Découvrez l’œuvre « Homme oiseau » de l’artiste plasticien malien Ibrahim Ballo à l’institut français de Bamako
Meguetan Infos
« Homme oiseau » est une œuvre de l’artiste plasticien malien Ibrahim Ballo réalisée en 2020. Elle est exposée à l’institut français de Bamako dans le cadre de l‘exposition intitulée « origines ». Cette toile questionne, suscite des réflexions et renvoie notre imagination vers la proximité homme et animal.
L’œuvre est réalisée à partir de l’acrylique, du tissage et fils de coton. Elle a une dimension de 80 x 114 cm. Elle est riche en couleur. A première vue, le jaune frappe le regard et s’impose sur la toile. D’autres couleurs y figurent tels que le rouge, le bleu, le noir et un peu de blanc. Cette diversification des couleurs attire et maintient le visiteur. Ce dernier s’attardera à tout prix pour détecter le pourquoi de cet état de fait. De loin, il est aisé d’être séduit par les couleurs remarquables de ce tableau.
L’œuvre exposée a une forme rectangulaire divisée en deux parties. Elle est à l’image de la sirène « Mami wata » ou la femme poisson. Le tableau est un homme oiseau. A l’inverse de « Mami wata », c’est un homme de la ceinture aux pieds et pour le reste, un oiseau. Un discours assez fort se cache derrière l’œuvre. Pour le moins, elle nous renvoie à plusieurs idées qui vont dans l’ordre de la relation entre l’humain et l’animal. Perdu dans un espace, l’homme n’arrive pas à se départir de son côté animal.
La jonction Homme et animal est une technique que cet artiste utilise fréquemment. Partout où elle apparait, il y a une volonté chez ce créateur de faire régner une parfaite relation entre les deux espèces. Il va loin dans son intention de créer l’union en optant pour un croisement des deux, formant ainsi une seule et unique espèce qui nous pousse à la réflexion, car ne sachant comment l’appeler. Ne serait-il pas en train de nous montrer par là une certaine égalité ? Ou ne veut-il pas montrer aux humains que l’animal a une relation très étroite avec eux ?
L’un ou l’autre, cette œuvre crée deux options : l’une critique et l’autre associant l’homme à tous les symboles du vautour.
Si l’on s’attarde sur l’espèce animale, ce tableau réduit l’homme au même niveau qu’un animal dépourvu de raisonnement. Par conséquent, la raison de l’homme ne lui servirait à rien au vu de tous ses actes qu’il pose (guerre, méchanceté, haine, jalousie…).
L’oiseau est sous forme d’un vautour supportant son plumage avec son bec pointu vers l’horizon. Un geste montrant sa puissance, quand on sait la véritable force de cet oiseau connu comme un régénérateur des forces vitales, un magicien qui assure le cycle du renouveau. L’artiste transmet un discours fort et plein de non-dits si l’on se réfère aux réalités des dirigeants africains qui veulent s’éterniser au pouvoir, essayant de le maintenir de gré, même quand cela leur impose un sacrifice. Notre créature qui figure sur cette toile est assise sur une chaise en élévation qui symbolise la chaise royale. Une élévation marquée par la partie en jaune, plissée comme une natte avec des carreaux faits à base de fil de coton. Cette technique apparait dans toutes les toiles de l’artiste. Elle est une forme artistique qui témoigne de sa touche singulière dans la peinture. L’homme oiseau est assimilable à tous ceux-là qui ont été imposés et qui, aujourd’hui, torturent, traumatisent, martyrisent les populations et pillent leurs richesses. D’où le maintien de leur assise sur cette chaise royale pendant de longues années durant. Ils sont en perpétuelle transmutation et sont jugés répugnants comme cette créature mythique. Tout comme le vautour, ces hommes ne tuent pas avec leurs propres mains, ils laissent le soin à d’autres de le faire à leur place.
Cette œuvre est, en elle, dénonciatrice et lanceuse d’alerte à travers un discours qui fait un panorama sur les réalités du pouvoir tant convoité par l’homme. C’est une œuvre engagée qui, sans s’inscrire dans une dynamique de transmission d’une réalité choquante, tente de véhiculer des messages de façon modérée. Une œuvre qui dit plus qu’elle ne montre à première vue.
Zakariahou ALHOUSSEINI
Critique d’art
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