Le vendredi 17 novembre, des medias français proches du Quai d’Orsay ont publié des nouvelles relatives à la suspension de l’Aide Publique au Développement (APD) de la France en direction du Mali. C’est notamment le cas du quotidien français Le Monde qui cite une source diplomatique hexagonale. Même si cette décision n’est pour le moment qu’officieuse, d’ores et déjà, elle suscite en France une grande incompréhension des Associations et ONG. Dont la Coordination des Elus-es-Français-es- d’origine malienne (CEFOM), Maison des associations de Montreuil .Celle-ci prévient les autorisés françaises de l’urgence de revenir sur leur « décision injuste ».
La CEFOM estime que la suspension des financements de l’APD en direction du Mali, y compris la part qui transite par des organisations humanitaires, est une décision qui va énormément entraver le monde associatif en France et au Mali. Mais aussi et surtout, elle considère que « Cette décision des autorités françaises est d’autant plus inacceptable qu’elle participe à la dégradation de la situation sur place et des relations entre nos deux pays ».
Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que l’ONU estime à plus de sept millions, soit 35% des maliens qui ont actuellement besoin de l’aide humanitaire. Alors, pourquoi les autorités francaises veulent tant suspendre l’APD en direction du Mali ? Une « aide » que Paris a toujours présenté comme « humanitaire » ? Mais que représente l’APD de la France en direction du Mali ? Dans l’hypothèse de sa suspension, quel impact aurait-elle sur l’économie malienne ?
Une chose est certaine, Paris est en train de faire de l’APD : une arme ultime en vue de la déstabilisation de Bamako. Selon la Banque mondiale, l’APD reçue par le Mali en 2020 s’élevait à environ 861 milliards FCFA. Le montant engagé d’APD de la France au Mali était de 233 millions d’euros (soit environ 153 milliards FCFA) y compris 95,6 millions d’euros. Alors que le budget d’Etat du Mali de 2023 prévoit des recettes de 2 199,908 milliards de FCFA et des dépenses s’établissant à 2 895,903 Milliards de FCFA. Il présente donc un déficit budgétaire global de 695,995 milliards FCFA. Ce déficit budgétaire est habituellement financé en partie par l’APD. Pour cette raison, certaines organisations de la société civile française estime que la suspension de l’APD pourrait avoir de lourdes conséquences sur la population malienne.
Dans le même registre, notre confrère « Le Monde » révèle qu’un courrier est adressé au président français Emmanuel Macron par le collectif Coordination Sud. Lequel, regroupant des ONG françaises de solidarité internationale, indique que la suspension de l’Aide Publique au Développement (APD), allouée par Paris, « entraînera l’arrêt d’activités essentielles voire vitales menées […] au profit de populations en situation de grande pauvreté ». Ainsi au total, près de 70 projets de développement en cours ou prévus dans notre pays, les prochaines années, pourraient être stoppés en cas d’application de la mesure. Cette projection n’est pas fausse.
Toutefois, de nombreux analystes économiques, parmi lesquels des africains, considèrent que l’APD est sans importance pour les économies réelles en Afrique. Dans leurs travaux de recherche, ils démontrent que les retombées de cette « aide » profitent plutôt aux multinationales occidentales opérant en Afrique qu’aux pays bénéficiaires. D’autant que la France se sert de son APD pour contraindre les Etats africains (notamment les anciennes colonies) à privilégier les entreprises hexagonales pour l’obtention de marchés publics juteux. Dont la valeur colossale dépasse de loin, le montant alloué à aider nos pays.
En d’autres termes, ces analystes estiment que l’APD n’est qu’un machin de la coopération française qui permet d’asservir les Etats africains pour mieux exploiter leurs richesses. On pourrait donc caricaturer le scénario comme tel : la France donne aux pays africains des miettes par la main gauche et les récupère par la main droite mais en pactole.
Au regard de cette triste réalité, Bamako a décidé de résister pour refuser le chantage de Paris, en acceptant de se passer de son APD. Comme la réponse du berger à la bergère, les autorités maliennes ont décidé, avant-hier, d’interdire, avec effet immédiat, toutes les activités menées par les ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire. Mais faudrait-il que les populations maliennes comprennent tous les enjeux de ce bras de fer entre Paris et Bamako, en redoublant de résilience. Car, pour pouvoir asseoir la souveraineté de leur pays, les maliens doivent forcément consentir d’énormes efforts.
C’est hélas le prix à payer !
Gaoussou Madani Traoré
Le Pélican