Comme un bol d’air frais, le décret N° 0335/PT-RM du 6 juin 2022 fixant la durée de la transition à 24 (à compter du 26 mars 2022) vient donner à un Mali plus qu’éreinté une énergie nouvelle tout en suscitant également une vive polémique.
En effet, avec cette annonce, le peuple malien ainsi que la communauté internationale sont désormais édifiés sur la durée d’une transition qui n’a eu de cesse de dandiner. Mais, en dépit de cette clarification quelque peu calculatrice – pour être intervenue le lendemain du très décevant sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Mali et levée ratée de l’embargo -, la sphère politique ainsi qu’une bonne partie de la population jette l’anathème sur la Transition et lui reprochent d’une part une inflexibilité aux dépens des populations et de leurs souffrances et, d’autre part, une scandaleuse unilatéralité d’une décision aussi sensible – quoique nuancée par la déclaration du président Sénégalais faisant état d’une négociation entre nos autorités et le médiateur de la CEDEAO allant dans ce sens.
Quoi qu’il soit, ce sprint final de la transition s’amorce sur fond de précarité extrême dans le pays et d’espoir populaire d’une levée définitive de l’embargo devenu de plus en plus pesant au grand dam de la cote de popularité d’une Transition en chute libre.
Par ailleurs, l’immense chantier de la révision constitutionnelle ainsi que d’autres réformes dont la relecture de la loi électorale – qui attendent d’être défective dans moins de deux ans – fait dire à beaucoup qu’on n’est pas forcément à l’abri d’autres manœuvres dilatoires si les autorités ne se mettent à la tâche en faisant l’économie de faux-fuyants.
Somme toute, bien malin qui pourra prédire l’issue de cette transition tant elle est replongée dans l’incertitude par ce décret de prorogation qui donne l’air d’une autre tentative malicieuse de se soustraction au dispositif d’encadrement du processus annoncé par la CEDEAO. Et pour cause, le recours à un décret en la matière est une transgression manifeste du mécanisme légal encadrant la durée de la Transition qui, en vertu de la Charte en vigueur, est plutôt l’apanage du législateur et non du président de la Transition. Ramener ainsi à la dimension d’un décret ce qui relève d’une Charte à valeur de texte fondamental procède d’un grossier bouleversement de la hiérarchie des normes dont la motivation pourrait résider dans la possibilité d’extension de la Transition aussi longtemps que ses autorités n’auront pas un intérêt évident à un retour l’ordre constitutionnel. À moins de remettre les pendules à l’heure avec une régularisation par relecture de la Charte.
Ousmane Tiemoko Diakité
Le Témoin