Dénonciation de la Prorogation du mandat des députés: l’opposition malienne se ridiculise !
C’est ce 4 décembre 2018 que, sous les signatures de Oumar MARIKO de SADI, au nom de la CoFoP et du chef de file de l’Opposition et non moins Président de l’URD, Soumaïla CISSE pour le FSD, que l’Opposition malienne est sortie officiellement de son silence, par rapport à l’adoption de la loi portant prorogation du mandat des députés de l’actuelle législature.
Les deux coalitions politiques, nées dans la dynamique de la contestation de la dernière élection présidentielle, assurent se démarquer ‘’clairement et nettement de l’adoption de la loi organique portant prorogation du mandat des députés, car elle viole la constitution du 25 février 1992’’, à laquelle les ‘’deux regroupements réaffirment leur profond attachement’’.
Les mots ont leur sens : les opposants maliens «se démarquent» et non ‘’condamnent’’ ! La nuance est d’importance qui n’éloigne guère des conditions mêmes dans lesquelles cette loi a été votée.
L’opposition a approuvé la Loi
En effet, lors du vote de la loi querellée, c’est l’écrasante majorité des élus du Palais de Bagadadji qui avaient accordé leurs suffrages à une initiative certes d’essence législative, mais également proposée par le Gouvernement. On se rappelle que sur l’ensemble des députés présents, seulement cinq de l’Opposition s’étaient… abstenus. Dont, semble-t-il, le chef de file de l’Opposition. Tout de même, non seulement il doit y avoir plus de cinq députés se réclamant de l’Opposition, mais s’abstenir n’est pas ‘’aller contre’’. Tout au plus, c’est ‘’approuver, avec des réserves’’ ! Au reste, on se rappelle toujours que lorsque le Président du Groupe VRD, le député de Baraouéli, Mody N’DIAYE, s’était insurgé contre la loi, c’est d’abord dans les rangs de… l’Opposition qu’il avait été le plus vertement tancé. Quand bien même lui aussi… s’abstiendra, après avoir jugé la loi anticonstitutionnelle !
Dans tous les cas, le principe d’une loi de prorogation du mandat des parlementaires a mis l’Opposition dans une position délicate plus qu’inconfortable : elle était obligée de s’allier à un pouvoir qu’elle vouait aux gémonies. Car sur ce chapitre, on se souvient qu’après la gamelle électorale ramassée, l’Opposition exsangue avait d’ailleurs été la première à solliciter un report des législatives, alors prévues juste après la présidentielle et ce, auprès de pouvoirs publics dont elle assurait ne pas reconnaître la légalité, donc la légitimité. Qu’importe alors les arguments avancés à l’époque, toujours est-il qu’en réalité, l’Opposition éprouvait quelques difficultés à remobiliser la troupe et subodorait une défaite électorale encore plus cinglante que la présidentielle.
Un discours de la méthode, donnant certes le tournis, mais qui a la vertu de concilier les aspirations et les postures.
Quand bien même, les deux regroupements politiques affirment que la nouvelle loi «viole la constitution du 25 février 1992», l’Opposition, menée par des animateurs d’envergure comme en témoignent ces deux signatures, ne parvient guère à convaincre de la solidité de sa posture.
Le communiqué conjoint a été visiblement produit pour rattraper une énorme bévue, car le principe aurait voulu que l’Opposition, du moins ses principaux ténors adoptent une position claire d’opposition à l’initiation, au vote et à l’adoption de la loi. Ceci aurait été plus conforme et en cohérence avec le refus de participation aux séances d’écoute initiées et surtout s’inscrivant dans la dynamique de la contestation en cours et qui se traduit par différentes manifestations, dont la dernière sévèrement réprimée. L’attitude, pour incohérente qu’elle soit du FSD et de la CoFoP, se comprend pourtant à l’aune de la division interne qui mine leurs rangs autour de cette prorogation.
Loin de la discipline des partis, les élus concernés avaient un agenda différent de ceux de leurs formations respectives. Il y a peu, certaines confidences, tendant à expliquer la position ambiguë de Soumaïla CISSE, assuraient que le chef de file de l’Opposition, en s’abstenant, entendait éviter d’aller de front contre les élus de son Parti et les partis alliés dans la contestation électorale qui approuvaient l’initiative. Signe donc qu’en réalité, il n’existe aucune unité dans les rangs de la contestation, voire des partis politiques et donc que le Président de l’URD n’a aucune autorité sur sa troupe.
En dehors des partis, on aura compris, dans le processus de maturation de cette loi de prorogation, que les formations composant les différents regroupements ne soufflaient pas toujours pas dans la même flûte. Ainsi, autant Moussa MARA, au nom de Yéléma que Housséyni Amoin GUINDO, pour les PUR et son Parti CODEM, ont constamment condamné toute tentative de prorogation du mandat de l’actuelle législature. Sans oublier l’opposition de principe de Bocary TRETA lui-même, qui a fini par rentrer dans les rangs. A ceux-ci, il faut ajouter les tard-venus dans le concert de condamnations, dont les plus emblématiques sont les deux anciens Premiers Ministres Soumana SACKO et Cheick Modibo DIARRA.
Malgré ces dissonances, émises dès le départ, on aura fait le constat qu’aucun des ‘’opposants d’envergure’’, ou considérés comme tels, à savoir entre autres justement Soumaïla CISSE et Oumar MARIKO, n’ont à ce jour élevé la voix pour une condamnation clairement assumée. L’affirmation de principe qu’ils ‘’se démarquent clairement et nettement’’ ne vaut toujours pas condamnation. Un terrain sur lequel l’opinion les aura attendus. Visiblement en vain !
Au-delà donc du ridicule de la situation, le communiqué conjoint sonne comme une perte de repère de Soumaïla CISSE et ses amis. Le fait est que l’Opposition malienne, à travers ce communiqué, en rajoute plutôt à la confusion, car la troupe des militants qui se réduit comme peau de chagrin, peine à se retrouver dans une telle profusion d’incohérences.
PAR YAYA TRAORE