« Le Mali se retire de tous les organes et instances du G5 Sahel, y compris la Force Conjointe ». Ces propos tranchants sont ceux du Col Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, Porte-Parole du Gouvernement. Ils sont prononcés sur le plateau du JT de l’ORTM du dimanche 15 mai 2022. Mais si cette grave décision des Autorités maliennes n’est pas surprenante, elle n’est pas moins conséquente sur l’évolution de la lutte contre le terrorisme international au Sahel. Lorsque l’on sait que logiquement, la réussite de celle-ci exige la mutualisation des Forces armées de l’ensemble des pays de la sous-région.
N’est-ce pas que le départ du Mali est un triste tournant que les Chefs d’Etat des pays du G5 devaient à tout prix éviter ? Mais puisqu’il y est contraint à la sortie, le pays de Modibo Keïta ne pouvait que claquer la porte de l’organisation avec dignité. Et c’est ce que les autorités de la Transition ont simplement fait, tout en affirmant la pleine souveraineté de leur Etat. D’ailleurs, en avait-il encore le choix ? Notamment, lorsqu’il se trouve qu’un pays tiers, extra régional et non membre (divorcé d’avec le nôtre) est à la manœuvre pour instrumentaliser ladite organisation?
Le G5 Sahel est composé de cinq pays (le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad). C’est une organisation militaire transnationale, créée en 2014, pour lutter contre le terrorisme international. Sa présidence est normalement tournante entre les pays membres. Conformément à cette pratique établie, après N’Djamena, la 8è Session ordinaire du G5 Sahel devrait normalement se tenir à Bamako depuis février 2022, pour consacrer la présidence malienne. Mais apparemment, les quatre autre Etats membres du G5 Sahel n’en veulent pas.
Cette attitude fâcheuse, contraire au texte et à l’esprit de cette organisation militaire transnationale a dû amener le Chef de l’Etat malien a adressé trois correspondances à son homologue tchadien, président en exercice sortant, afin que celui-ci prenne des dispositions pour remettre la présidence au Mali. La dernière, qui lui a été notifiée ce 22 avril, indiquait qu’à partir du 15 mai si le Tchad ne s’exécute pas : « La république du Mali se verra dans l’obligation de suspendre sa participation aux organes du G5 Sahel y compris la Force Conjointe ». Mais peine perdue !
Car cette sommation du président de la Transition malienne, à l’endroit de son homologue tchadien, n’a eu aucun effet dissuasif. D’autant que la 8è Session qui devrait se tenir à Bamako, sur instruction d’un Etat extra régional (certainement la France), ne verra pas le jour. En lieu et place du Mali, le Tchad va continuer d’occuper la présidence du G5 Sahel. Mais, somme toute, lorsqu’une famille laisse délibérément à l’abandon un de ses membres, lui nie tous ses droits, celui-ci a-t-il d’autre choix que s’en aller ? Le retrait du Mali du G5 Sahel illustre bien cette image.
Le G5 Sahel devait notamment, à partir du soutien aérien et logistique de Barkhane, lutter contre le terrorisme international dans l’ensemble des pays du Sahel. En l’occurrence, dans la Zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso où sévissent de nombreux groupes armés terroristes. Le territoire malien constituait l’épicentre de ses interventions. Mais dans la pratique, le G5 Sahel a démontré toute son inefficacité. Tant les mouvements terroristes n’ont de cesse prospérer. En occasionnant un cortège de morts et blessés mais aussi des déplacements de populations de la Zone dite des trois frontières (ou Liptako-Gourma).
D’ailleurs comment le G5 Sahel, un machin voulu et conçu par la France, pouvait réussir à lutter convenablement contre le terrorisme international au Sahel, également conçu et entretenu par la même France ? Le G5 n’est-il pas une utopie ? En raison de cela, n’était-il pas, dès sa création, considéré par de nombreux analystes politiques progressistes comme un mort-né ? Ses détracteurs, de toute façon, estimaient, qu’elle n’est créée que sur l’insistance et l’initiative de l’ancienne puissance coloniale (qui le finance) pour ne servir que ses seuls intérêts néocoloniaux au Sahel. Leur argumentaire se basait essentiellement sur le fait que la France, par le biais du G5 Sahel, va entretenir la présence des Groupes armés terroristes au Sahel pour y justifier la présence de ses Forces armées. Avec le recul de huit ans, l’histoire ne leur donne-t-il pas raison ?
Une chose est de toute façon certaine : la famille G5 Sahel, qui a contraint un membre essentiel (le Mali) à la quitter, doit aussi s’attendre à sa propre disparition. Ce postulat est d’autant vrai que le Mali est le continuum territorial naturel de la Mauritanie avec le Niger et le Burkina. Sans le Mali, qu’est-ce que la Mauritanie pourrait apporter sur plan sécuritaire au reste des membres du G5 Sahel? Quasiment rien, d’autant que le G5 Sahel sera logiquement interdit sur l’espace territorial et aérien du Mali ! Ainsi, il mourra indéniablement de sa belle mort !
Gaoussou Madani Traoré
Le Pélican