C’est au-delà de l’ingratitude et de la perfidie. Il n’existe ni épithète, ni substantif pour décrire parfaitement les traîtrises dont se rend régulièrement coupable l’Algérie vis-à-vis du Mali. Dans l’histoire comme dans la vie courante des humains, on trouverait difficilement des cas d’inconduite sacrilège contre un bienfaiteur désintéressé, qu’il soit un pays ou un homme ou une femme. Lorsque l’on se penche avec minutie sur le déroulé des relations entre l’Algérie et le Mali durant les 60 dernières années, force sera de constater qu’autant le pays de feu le Président Modibo Keïta a toujours été une bénédiction pour celui de feu le Président Ahmed Ben Bella, autant l’inverse est criarde, qui indexe l’Algérie comme incarnant la malédiction pour le Mali. L’histoire est cruelle, elle lève tôt ou tard le voile sur ceux qui rament à contre-courant, ou elle projette carrément la lumière sur les malfaisants. Autant le Mali a offert son territoire comme arrière base (des points de repli) aux combattants algériens pour l’indépendance de leur pays, autant l’Algérie est devenue le sanctuaire pour les apatrides maliens, terroristes de tout poil, djihadistes, narcotrafiquants, séparatistes et indépendantistes. Notre pays n’a pourtant jamais rien entrepris pour causer du tort à l’Algérie !
Certes, les nationalistes algériens, patriotes convaincus que leur pays ne doit pas rester éternellement sous la coupe réglée de la France métropolitaine, colonialiste et impérialiste, se sont organisés pour déclencher, le 1er novembre 1954, la guerre de libération nationale. C’était après 132 ans de colonisation qui auraient pu détruire l’âme algérienne si le peuple ne disposait pas dans sa culture, sa religion et sa société de ressorts solides pour tenir. Après cinq ans de combats durs jusqu’en 1960, au cours desquels le général Charles De Gaulle a tout essayé pour garder l’Algérie à la France (gaz asphyxiants, napalm, tueries en masse, incendies de villages), le tribut payé par les nationalistes était lourd, extrêmement lourd. Mais les voies de Dieu sont insondables, dit-on. Le 22 septembre 1960, le Mali fait valoir son accès à la souveraineté nationale et internationale. Trois mois après, le 20 janvier 1961, le gouvernement conscient, par la voix du Président Modibo Keïta, exige de la France l’évacuation de toutes ses bases militaires du sol malien. Ce fut pain béni pour les combattants algériens qui ont désormais une base de repli à partir de laquelle ils développeront des attaques contre les troupes coloniales françaises, en les harcelant sans répit, en les contraignant à jeter du lest partout, jusqu’aux accords d’Evian. Le GPRA (Gouvernement Provisoire De la République Algérienne) accréditera un ambassadeur à Bamako et Abdel Aziz Bouteflika, qui deviendra plus tard président de l’Algérie pendant plusieurs années, peut s’établir à Gao pour coordonner les assauts politiques et militaires vers une victoire certaine, qui arrivera en juillet 1962. Son nom de guerre n’était autre que Mohamed-El-Mali. Et voilà que l’Algérie, en 2023, bien avant d’ailleurs même si l’on ne comptait qu’à partir du 15 mai et 20 juin 2015 avec le surgissement comme d’un chapeau de magicien d’un Accord qui a vite montré ses limites car arraché au forceps à une autorité jouissive et inconsciente, sans l’aval des Maliens, resté inapplicable pendant une dizaine d’années, cette Algérie-là est devenue contre le Mali la base arrière des criminels de la CMA, le Wagner algérien. Une kyrielle de bandits qui forment quelque chose comme la légion étrangère française, des desperados financés et formés pour semer la désolation chez le voisin parce que, tout simplement, il y a sur le territoire de Kidal des bassins pétroliers, du gaz, d’autres ressources qui abondent, et parce qu’il y existe, à Arouane et à Taoudéni, des opportunités pour réaliser des aéroports à usage civil et militaire, singulièrement pour les aéronefs en détresse du survol de cette partie du Sahara, et aussi pour les atterrissages d’urgence. Le Président IBK, en bon adepte de la langue française pour ne pas le taxer de complexé devant la France, a ajouté d’autres arguments que nous tairons pour le moment. Mais que l’Algérie se le tienne pour dit qu’aucun Etat, même plus puissant qu’elle, ne saurait nous soustraire un centimètre carré de nos frontières héritées de la colonisation, originellement nôtre en plus. La blitzkrieg opérée par les FAMAs le 14 novembre passé, qui a ébloui les stratèges militaires du monde entier, est une alerte. Un petit signalement.
Amadou N’Fa Diallo
Le National