Election du PAN: les enseignements à tirer
À la grande surprise des Maliens, les nouveaux députés de l’Assemblée nationale ont plébiscité le candidat du Président fondateur du Rassemblement Pour le Mali, dans la République très très démocratique du Mali, à la tête de l’AN. Presque tous ont voté pour lui puisqu’il a obtenu 134 des 147 voix contre 8 pour son adversaire, Moussa Mara. Quels enseignements tirer de cet épisode ?
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La majorité s’offre 22 députés
Après les listes communes entre majorité et opposition, c’est par une autre alliance contre-nature que les députés fraîchement élus ont encore surpris plus d’un lors de l’élection du titulaire du Perchoir, ce 11 mai 2020 au CICB. Le député du RPM Moussa TIMBINE triomphalement élu a recueilli 134 voix contre 8 pour son adversaire, l’ancien Premier ministre Moussa MARA. Pour cet exploit, la majorité avait-elle besoin des voix de l’Opposition ? Les observateurs répondent par la négative. En effet, elle dispose déjà largement de la majorité dans le parlement.
Ainsi, les 15 partis politiques de la Majorité et signataires de l’accord politique de gouvernance (Rpm, Adéma, Asma, Cds, Um-Rda, Mpm, Adp-Maliba, Udd, Prvm, Parena, Codem, Ps Yelen Koura, Apr, PMK et PDES) totalisent à eux seuls 112 sièges.
De son côté, la majorité présidentielle Alliance Ensemble pour le Mali (EPM) totalise 83 sièges, soit la majorité absolue : RPM avec 51 députés, ADEMA avec 24 députés, ASMA avec 04 députés, CDS avec 02 députés, PS Yelen Koura avec 01 député et UM – RDA avec 01 député.
Aussi, les partis signataires de l’Accord politique de gouvernance (APG) totalisent-ils 29 sièges sur 147 que compte le parlement. Ce sont : le MPM (10 députés), ADP-Maliba (06 députés), CODEM (05 députés), UDD (04 députés), PRVM (01 député), PARENA (02 députés), PMK (01), PDES (01) et APR (01 député). Donc, la majorité totalise 112 voix, mais de ces députés, au moins 22 autres élus de la nation ont voté pour TIMBINE. Ce qui fait de lui, le président de l’Assemblée nationale le mieux élu, depuis l’UDPM avec un score nord-coréen de 91,15%, que même le Président IBK n’a pas eu.
L’Opposition traîtresse ou républicaine ?
Comme nous l’avons souligné plus haut, avec un tel nombre de députés, la majorité n’avait pas besoin de l’opposition pour faire passer son candidat. Mais comme le camp présidentiel était divisé, pour donner toutes les chances au candidat adoubé par IBK, il a fallu déployer une diplomatie parlementaire tous azimuts qui a permis de faire adhérer 22 députés de l’Opposition à la cause. Accommodements parlementaires ou trahison politique ?
Pour les militants de l’Opposition, la Cour est suffisamment informée, les députés qui ont voté sont des traîtres … Pour certains, il est difficile pour un honorable fraîchement élu de cracher sur 50 briques. Ceux qui disent, en tout cas, que les députés de l’URD devaient faire un vote blanc lors de cette élection ne pensent pas moins qu’ils ont trahi.
Et pour cause ? Soumaïla CISSE est enlevé depuis si longtemps, et même trop longtemps, mais il est élu député quand même, et garde encore le titre de Chef de file de l’opposition, acquis avant cette législature. Dans cette optique, les observateurs pensent que les députés URD, soient-ils honorables, en prêtant main-forte à la majorité pour le plébiscite de Tembiné, ont disqualifié Soumi champion de son titre de chef de file de l’opposition.
Le parti du Chef de file de l’opposition peut-il ou doit-il s’allier officiellement et au plus haut niveau au parti au pouvoir ? En le faisant, ces députés viennent de trahir, à notre sens.
Honorables, plutôt députés, votre position est affligeante. Et nous pensons que Soumaïla ne vous aurait pas donné de telles consignes de vote. Autrement, ‘’vous auriez dû tenir compte de «sa position, de son avis» avant de changer.
Franchement, les nouveaux députés de l’Urd ont déçu tout le monde. Un vote blanc était mieux que d’aller voter pour Moussa Timbiné, car ce vote a permis au peuple qui vous a élu de comprendre que vous avez été en complicité avec la majorité au point qu’on peut dire qu’il n’y a plus d’opposition au Mali. En tout cas, si tel est votre comportement.
Par ailleurs, au-delà de toute passion, certains peuvent considérer cette opposition comme républicaine dans la mesure où elle accède et vote le fait majoritaire qui est un élément consubstantiel à la démocratie. Pour revenir à ce concept, il désigne en français facile que toutes les forces politiques qui ont participé à une compétition électorale acceptent que celui qui a eu le plus grand nombre de voix dirige. En acceptant ce principe, rien n’empêche d’œuvrer pour son application. En votant ainsi pour Timbiné, les 22 députés de l’opposition sont loin d’être des vendus, mais plutôt des républicains qui n’ont voté en fait que pour l’application du fait majoritaire.
Si le parti RPM avait 2 candidats, s’ils avaient voté pour l’un contre l’autre, on aurait pu les taxer de vendus, mais là, svp Tolérance !
Recomposition parlementaire : le grand brissa gnagami
À l’issue des législatives de 2020, l’Assemblée nationale a été fortement recomposée, un nombre plus élevé de femmes, l’émergence de nouvelles forces politiques, la présence de nouveaux visages… Mais seulement, le changement, ce n’est pas la nouvelle configuration du parlement en termes de nombre de partis par rapport à la dernière législature.
Le vrai changement, c’est que ce n’est plus selon l’adage : « les oiseaux du même plumage qui volent ensemble », mais tous ensembles dans un grand brissa gnagami. En fait, la réalité, c’est ‘’plus d’opposition, plus de majorité’’, seulement des députés qui défendent ensemble leur bifteck, pardon leurs intérêts et ceux de la nation.
On va ensemble aux élections (listes communes) ; on nomme ensemble le président (opposition et majorité pour Timbiné) ; on se partage les postes du bureau et des commissions (les tractations en cours et à parier qu’on va violer par consensus le règlement intérieur qui impose la règle de la proportionnelle).
On vote ensemble… et vive la nouvelle démocratie à la malienne.
Mais en toute objectivité, cela a-t-il commencé aujourd’hui ? De mémoire de Malien, en 2002 déjà, l’honorable Assarid Ag Imbarcawane de l’Adéma ne disait-il pas dit aux députés de l’Adéma de « voter chacun en toute conscience et à l’unanimité pour IBK » ? Mais ce n’est pas aux bons vieux temps du consensus avec ATT seulement qu’il y a eu du Brissa Gnagami ?
En 2012 également, toutes les chapelles ont accepté de siéger dans une Assemblée nationale dont le mandat était expiré. Remake en 2018 et 2019 avec les épisodes dits de prorogation du mandat des députés. Ainsi, élus de la Majorité et de l’Opposition ont fait bloc pour défendre leur business. Donc, c’est naïvement qu’on trouve scandaleux de voir les mêmes qui étaient sur des listes communes faire bloc pour élire leur ‘’camarade Moussa Timbiné’’… qui saura gérer les milliards de l’Assemblée avec toutes les forces comme il a promis ce 11 mai 2020 au CICB lors de son discours d’investiture.
« Je mesure la lourde tâche et la noblesse de la mission que j’accepte avec humilité. Soyez rassuré que je ferais tout pour être à hauteur de cette fonction et à hauteur de vos attentes », s’est adressé le nouveau président à son auditoire de la salle Wa Kamissoko ce lundi.
Autrement dit ‘’Bê bè Dioni Dioni soro’’ comme le dirait Bakari Togola !
Et si Soumaila était là ?
Le président de l’Assemblée nationale a été élu presque à l’unanimité au compte de la sixième législature en l’absence de certaine figure emblématique, notamment le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, en captivité, le Dr Oumar Mariko battu lors du scrutin du 19 avril dernier, Mamadou Hawa Gassama, qui ne s’est pas présenté et Moussa Diarra de la Commune IV, éliminé de la course au premier tour. Leur présence à l’Hémicycle pourrait-il changer quelque chose à unanimisme suicidaire ?
S’il est difficile de trancher aujourd’hui cette question, il faut reconnaître que pour la première prorogation, les députés de l’opposition n’ont pas aussi suivi les mots d’ordre de Soumi et des autres états-majors ! Même les députés SADI en ont fait à leur tête.
Pour l’instant, le vote massif des députés de l’URD en faveur du candidat de la majorité est non seulement vu comme une trahison desdits élus vis-à-vis de l’URD, mais également du Chef de file de l’opposition politique et de tout un peuple. Quand un parti, qui assure le statut de chef de file de l’opposition et ayant critiqué la gestion de la majorité pendant cinq ans, adopte une telle posture, rien ne doit plus surprendre de cette formation politique.
Par Sidi DAO