Dr Modibo DOUMBIA, Président du Conseil régional de l’Ordre des Médecins de Bamako : « La médecine doit garder son caractère humain, quelle que soit la situation »
Meguetan Infos
Le Conseil régional de l’Ordre des Médecins du District de Bamako a tenu, le 26 mars dernier, sa 2ème assemblée générale à la Maison des Ainés sous le thème : « La problématique de l’accès aux soins de santé au Mali ». Une occasion pour son Président, Dr Modibo DOUMBIA, d’évoquer les préoccupations du corps médical.
Les travaux étaient placés sous la présidence du ministre délégué chargé des questions humanitaires, Oumarou DIARRA, avec à ses côtés, la présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins du Mali, Dr Katilé Mouminata KONE et le Secrétaire général du syndicat des médecins du Mali.
Le représentant du maire de la commune IV, Monsieur Abdallah YATTARA, dans son allocution préliminaire, a déploré la concentration des structures de santé et du personnel médical en milieu urbain.
Prenant la parole, le président du Conseil régional de l’Ordre des médecins du District de Bamako, Dr Modibo DOUMBIA, a indiqué que les objectifs stratégiques visent « le seul but d’avoir un Ordre plus ouvert et plus rassembleur, un Ordre à même de jouer pleinement son rôle au regard des défis de la corporation. La problématique de l’accès aux soins de santé est le thème principal de cette assemblée générale car au Mali, ce sont sept personnels de santé pour 10 000 habitants. Ce qui va à l’encontre des recommandations de l’OMS militant pour vingt-trois personnels de santé pour 10 000 habitants ». Une situation qui doit encourager les recrutements de masse des médecins dans la fonction publique.
Vétusté de notre système de santé, appel aux autorités de la Transition
« L’année 2021 a été marquée par une mission conjointe OPS-IGS-DRS d’audit et de vérification des structures de santé de Bamako et environs sur instruction du Premier ministre. Cette mission d’audit des structures privées de santé de Bamako a relevé des insuffisances notoires dans la pratique quotidienne de notre art. Ces insuffisances nous interpellent tous et nous devons agir ensemble et maintenant pour un renouveau de la bonne pratique médicale au Mali. Ces insuffisances sont marquées par l’absence d’autorisation d’exercice privé, de licence d’exploitation, de double exercice, etc. », a-t-il rappelé. Le Président du Conseil régional de l’Ordre des médecins du District de Bamako a annoncé le lancement prochain d’une plateforme digitale de recensement des médecins et des structures de santé pour assainir le milieu. Il déclare que « la crise sanitaire de la Covid-19 a montré la vétusté de notre système de santé qui mérite une attention particulière des autorités de la Transition pour le renouveau de notre système de santé et surtout une motivation du personnel de santé puis un accompagnement à hauteur de souhait des médecins libéraux ». Il a demandé aux autorités plus d’actions vigoureuses dans le sens de la prévention, plus de soutien des agents de santé en première ligne dans cette lutte acharnée contre la Covid-19.
Docteur Modibo DOUMBIA a appelé ses confrères et consœurs à plus de responsabilité. « L’avenir du bien-être physique, mental, social de notre population repose sur nos épaules. Nous devons assumer nos responsabilités avec éthique, plus de déontologie en tout lieu et toute circonstance. La vie humaine est sacrée et inviolable. La médecine doit garder son caractère humain, quelle que soit la situation ». Il a ensuite dressé un constat amer de la qualité de formation des jeunes médecins dans les facultés de médecine privées, le recrutement des étudiants sans le baccalauréat en 3ème et 4ème année de médecine, les doctorats dans des conditions douteuses. « Cette formation des jeunes collègues interpelle notre conscience collective », a-t-il insisté tout en dénonçant que « des leaders religieux sont devenus des promoteurs de structures privées de santé en complicité avec certaines autorités sans l’avis des Ordres professionnels de santé. Tous ces maux empêchent notre système de santé d’exceller. Il nous faut des actions fortes et répressives puis engager des réformes courageuses et audacieuses des textes régissant l’exercice privé de la médecine », a-t-il affirmé.
Docteur DOUMBIA a annoncé la réalisation de 300 nouvelles inscriptions au registre national, l’octroi de 210 agréments d’exercice privé, de 271 cartes professionnelles et de 30 licences d’exploration des structures privées de santé sans oublier des campagnes de sensibilisation sur la Covid-19 dans les structures de santé de Bamako. Il a appelé ses collègues au respect du secret professionnel et a déploré le fait que les certificats médicaux se retrouvent sur les réseaux sociaux. Le médecin doit être très prudent et garder jalousement le secret professionnel en se mettant au-dessus de la mêlée, a recommandé Dr Modibo Doumbia. Il exhorte tous les médecins à plus d’union sacrée, d’entraide, de solidarité et surtout de tolérance. Le président du Conseil régional de l’Ordre des médecins a remercié ses partenaires que sont la Société des Eaux minérales du Mali, le Laboratoire Denk Pharma, la Fondation Orange, la Commission d’organisation et tous les conseillers communaux.
Suppression du concours d’entrée à la fonction publique pour les médecins, adoption du statut d’agents de santé
Pour le secrétaire général du syndicat des médecins du Mali, Dr Siaka KEÏTA, « C’est un thème extrêmement important et très capital. Je ne vois pas une personne qui n’a pas été confortée à ce problème qui devient récurent. L’accès aux soins de santé est un problème capital». Selon lui, la phrase magique « pas de place » est en train de prendre de l’ampleur. Il a dénoncé la déliquescence des structures publiques de santé. Ce qui n’est pas acceptable. « Nous devrons tout faire pour ne pas déshumaniser cette profession noble », a souligné Dr Siaka KEITA avant de déplorer le manque de solidarité au niveau de la corporation. Le Secrétaire général du syndicat des médecins du Mali a appelé à la suppression du concours d’entrée à la fonction publique pour les médecins, à l’adoption du statut d’agents de santé, à la dynamisation de la régularisation des centres d’urgence et la multiplication des guichets au niveau des structures sanitaires.
La présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins du Mali, Dr Katilé Mouminata KONE, a appelé au recrutement par an de 200 médecins formés pendant 10 ans en toute spécialité et à la création de la haute autorité de la santé.
De l’avis du représentant du Gouverneur du district de Bamako, la problématique de l’accès aux soins de santé n’échappe à personne et constitue une préoccupation majeure à Bamako et ailleurs.
Le ministre délégué Oumarou DIARRA a conclu en disant que la Transition est une période exceptionnelle avec un temps et des moyens limités. « Le Gouvernement de Transition est en train de travailler dans le silence avec beaucoup de difficultés », a-t-il souligné. Il a remercié les syndicats pour la levée des mots d’ordre de grève. La situation sociopolitique nous interpelle tous. Il a annoncé que lui et la ministre de la Santé sont en train de faire un plaidoyer auprès de leurs collègues de l’Economie et de la Fonction publique pour une session spéciale de recrutement en faveur de la santé.
Chiaka Doumbia
Le Challenger