et de rentrer dans le village. Ceux qui refusent d’obéir subissent des sévices corporels. Dinangourou rappelle aussi le cas, très médiatisé, de Farabougou. De nombreuses autres localités souffrent le martyr dans le plus grand anonymat.
Des bétails sont volés sous les yeux impuissants des populations dans une indifférence totale des autorités et des FAMa. Des citoyens sont privés de leurs moyens de subsistance avec son corollaire de désastres.
Il suffit de faire un tour à Faladié derrière le « Garbal » pour voir les conditions très précaires de certains déplacés du centre et pour se rendre compte des conséquences dramatiques de cette tragédie qui frappe le Mali comme une malédiction. Impossible de retenir ses larmes en voyant les conditions ultra-infra-humaines de ces familles dont les membres ont tout laissé pour se sauver. Ces déplacés vivent dans une sorte d’indifférence générale qui se mêle d’une insouciance coupable. Une insouciance coupable qui est synonyme de suicide collectif. Et surtout, au rythme de ces temps où les luttes à Bamako se concentrent sur la prorogation de la Transition au-delà des dix-huit mois.
Par Chiaka Doumbia
Source: Le Challenger