Élections au Honduras: «Un vote de contestation contre le gouvernement Hernandez»
Meguetan Infos
La candidate de gauche Xiomara Castro a revendiqué dimanche la victoire pour la présidence du Honduras. Selon des résultats encore partiels, elle a obtenu plus de 53% des suffrages. La participation aux élections générales a atteint un niveau historique avec 62% des votants qui se sont déplacés aux urnes dans un pays ravagé par la violence et la corruption. Le Hondurien Daniel Vasquez, doctorant au CNRS et au centre d’études mexicaines et centraméricaines analyse ce qu’il estime être un vote sanction.
RFI : Peut-on interpréter cette forte participation, 62%, comme un désir de changement après douze années d’hégémonie du Parti National ?
Daniel Vasquez : Tout à fait. Il faut rappeler que l’actuel président Juan Orlando Hernandez s’est fait réélire en 2017, et que cette réélection a été fortement impopulaire, avec notamment une fraude électorale. Le parti au pouvoir est au gouvernement depuis 2010, le vote de dimanche c’était donc aussi un vote contre ces douze années de gouvernement Orlando. L’important chamboulement dans cette élection, ça a été le ralliement des différents secteurs d’opposition quelques semaines avant le scrutin, particulièrement celui du candidat qui avait remporté le meilleur résultat de l’opposition lors des élections de 2017. Salvador Nasralla, qui est aussi le présentateur de télévision le plus important du pays, s’est retiré en faveur de Xiomara Castro. Ça a été un tournant pour cette élection, en permettant à des indécis et des indépendants de se rallier à une candidate pour laquelle ils éprouvaient probablement une certaine méfiance.
Alors ce vote pour Xiomara Castro a-t-il été un vote d’adhésion ou de contestation?
Un vote de contestation contre le gouvernement de Juan Orlando Hernandez, qui fait face à des accusations importantes de narcotrafic portées par le tribunal de New York. Son frère a été condamné à la perpétuité pour cette raison, il est emprisonné aux États-Unis. Le candidat du Parti National, Nasry Asfura, était perçu comme le successeur de ce régime, lui aussi célèbre pour des cas de détournement de finances publiques. Donc d’une certaine manière c’est un vote notamment contre la classe politique du Parti National.
Xiomara Castro semble bénéficier de ce mécontentement généralisé, mais elle est très marquée à gauche. Est-ce que ça ne risque pas d’exacerber davantage les tensions ?
Absolument. Xiomara Castro est l’épouse de l’ex-président Manuel Zelaya, qui a été déchu par un coup d’État en 2009 précisément pour son rapprochement avec ce courant du socialisme du XXIe siècle, dirigé par Hugo Chavez, Evo Morales et Rafael Correa. C’est pour cette raison qu’il y a eu des tensions importantes entre conservateurs et libéraux au Honduras,. Cette admiration pour ces régimes, et notamment le totalitarisme cubain, est encore d’actualité. Il faudra voir comment la politique étrangère du pays prend un virage à partir de janvier.
Les États-Unis sont sans doute partisans d’un retour à l’apaisement, dans l’espoir d’endiguer les vagues d’immigration hondurienne à leur frontière. Malgré tout ils pourraient voir avec méfiance l’arrivée de Xiomara Castro à la tête du Honduras.
L’intérêt des États-Unis pour l’Amérique centrale n’est plus le même que dans les années 80, avec les guerres internes centraméricaines. Mais il faut reconnaître que la question migratoire – il y a plus d’un million de Honduriens sur les neuf millions du pays qui habitent aux États-Unis – est une question importante sur laquelle les États-Unis ont mis l’accent, la ralliant à la question politique, la question de la corruption endémique dans le pays… Pour autant ils ont été silencieux depuis l’arrivée du gouvernement Biden, en attendant de nouveaux résultats. C’est sans doute une opportunité pour eux, mais aussi un défi : Xiomara Castro a annoncé qu’en cas de victoire elle allait intensifier ses relations avec la Chine populaire, la Russie, et les alliés que j’évoquais en Amérique latine.
Xiomara Castro a promis de s’attaquer à la corruption. Est-ce qu’elle aura les mains libres si le reste du pays et les autres institutions sont encore gangrenées par cette corruption ?
Sa capacité d’action dépendra des possibles coalitions au sein du Parlement, et de la direction que prendront les relations internationales. Il faut dire que la culture politique dominante, dans laquelle elle est elle-même aussi imbriquée, est celle de la corruption et de l’inefficacité. Son mari étant une des figures les plus importantes de cette manière de faire de la politique, avec des relations clientélistes, du favoritisme… On est dans un pays où, si l’ensemble des acteurs politiques font preuve de velléités démocratiques, la pratique en réalité est toute autre. L’État est perçu comme le butin des vainqueurs, et la carrière politique et l’accès à la fonction publique en général répondent surtout à cette volonté d’obtenir un poste et d’enrichir ses proches.
À propos du président sortant, est-ce qu’il pourrait y avoir une demande d’extradition vers les États-Unis ?
Oui, il pourrait éventuellement y en avoir une. Ce qui complique l’affaire c’est que la Cour suprême des États-Unis a souvent une posture différente de l’exécutif. Tout de même, selon la presse locale et les rumeurs au sein de la société civile, Hernandez est déjà en en train de prévoir un exil, que ce soit en Israël, un de ses plus proches alliés, où au Nicaragua voisin.
RFI