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Ebola: une nouvelle piste sur l’origine de la récente épidémie en Guinée

RFI

Dans une étude parue dans la prestigieuse revue scientifique Nature, des chercheurs guinéens et français montrent pour la première fois qu’une épidémie Ebola, comme celle survenue en Guinée en 2021, peut se déclarer à partir d’une souche virale « dormeuse » chez une personne, plus de cinq ans après avoir été contaminée. Même si le phénomène serait rarissime, cette découverte souligne l’importance du suivi des survivants.

Le 14 février 2021, le gouvernement guinéen annonce qu’une épidémie à virus Ebola s’est déclarée dans la préfecture de N’Zérékoré. Mi-juin, l’épidémie est terminée, elle a provoqué la mort de 12 personnes sur 23 cas identifiés. L’étude publiée dans Nature mercredi 15 septembre, intitulée « Résurgence du virus Ebola en 2021, Guinée : Un nouveau paradigme sur les épidémies », confirme que la souche du virus responsable de cette épidémie est la même que celle qui a touché le pays cinq ans plus tôt. L’épidémie de 2021 n’a donc pas une origine animale mais humaine, et le patient 0 est probablement un survivant de la précédente épidémie.

Accompagner les survivants pour comprendre Ebola

Quelque 17 000 patients ont survécu à l’épidémie qui s’est étalée de décembre 2013 à juin 2016 en Afrique de l’Ouest. Aux côtés des chercheurs guinéens Saliou Sow, Abdoulaye Touré et Alpha Keita, le Français Eric Delaporte, professeur en maladies infectieuses à l’université de Montpellier, a suivi plus de 800 survivants en Guinée, sur les 1 270 comptabilisés dans le pays.

« Il fallait prendre en charge les survivants à la sortie des centres de traitement Ebola, car ils étaient le plus souvent traumatisés psychologiquement et physiquement, explique-t-il. On les a suivis pendant cinq ans, au niveau du Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig), à Conakry. Et ce faisant, on a pu énormément avancer sur la compréhension de l’infection ». Pendant la pandémie, après leur sortie du centre de traitement, la plupart des survivants étaient renvoyés chez eux sans suivi particulier. « C’est comme si vous sortiez de réanimation et qu’on vous laissait vous débrouiller ».

« Les centres procédaient selon les recommandations de l’époque. Les survivants étaient déclarés guéris, mais sur une base biologique, c’est-àdire qu’il n’y avait plus de virus dans le sang : il n’y avait pas encore de programme de prise en charge », détaille Eric Delaporte. Or, on sait aujourd’hui, grâce à une précédente étude de ces mêmes chercheurs, que les séquelles liées à l’infection sont nombreuses et que le virus peut se nicher dans d’autres liquides que le sang.

Des symptômes persistants ont ainsi été constatés chez les trois quarts des survivants au début du suivi, notamment des douleurs ostéo-articulaires, des troubles neurologiques, ou encore des glaucomes inflammatoires. « Au fil du temps, ces manifestations diminuent significativement – aujourd’hui ce n’est plus qu’un tiers des survivants qui sont concernés –, avec des atteintes très modérées », assure le professeur.

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Les résultats des analyses de la souche de l’épidémie de 2021 ont surpris les chercheurs du Cerfig, associés à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et à l’Institut allemand Robert Koch. Eric Delaporte, de l’IRD, témoigne : « On ne s’attendait pas à retrouver la même souche qu’à la fin de l’épidémie de 2013-2015. On s’est dit qu’il fallait vérifier que ce n’était pas une contamination de labo. » Trois autres laboratoires, dont un guinéen et un sénégalais, ont réalisé de nouvelles analyses. Tous trouvent le même résultat, qui bouleverse la perception de la maladie à virus Ebola : cette souche-là n’a pu être transmise que par un être humain, un survivant de la précédente épidémie, dont le virus s’est réactivé.

Accompagner, vacciner, sans stigmatiser

Dans leur communiqué annonçant la publication de l’étude, les chercheurs insistent : il faut lutter contre la stigmatisation des survivants, qui pourraient être mis de côté par leurs proches par peur d’une résurgence. « Le phénomène reste rarissime », insiste le professeur Delaporte. Ayant constaté des séquelles cliniques après la phase aiguë d’infection, les chercheurs aimeraient que les survivants soient suivis systématiquement. Ils proposent aussi que ceux dont le taux d’anticorps est faible soient vaccinés contre Ebola : sans vaccin, certains pourraient ne pas contrôler une réactivation de leur virus quiescent.

Natalie Roberts, médecin urgentiste chez MSF qui a étudié le virus de la maladie d’Ebola, insiste sur le fait que la vaccination doit être proposée à tous. « Dans certains pays touchés, les mouvements de population sont importants et les infrastructures de santé publique sont faibles. Il n’est probablement pas réaliste de vouloir suivre tous les survivants pendant des années », prévient-elle. En revanche, la vaccination lui semble être une solution plus réaliste : « Outre la vaccination des survivants, qui devrait renforcer leurs anticorps, nous pourrions envisager celle de leurs partenaires sexuels et les autres personnes de leur entourage qui seront exposées à des fluides corporels du survivant ».

Il faudrait également intensifier la recherche fondamentale sur les traitements. « Il a été montré que des anticorps monoclonaux, c’est-à-dire artificiels, bien ciblés, peuvent contrôler l’infection mais ne tuent par le virus. Aujourd’hui, on a besoin de médicaments qui sont virucides si on veut éliminer définitivement le virus de l’organisme dans les rares cas où il resterait sous forme endormie, quiescente », réclame le professeur Delaporte.

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