Élections législatives : Les enseignements du scrutin
À l’issue des joutes électorales, l’Assemblée nationale sera renouvelée à près de 80%. Si les partis du trio de tête se maintiennent sur le podium, on assiste à un léger changement dans l’ordre d’arrivée. La percée remarquable des femmes est aussi un fait majeur
Jeudi dernier, la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt sur les élections législatives. Les urnes ont, en partie, confirmé certaines prévisions. D’abord, le recul du parti au pouvoir qui garde cependant son statut de première force politique à l’Assemblée nationale. Sur les deux tours de ces législatives, le Rassemblement pour le Mali (RPM) arrive en tête avec 51 députés sur les 147 qui composent la 6è législature, contre 77 sous la précédente. Il n’a pas la majorité absolue mais peut compter sur des alliés, dont l’Adema-PASJ qui grimpe d’un point dans le classement, en s’adjugeant 24 sièges. Une nette progression pour les « Abeilles » par rapport à leur score de 2013 : 14 élus. Comme pour s’entraider, ces deux partis avaient noué des alliances un peu partout. On les retrouve ensemble dans 14 des 43 circonscriptions électorales concernées par ce second tour des législatives. L’URD, le parti du chef de file de l’opposition, a lui aussi surfé sur les jeux d’alliances pour se maintenir sur le podium avec 19 élus, soit un seul député de plus qu’en 2013. Il a, en effet, composé avec les deux premiers dans 3 circonscriptions et, seulement, avec le RPM dans 8 autres.
Les trois premières forces à l’Assemblée nationale restent donc le RPM, l’Adema-PASJ et l’URD. Après ce trio de tête, le reste des sièges est partagé entre une vingtaine de formations.
Le Mouvement pour le Mali (MPM) se démarque avec ses 10 élus, se classant ainsi comme quatrième force. Par contre, l’ADP-Maliba sort de ces joutes électorales avec seulement 6 députés, alors que le parti s’était illustré lors de la dernière présidentielle et disposait d’une dizaine de députés. Même sort pour l’ASMA-CFP, le parti de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, qui avait réussi à créer son propre groupe parlementaire avec des députés transfuges.
Ensuite, on note un renouvellement de la représentation nationale à près de 80%. Seulement 35 députés de la dernière législature, ont réussi à se faire réélire. Ainsi, 112 nouveaux visages apparaissent dans l’Hémicycle. On note aussi l’élection à Gao d’Assarid Ag Imbarcaoune, un habitué des allées de l’Assemblée nationale, qui signe son come-back.
Autre constat, c’est la percée inédite des femmes qui seront au moins 36 à siéger au nouveau Parlement, dont une élue de l’ADP-Maliba à Ségou qui n’a que 26 ans. Une nette progression par rapport à la 5è législature qui ne comptait que 14 députées. Les femmes devront cette percée en grande partie à l’application de la loi sur le genre, initiée par le président Ibrahim Boubacar Keïta. Le chef de l’État peut désormais se réjouir d’avoir fait gagner à notre pays quelques places en la matière dans les classements internationaux. Mais force est de constater que le quota des 30% n’est toujours pas atteint.
Par ailleurs, ces élections législatives confirment encore l’existence de pratiques politiques peu orthodoxes dans notre pays. Soixante-dix neuf requêtes ont été introduites auprès de la Cour, demandant l’annulation des opérations de vote pour bourrage d’urnes, achat de consciences, utilisation de bulletins prévôtés, remplacement illégal des agents électoraux… Quelques unes ont prospéré, bouleversant les résultats provisoires dans certaines localités. C’est ainsi que le RPM a gagné dix sièges, dont quatre à Bamako, deux à Kati et quatre autres à Sikasso. Par contre, à Bougouni, on note un renversement en faveur de la liste conduite par la CDS-Mogotiguiya-Adema-Pasj-CODEM. Ce verdict de la Cour a occasionné des mouvements d’humeur en Commune I du District de Bamako, à Kati et Sikasso. Un bémol qui se double d’une très forte abstention à ces élections législatives. Le taux de participation est de 35,25%. On pourrait ajouter que le fort taux d’abstention aux législatives est comme une tradition dans notre démocratie. Même si l’on ne peut s’en réjouir.
Les nouveaux députés prendront fonction dans les jours à venir. La dispersion des voix laisse présager des tractations pour la formation des groupes parlementaires. L’enjeu de ces tractations, c’est aussi le Perchoir pour lequel des prétendants sont cités pour succéder à Issaka Sidibé, qui a réussi à se faire réélire.
Issa DEMBÉLÉ
Source : L’ESSOR