À peine trois mois après que les derniers élements de Barkhane aient fait place nette en dégageant du Mali (15 août 2022), l’hystérique et sémillant président de la France, Emmanuel Macron, a annoncé le mercredi dernier, 9 novembre, la fin de cette opération militaire qui a sérieusement endeuillé le Mali en fomentant et en couvrant les équipées génocidaires contre les populations civiles. Indélimane, Kolongo, Sobane Da, Bounty, etc., ont en effet payé de lourds tributs durant neuf éprouvantes années : populations (résidents, paysans et forains pour la plupart) massacrés, villages incendiés ou rasés, greniers brûlés, bétails immolés par le feu. Jamais sur nos terres, la cruauté et l’horreur n’avaient atteint un tel summum.
L’annonce de la fin de l’opération Barkhane seulement 55 petits jours après le retrait du Mali pour, a-t-on tambouriné officiellement dans l’Hexagone, se réarticuler ou se redéployer au Niger voisin, a soulevé beaucoup de questions ces jours-ci dans le Sahel. Barkhane n’était-elle donc rien d’autre qu’une armée d’occupation pour s’emparer du Mali, pays le plus central au Sahel pour tenir en respect tous les autres États pour des raisons inavouables ? Mais les Sahéliens et les Africains, avec eux le monde non impérialiste, ne sont pas à présent les seuls à s’interroger. En France même, dès l’annonce de la décision macronienne, qui n’était d’ailleurs plus qu’un secret de polichinelle depuis les 72 heures qui l’ont précédée, la réaction première, est venue de la NUPES (LA NOUVELLE UNION POPULAIRE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE), une coalition des formations politiques de gauche formée sur l’initiative de LA FRANCE INSOUMISE (LFI) à travers son leader, Jean-Luc Mélanchon, après l’élection présidentielle de 2022. La NUPES a, en effet, peu de temps après la divulgation officielle de la décision tout aussi officielle de mettre fin à l’opération Barkhane, publié un communiqué au titre évocateur : “FIN DE L’OPÉRATION BARKHANE : L’ÉCHEC D’UNE GUERRE SANS STRATÉGIE”, décision qui sanctionne l’échec de la doctrine de “la guerre au terrorisme”. La NUPES dresse le bilan : “Après 8 ans d’opération, le nombre des violences, des victimes et des groupes armés terrorismes a augmenté. Leur aire d’influence aussi. Partout, la démocratie a reculé”. Et de s’étonner d’un élément dans la décision d’Emmanuel Macron : “Pourtant, les armées françaises resteront présentes dans la région sous une forme plus discrète”. Des armées françaises qui resteront sous une forme plus “discrète” pose des problèmes. La NUPES en dresse les questions : “Quels sont les objectifs précis de cette présence ? L’Élysée souhaite-t-il restaurer le dispositif Épervier qui existait au Tchad avant Barkhane ? Croit-il réellement que cette posture coopérative avec un régime dictatorial comme celui de Mahamat Déby permettra d’en finir avec la défiance de nombreux Africains à l’égard de la France ? Pourquoi le Parlement n’a-t-il pas été consulté ? Quel sera le statut précis et le régime indemnitaire des soldats français dans la région ?” Et le groupe parlementaire de la France insoumise-NUPES de demander au ministre des Armées d’apporter “au plus des réponses à ces cinq questions”. Nul ne doit évidemment compter sur des réponses sincères de la junte au pouvoir en France sur la présence “discrète” des armées françaises en Afrique après la débâcle de Barkhane et la fin de son operationnalité.
Mais nous devons, nous, Africains, Sahéliens, Maliens, nous occuper plus sérieusement de nos relations avec la France. Après la traite négrière, après 75 ans de colonisation, avec plus de 60 ans de néo-colonisation en cours et qui va se perpétuer avec une présence militaire française “discrète” (sic) en Afrique, devons-nous accepter de continuer à traîner l’implacable anathème français que nous subissons ? Nous avons tant subi le mépris, l’arrogance, les invectives multiformes de la France qu’il est temps pour nous de rompre le cordon ombilical, au grand dam d’un Léopold Sédar Senghor qui disait que “Nous sommes liés à la France par le nombril”. Puisons dans le florilège de l’injure raciale française à notre égard. Jeacques Chirac, alors maire de Paris, disait en 1994 : “Un nègre à Paris : une femme, douze gosses. Quel bruit et quelle odeur !” Pour cette injure, une délégation malienne présente cette année-là au salon de l’agriculture refuse de lui serrer la main Chirac ne sera pas moins élu président de la République l’année suivante, en 1995. Le 26 juillet 2007, Nicolas Sarkozy, alors Président français, s’exclame avec cynisme : “Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire; l’Afrique n’a pas d’histoire, une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe…” Il dira aussi en une autre circonstance : “La croissance démographique de l’Afrique est un danger pour l’humanité”. Un siècle et demi avant lui, c’est Victor Hugo qui clamait : “Que serait l’Afrique sans les blancs ? Rien; un bloc de sable; la nuit; la paralysie; des paysages lunaires. L’Afrique n’existe que parce que l’homme blanc l’a touchée”. Au sommet du G20 en 2017, Emmanuel Macron, actuel président français, et c’était l’année même de sa première élection, répondant à la question d’un journaliste franco-africain qui lui demandait ce que peut faire la France pour aider l’Afrique, a donné cette réponse incroyable : “Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien”. Comme s’il pensait qu’il n’avait pas été bien compris en 2017, il se moquera plus tard : “Les femmes africaines sont trop fécondes”. Pr. Joseph Ki Zerbo n’a-t-il pas bien fait de nous avertir que “Nan Lara, an sara” (Si nous nous couchons, nous sommes morts) ?
Amadou N’Fa Diallo
Le National