..Djély Moussa Kouyaté dit ATT junior, humoriste-comédien malien : “J’invite les jeunes humoristes à se former sinon l’humour malien risque de disparaitre”
“C’est une grande fierté pour moi d’intégrer la célèbre série Ma grande famille “ De son vrai nom Djély Moussa Kouyaté, ATT Junior est aujourd’hui l’un des humoristes qui font la fierté du Mali tant sur le plan national qu’international. Titulaire d’une maitrise en philosophie à l’ex-Flash de Bamako avant de décrocher récemment un Master en Marketing-communication, ATT Junior prône la formation dans l’humour également. Celui qui est diplômé de l’Ecole nationale d’humour du Canada invite les jeunes humoristes maliens à se former et à s’adapter aux évolutions. Dans cet entretien, ATT Junior nous parle, entre autres, de sa carrière, ses projets et nous livre son regard sur le monde de l’humour malien. ujourd’hui-Mali : Bonjour, peut-on savoir comment vous êtes venu dans la comédie ?
ATT Junior : J’ai l’amour de ce métier depuis l’école fondamentale parce que c’était instauré dans le programme. Je l’ai commencé quand je faisais la 7e année avec un professeur du nom d’Aly Zoromé. A cette étape, il fallait faire obligatoirement du théâtre et non l’humour. Donc j’ai pris goût à ce métier depuis mes classes de second cycle mais mon premier professeur c’est mon papa parce quand j’étais encore très jeune, mon père et ses amis venaient à la maison pour causer et moi je faisais le thé pour eux.
Quand mon papa racontait des blagues, je les écoutais attentivement et après je sortais pour aller les raconter à mes amis dans la rue et ils aimaient bien. Il y avait aussi ce côté inné en moi que j’exploitais. Cependant, quelque chose peut être inné en soi, mais il faut se former pour perfectionner son talent et c’est ce que j’ai fait. Je me suis formé avec Alioune Ifra N’Diaye au Blomba.
Après le Blonba, j’ai eu la chance d’aller à l’école nationale de l’humour du Canada. Entre temps, je continuais mes études à l’université notamment à l’ex-Flash de Bamako où j’ai terminé en 2010 et j’ai aussi un Master en marketing-communication.
Peut-savoir comment est venu le surnom ATT Junior ?
Le surnom m’a été donné dans le cadre de l’émission “Eclat de rire” sur l’Ortm qui a été initié par l’ex président Amadou Toumani Touré “ATT”. Dans mes passages sur la chaine nationale, les réalisateurs m’ont attribué le surnom ATT Junior du fait que j’imitais très bien le président ATT et depuis je porte ce surnom qui dépasse les frontières aujourd’hui. Rares sont ceux qui connaissaient mon vrai nom.
Avez-vous rencontré des difficultés dans votre carrière notamment au début ?
Au début ça été très difficile par ce qu’au Mali, les gens ne connaissaient pas vraiment l’humour. Nombreux sont ceux qui n’arrivaient pas à faire la différence entre l’humour et être acteur de cinéma. D’abord, le théâtre ça s’enseigne au Conservatoire Balla Fasséké ou à l’Institut National des Arts (INA) où nous avons toujours un metteur en scène avec des œuvres d’auteurs or dans l’humour tu es seul sur ta scène avec tes propres blagues.
L’humour c’est de l’art urbain qui vient des Etats-Unis. Il a été créé par des jeunes qui ont été exclus de l’école et qui ont pris le micro pour aller dans la rue et pour donner des petits spectacles en 5 à 10 minutes lors des évènements. Aujourd’hui ces 5-10 minutes sont développées pour atteindre 2 à 3heures de temps.
Pourquoi le choix de l’humour ?
Vous savez, quand j’étais au lycée Massa Makan Diabaté, je faisais du théâtre avec Sirafily Diabo qui était mon professeur et après j’ai trouvé que le théâtre était une perte de temps pour moi parce que si les autres ne sont pas là tu ne peux jouer parce que chacun à son rôle à jouer.
Imagine si vous attendez quelqu’un et que son père lui interdise de sortir alors que vous avez pris l’argent avec quelqu’un pour le théâtre et là vous êtes obligés de changer de personnage. Donc c’est pour éviter tout cela que j’ai décidé d’évoluer en solo donc dans le stand-up ou l’humour.
Quelles sont les distinctions que vous avez pu décrocher dans votre carrière et laquelle vous a plus marqué ?
Pour la petite histoire, j’ai été révélation ouest-africaine en 2008. J’étais sur cette scène avec les Souké et Siriki, les acteurs de la série “Ma famille” au complet et des humoristes venus un peu partout dans le monde.
En 2010, j’ai décroché le meilleur prix du jury et du public dans un court métrage que j’ai tourné entre Paris et Bamako. J’ai décroché le trophée de meilleur humoriste de Kèwalé People à deux reprises. J’ai été meilleur artiste et meilleur humoriste de l’année au Mali. Un trophée de mérite m’a été décerné en Afrique du Sud et j’ai eu plusieurs autres distinctions dans des festivals. Cependant, l’Etat malien ne m’a pas encore récompensé, mais je l’attends toujours. La distinction qui m’a le plus marqué, je l’ai reçu en 2012 en Côte d’Ivoire le cadre de “Moov comédie tour”. Un éléphant en bois accompagné des tenues traditionnelles ivoiriennes et au bord de la mer. C’était émouvant !
ATT Junior fait partie désormais de l’équipe de la célèbre série ivoirienne “Ma grande famille”, peut-on savoir comment c’est arrivé ?
Déjà l’histoire entre Akissi Delta et moi remonte à des années. Nous nous sommes rencontrés lors d’un Festival au Burkina Faso. Akissi m’a vu sur scène et après elle m’a rencontré et m’a dit ce jour qu’elle a un projet de “Ma grande famille” qui va concerner quelques pays de l’Afrique de l’Ouest et qu’elle souhaiterait que je fasse partie de la série. C’est 15 ans après qu’ils m’ont appelé pour aller signer le contrat à Abidjan. Je n’apparais pas d’abord dans la série parce qu’au moment de ma signature des épisodes étaient déjà tournés et ce sont ces épisodes qu’ils sont en train de diffuser maintenant. C’est pourquoi certains demandent pourquoi je n’apparais pas encore. Je leur dis patience. Ça tourne et j’arrive.
Quels sentiments de figurer dans une série aussi célèbre ?
Ça m’a vraiment ému et je suis très fier d’être un personnage de “Ma grande famille”. C’est un grand honneur parce que notre pays, le Mali, a toujours été critiqué au niveau de la comédie et aujourd’hui, être le porte étendard du Mali dans cette série à succès est une grande fierté pour moi. Cela prouve aussi que le Mali est un grand pays de la comédie.
Avez-vous des projets ?
Oui j’ai de gros projets. Je pense à copier mais copier dans le bon sens. Il y a un humoriste franco-marocain que j’ai toujours aimé depuis mon jeune âge qui s’appelle Jamel Debbouze. Il organise un grand festival d’humour “Le Marrakech” que j’aimerais reproduire chez nous ici au Mali. Un festival où je serais seul sur scène à animer, mais il y’aura aussi d’autres humoristes du Mali et d’ailleurs. Ce festival est prévu pour 2020 et vous aurez tous les détails nécessaires le moment venu.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde de l’humour malien ?
Le monde de la comédie va très mal aujourd’hui au Mali parce que les jeunes humoristes ne travaillent pas. Ils ne sont pas formés et ils se disent comédiens du jour au lendemain. Des jeunes qui n’ont jamais fréquenté des écoles de formation qui ne sauvent même la différence entre l’humour et le théâtre. Ces jeunes, avec les nouvelles technologies font des vidéos n’importe comment. Il n’y a pas de suivi et il n’y a pas de morale à la fin.
Et si on ne fait pas attention, l’humour malien risque de disparaitre parce qu’avec ces genres de pratiques dans la comédie, le téléspectateur malien va se lasser parce qu’il n’est pas satisfait du contenu. Le public se déplace souvent pour aller faire du guichet pour certains, mais à la fin il est déçu du contenu parce qu’en le voyant sur les réseaux sociaux on les trouve drôles, mais une fois devant un public, ils sont perdus. Il faut de la formation et du suivi pour faire de la bonne comédie.
Qui est votre modèle sur scène et pourquoi ?
J’apprécie énormément les deux Français d’origine marocaine, Jamel Debbouze et Gad Elmaleh qui qui m’ont beaucoup inspiré. Ils sont très forts, je les considère comme des demi-dieux dans l’humour. Ils ont apporté leur touche dans l’humour. Celui que j’apprécie le plus est Gad Elmaleh même dans mon habilement sur scène je m’inspire de lui. Son déplacement scénique est vraiment un atout chez moi.
Quel sera ton denier mot ?
Je remercie le journal Aujourd’hui-Mali, que j’apprécie vraiment, pour son intérêt pour les hommes de la culture malienne. Par ailleurs, j’invite les Maliens à aller vers la qualité. Il y a beaucoup de comédiens au Mali aujourd’hui, mais j’invite les Maliens à aller vers la qualité et non vers la quantité.
Réalisé par Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui-Mali