Ensemble instrumental du Mali : L’art de mettre en musique le patrimoine national
Composé de vingt-cinq artistes, le groupe musical qui a été créé en 1961, utilise exclusivement les instruments traditionnels. Sa mission est de prospecter, répertorier et mettre en valeur le patrimoine musical de notre pays.
Son dernier album « An ka bèn », de douze titres d’une diversité culturelle nationale, qui chante la crise multidimensionnelle (politique, territoriale, communautaire, religieuse, entre autres) qui secoue le Mali, depuis ces dernières années) témoigne le caractère de patrimoine culturel national du groupe musical l’Ensemble instrumental du Mali.
Aucun instrument moderne n’est utilisé dans ses musiques, seulement les traditionnels. L’album fait émerger les connaissances antérieures, les représentations sur les notions de paix, de solidarité, d’intégration et de développement socioculturel du Mali. Les chants caractérisent la culture de la paix et les attitudes favorables à la paix. « An ka bèn » (Entendons-nous ou encore l’entente, la cohésion sociale), c’est à travers cet album que l’Ensemble instrumental du Mali chante ‘’Rien ne vaut la paix’’.
Un album inspiré de la situation dans laquelle est plongé le Mali, depuis plus de sept ans. C’est pourquoi, les sujets traités dans les chansons ont trait à la crise politique, ethnique, religieuse, entre autres, qui assaillent le pays. « An Ka bèn » chante : « Unissons-nous. Travaillons pour la paix et le développement socio-économique du pays. Unis, nous bâtirons le Mali ». Tout un programme, une leçon de patriotisme, d’engagement !
Dans l’album, le chanteur dit : ‘’Politiki ko kèlè magni’’ ; ‘’Sigui yoro ko kèlè magni’’ ; ‘’Siya woloma kèlè magni’’. Comme pour afficher le côté patrimoine culturel, l’Ensemble instrumental chante ses douze titres dans plusieurs langues au Mali. Ainsi, on y trouve : un titre en sonrhaï, ‘’Safari goï kamba’’, qui parle d’amour, « l’amour comme principe d’union et de cohésion ». « Aimez-vous les uns, les autres », lancent les artistes.
MÉCONNU- Suivent un morceau en peulh ‘’Bandam Leburu » pour magnifier la bravoure des gens de ce pays où vivent des hommes et des femmes qui ont fait et continuent de faire son histoire, une chanson en dogon ‘’Sie kanon ‘’ (la bienfaisance) qui dit qu’un bienfait n’est jamais perdu, une chanson du Wassolou qui parle de solidarité avec les démunis… Et le tour du Mali en chanson continue, toujours en distillant des conseils, des rappels historiques et des hommages aux pères des indépendances africaines, aux femmes, etc.
L’Agence malienne de presse et de publicité a rencontré le directeur artistique de l’Ensemble instrumental du Mali, Moussa Mariko alias Rémy, en plein atelier de formation pratique, dans leur salle de répétition au Palais de la culture, Amadou Hampaté Bâ de Bamako. Il était en train de monter un chœur avec les formateurs des régions du Mali pour la prochaine Biennale artistique sur les techniques vocales d’une création. Quelques éléments de l’Ensemble instrumental appuyaient Moussa Mariko pour apprendre, ensemble, aux formateurs régionaux la chanson et l’arrangement musical, en même temps que les techniques vocales, occasion de mettre ces artistes venus de l’intérieur à niveau dans le chœur, le solo de chant, l’ensemble instrumental.
Parlant de son dernier album, Rémy a déploré la méconnaissance de l’Ensemble instrumental du Mali par le grand public national, pendant que la formation musicale a fait récemment du succès en Chine avec beaucoup de ventes à la clé. «On pensait que tous nos produits n’allaient pas être achetés. Que non ! Tout récemment, nous nous sommes produit en Chine où beaucoup a été acheté. Mais nous avons espoir. Il faudrait que les gens sachent que l’Ensemble instrumental existe. Par exemple, c’est justement en Chine qu’un responsable malien a vu pour la première fois l’Ensemble instrumental. Il n’en revenait pas de notre riche talent, répertoire et culture », a expliqué le directeur artistique.
LA TRADITION EN BANDOULIÈRE- L’Ensemble instrumental du Mali a été créé au lendemain de l’indépendance du Mali, en 1961. Il a pour missions de prospecter, répertorier et mettre en valeur le patrimoine culturel malien, notamment dans le domaine de la musique et de la chanson.
Le groupe musical national tourne avec vingt-cinq personnes. Les instruments utilisés sont purement traditionnels : la kora, le balafon, la flûte, le n’goni, le n’polon, le kamalen n’goni, le dundun, le soku, le djembé, la calebasse, le taman, le djéli n’goni.
Selon M. Mariko, l’Ensemble instrumental est une école, où tous les bons musiciens peuvent atterrir. « Ce n’est pas seulement des bons musiciens qui peuvent venir, ça demande aussi de la discipline. Même quand on est talentueux, on n’est pas le bienvenu quand on n’est pas discipliné. C’est à la portée de tous les Maliens. Nous sommes directement rattachés au Palais de la culture sous la tutelle du ministère de la Culture », a précisé Rémy.
L’Ensemble instrumental est moins sollicité pour les concerts. « Nous n’avons pas de concerts, mais nous animons des dîners de gala, des grandes cérémonies, des réceptions… Je peux donner 30 à 40 spectacles par an », a-t-il signalé.
Au cours de notre entretien, il a regretté l’ignorance du grand public malien par rapport au groupe musical alors que c’est un patrimoine culturel riche. « Toutefois, a-t-il mentionné, la Chine a compris, les Maliens qui sont en Chine disent qu’ils ne peuvent pas faire leur exposition (ndlr « : Expo Beijing 2019) sans inviter l’Ensemble instrumental du Mali ».
Une autre manifestation aurait probablement invité un autre artiste ou groupe maliens plus connus. « Nos compatriotes doivent comprendre que l’Ensemble instrumental est là pour eux. C’est pour toute la nation », a réitéré le directeur artistique, interpellant « le peuple malien et, surtout, la jeunesse ». D’après lui, « l’Ensemble instrumental est la source et porte en bandoulière la tradition et le patrimoine du Mali ».
Oumar DIAKITÉ et Moussa DIARRA
L’ESSOR
Un répertoire riche et varié UN RÉPERTOIRE RICHE ET VARIÉ
Marque de solennité et d’authenticité nationale, les prestations de l’Ensemble instrumental n’ont jamais cessé de rehausser l’image des grandes rencontres tant nationales qu’internationales, à travers un répertoire riche et varié.
De « Duga ; hymne à la bravoure » à « Douroubé : titre peulh », en passant par « Maliba », à la gloire du Mali, la terre des ancêtres, « Mamaya », morceau d’animation, « Soweto », en souvenir des massacres par le régime d’Apartheid dans le célèbre township sud-africain, « Sogo », hymne aux chasseurs, symbolisant ainsi l’honnêteté et la bravoure, « Soundjata » ou l’épopée mandingue, « Da Monzon », l’épopée bambara, « Sosso », chant pour magnifier la joie, le bonheur et l’amour, « Taara » ou l’hommage à la bravoure, « Sécurité », hommage à l’Armée nationale, « Janjo » à la gloire des braves, ceux dont la vie n’a pas été vaine et inutile, tout comme « Cedo », « Musolu » pour rendre hommage aux femmes, « Bamba Niaré » ou « Jatiguiya » (Hospitalité), « Jiri Marjè » (titre sonrai), « Gnôko » pour faire revivre la culture et la tradition du chant et de la danse minianka, Diaba, un titre tamashek. Tout le Mali du passé, du présent et du futur s’y reconnaîtra.
Entre ces créations, que d’artistes et non des moindres sont passés là. Sidiki Diabaté (le vieux), Batrou Sékou Kouyaté, Djélimady Diabaté, Tata Bambo Kouyaté, Hawa Dramé, Amy Koïta, Kandia Kouyaté, Koumba Sidibé, Bintou Sidibé…
Que de tournées : notamment en 1961, en Union des républiques socialistes soviétiques (ex-URSS), le premier Festival des arts nègres à Dakar (Sénégal), en 1966, avec à la clé la Médaille d’or, la même récompense au premier Festival panafricain des arts d’Alger, en 1969.
Déjà en 1983, une première tournée en Chine, Corée et en URSS. On peut aussi citer la médaille d’or de la mélodie à Johannesburg, à la Foire Afro-arabe, en 1995, une deuxième tournée en Corée (1986), une tournée en France, Allemagne, Suisse et Hollande, au Niger, des prestations au Festival en Guinée, à Ouagadougou (Burkina Faso), à Banjul, en Gambie, au Festival de Jazz de New Orleans en 1997 ou encore, en 2003, la participation au Folklife Festival de Washington DC, en 2004, une tournée au Qatar, en Martinique en 2005 et la participation à la 2e édition du Festival panafricain d’Alger en 2009…
M.D
L’ESSOR