Le débat sur la consommation de la drogue dans notre pays a récemment refait surface suite à une annonce fracassante : plus de 2.000 candidats au recrutement dans l’Armée ont été recalés parce que des résidus de drogue ont été retrouvés dans leur sang.
«C’est aujourd’hui un problème de santé publique. La jeunesse malienne est malade. Ce qui se passe actuellement, si ça continue comme ça, nous ne savons pas ce qu’il adviendra de notre jeunesse dans 10 ou 20 ans», a souligné Colonel-major Souleymane Dembélé, Directeur de l’information et des relations de l’Armée, dont les propos ont été rapportés par le quotidien national «L’Essor» dans sa parution du mercredi 6 novembre 2024.
Pour le Coordinateur de l’Observatoire régional du crime organisé-Afrique de l’Ouest (Iss/ENACT) William Assanvo, le Mali a un ennemi silencieux et insidieux qui s’appelle la drogue.
«L’abus de substances psychoactives est une réalité qui prend de l’ampleur au Mali … Nos résultats ont montré que les jeunes de la tranche 20-30 ans étaient les plus touchés. Le Cannabis était le plus consommé, suivi de l’Alcool, et du Chlorhydrate de Tramadol. La polytoxicomanie ainsi que des nouvelles formes de consommation avaient été notées. La consommation de drogues avait généré de multiples conséquences néfastes sur la santé et la vie sociale : la dépendance, les troubles psychopathologiques», révèle une étude réalisée, de janvier à juillet 2018, par le service de Psychiatrie du Centre Hospitalier Universitaire du Point G intitulée : «Evaluer l’impact sanitaire de la consommation des drogues chez les patients pris en charge au service de psychiatrie du Centre Hospitalier universitaire du Point G.»,
Il ne sert à rien de se voiler la face : l’addiction des jeunes à la drogue est un aspect de la crise générale de société que le Mali traverse depuis belle lurette. Une crise causée par l’affaissement de plusieurs piliers de l’éducation des enfants. De la cellule familiale à l’école en passant par la rue. ces soupapes qui soutenaient la socialisation de l’enfant ont cédé sous des influences extérieures négatives. Le phénomène s’est empiré avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
De nos jours, il faut être fou pour se donner la liberté de corriger, pour mauvaise conduite, un neveu ou une nièce, le fils ou la fille du voisin comme au bon vieux temps. Car cela peut vous conduire à la police à la gendarmerie voire devant un juge. Aujourd’hui, un enseignant peut être trimbalé à la police ou à la justice pour avoir corrigé un élève impoli sur plainte de la mère ou du père de celui-ci. Aujourd’hui, reprocher à un enfant ses écarts de conduite est synonyme d’insultes ou d’agressions physiques contre sa personne. La famille ne se soucie plus d’inculquer une bonne éducation à sa progéniture. Il est laissé à lui-même et dans la rue à la merci des mauvaises influences. Certaines initiatives des autorités en charge de l’enseignement se sont révélées contreproductives. L’école parvient difficilement à parachever l’éducation des enfants devenus des «chauves-souris», c’est-à-dire ni oiseaux ni singes.
Il faut donc avoir le courage de nous poser des bonnes questions pour avoir des solutions à la dimension du mal. Comme le souligne l’étude réalisée par le service de Psychiatrie du Centre Hospitalier Universitaire du Point G, « la lutte contre l’usage des drogues nécessite la conjugaison des efforts de tous les acteurs impliqués ».
Par Chiaka Doumbia
Le Challenger