Donald Trump, Greta Thunberg et le climat en vedette au forum de Davos
C’est, ce mardi 21 janvier 2020, que s’est ouvert à Davos, petite station de ski des Alpes suisses, la cinquantième édition du Forum économique mondial où grands patrons, dirigeants politiques et personnalités de la société civile ont pris l’habitude de se retrouver, chaque année, à la fin du mois de janvier, pour tenter d’améliorer l’état du monde. Et, cette année, le mot d’ordre est un appel en faveur « d’un monde plus solidaire et durable », alors que les troubles sociaux n’ont épargné aucun continent en 2019.
Avec notre envoyée spéciale à Davos,
Un thème s’impose, cette année à Davos, celui de l’urgence climatique et c’est pourtant un climatosceptique, Donald Trump, qui a inauguré le forum. Le président américain est l’invité d’honneur de cette 50e édition du forum de Davos. « Quand je me suis adressé à vous il y a deux ans, c’était pour vous annoncer le grand retour de l’Amérique » a, d’ailleurs, déclaré Donald Trump d’entrée de jeu. Le président américain a ensuite débité d’une voix monocorde une longue liste de succès dans les domaines économiques et sociaux qui, selon lui, ont permis « un boom comme on n’en a jamais vu auparavant » dans son pays.
Il a notamment évoqué la phase un de l’accord commercial avec la Chine signé la semaine dernière à Washington ou encore l’accord de libre-échange conclu avec le Mexique et le Canada. Celui qui était venu il y a deux ans défendre le protectionnisme dans une enceinte acquise au multilatéralisme s’est même vanté d’avoir l’émergence d’un nouveau modèle commercial. Un véritable discours de campagne alors que son procès en destitution est en cours à Washington.
À Davos, Trump a appelé au rejet des «éternels prophètes de malheur et leurs prédictions de l’apocalypse».
REUTERS/Denis Balibouse
« Prophètes de malheur »
Puis Donald Trump s’est offert le luxe de fustiger les « prophètes de malheur » et leurs « prédictions d’apocalypse », à quelques mètres de la militante du climat, Greta Thunberg, venue écouter son discours. Le président américain s’est même félicité de l’abondante production d’hydrocarbures des États-Unis, « numéro un mondial du gaz et du pétrole ». À aucun moment il n’a mentionné les énergies renouvelables alors que l’urgence climatique est l’un des thèmes qui s’est imposé à ce 50e forum Davos…
Et ce ne sont pas les grands patrons qui lui porteront la contradiction sur ce dossier. Ils ont en effet d’autres préoccupations en tête : conflits commerciaux, tensions géopolitiques et surtout la volatilité de l’économie qui compromet leurs perspectives de développement. L’environnement ne fait même plus partie de leurs dix premiers motifs d’inquiétude !
La contradiction viendra d’ailleurs. Une heure après l’intervention de Donald Trump, place à Greta Thunberg. Pour la deuxième année consécutive la jeune militante suédoise fait le déplacement à Davos pour presser la communauté internationale et surtout le monde des affaires d’agir face à l’urgence climatique. Ce sont donc bien deux visions du monde qui se sont affichés pour cette première journée. Mais après tout Davos c’est aussi un peu cela, réunir dans une même enceinte des personnalités que tout oppose avec un seul objectif, comme l’affiche partout le forum, « améliorer l’état du monde ».
De nombreux absents
Pour ce 50e anniversaire, deux invités de marques, mais aussi de nombreux absents. Pour la deuxième année consécutive, pas de Premier ministre britannique pour vanter devant les grands patrons les opportunités d’investissements au Royaume-Uni, le Brexit a laissé des traces. Le président français, Emmanuel Macron, ne se rendra pas non plus à Davos. Il est vrai qu’il a pu vanter, en début de semaine, à Versailles l’attractivité de la France devant ceux qui comptent dans le monde de l’industrie.
Plus surprenant, le roi Abdallah et la reine Rania de Jordanie, des habitués de longue date, n’ont pas fait le déplacement. Du côté des grands émergents, le Chinois Xi Jinping, le Russe Vladimir Poutine ou encore le Brésilien Jair Bolsonaro brillent par leur absence. Et surtout quasiment aucun chef d’État africain n’est à Davos cette année alors qu’on avait pris l’habitude de croiser les présidents sud-africain, nigérian, rwandais ou guinéen.
Une conjoncture morose
Il est vrai que les perspectives économiques et l’instabilité qui n’épargne aucun continent plombent cette 50e édition. Le Fonds monétaire internationale (FMI) a, une nouvelle fois, révisé ses prévisions de croissance mondiale à la baisse. Et, en 2021, il anticipe une reprise très poussive. D’ailleurs Ghita Gopinath, la cheffe économiste du FMI a mis en garde, lundi, à Davos les dirigeants sur les choix politiques qu’ils seront amenés à faire : « Les troubles sociaux ont repris assez brusquement en 2019, un peu partout dans le monde. Il n’y a pas d’explication unique à ces troubles. La raison n’était pas la même au Chili ou à Hongkong. C’était même très différent ». Et Ghita Gopinath d’ajouter : « Quoiqu’il en soit, il est important de reconnaitre que les dépenses sociales doivent être bien ciblées, pour que les plus vulnérables soient bien protégés. Les pays doivent faire en sorte que la croissance et le rebond que nous anticipons soient bien partagés équitablement. »
Cette conjoncture morose inquiète les grands patrons réunis à Davos. Cela se reflète dans l’étude publiée, en début de semaine, par le cabinet d’audit PwC qui, depuis 23 ans, mesure le moral des dirigeants de multinationales. Seuls 22% d’entre eux pensent, en effet, que la croissance va s’améliorer dans les prochains mois contre 57% l’année dernière.
Une inquiétude qui se reflète sur leur activité puisque leur confiance dans une amélioration de leur chiffre d’affaires est, elle aussi, en nette baisse. Ce qui fait dire à Bernard Gainnier, le président de PwC France et Afrique francophone, que, « depuis deux ans, le taux de pessimisme augmente très largement. Un taux similaire à la situation de pré-crise de 2008. Cela questionne forcément : Sommes-nous face à une crise qui est en train d’émerger ? ».
Une chose est sûre, cette année encore les grands patrons vont limiter leurs investissements, ce qui n’augure rien de bon pour l’économie mondiale.