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Décès de Mah Kouyate N°2 : Le djaliya perd une vertueuse icône très engagée sur la voie tracée par les ancêtres

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Mah Kouyaté N°2 (Djéli Farima de son vrai nom) a tiré sa révérence le lundi 7 novembre 2022 à 46 ans (née un 1er janvier 1976 à Bamako) des suites de maladie. Ses obsèques ont eu lieu hier mardi (8 novembre 2022) en présence d’une immense foule de parents et de fans. La nouvelle de cette disparition, «brusque» pour de nombreux mélomanes, a semé l’émotion sur les réseaux sociaux où les témoignages se sont alors mis à pleuvoir. Durant sa brillante carrière, Konaté Mah Kouyaté a été une cantatrice/artiste exemplaire qui, malgré le succès de ses œuvres, a cultivé à souhait l’humilité, l’honneur, la dignité, la vertu… Avec sa disparition le djaliya perd une vertueuse icône qui a toujours été animée de la farouche volonté d’apporter sa note à la perpétuation des traditions griotiques mandingues.

Comme le regrette si bien Me Mamadou Ismaïla Konaté, «une superbe diva de la musique mandingue cesse désormais de donner de la voix ! Elle ne chantera plus l’amour, le pardon, les vertus de la sagesse et de l’amitié ! Elle ne parlera plus à ses djatiguiw, ne chantera plus leurs louanges» ! Le célèbre avocat et ancien ministre de la Justice rendait ainsi hommage à Mah Kouyaté N°2 décédée lundi dernier (7 novembre 2022) à 46 ans des suites de maladie.

Avec une trentaine d’œuvres (dont 11 albums) dans sa discographie de 1996 à son décès, chaque sortie d’album de Mah était un événement. Et ce sont des opus ou singles qui ont marqué leur temps avec un succès phénoménal. Icône du djaliya (ou djéliya), Mah naviguait merveilleusement entre la tradition (louanges de ses diatiguiw/nobles) et un style purement artistique avec des titres très engagés dénonçant les tares de notre société (méchanceté gratuite, égoïsme, hypocrisie, trahison…) ou célébrant les valeurs, les vertus… comme la fraternité, la solidarité, la bravoure, l’amour du prochain, la fidélité…

Digne héritière de Fanta Kamissoko (sa mère), Mariam Kouyaté (la mère de Madou Sidiki Diabaté), Siramory Diabaté, Nanteninblen Kamissoko, Manamba Kamissoko, Fanta Damba, Bako Dagnon, Tata Dramé…, elle est toujours restée à cheval sur les valeurs du métier et de la caste. Très humble, malgré cette superbe voix et cet immense talent, Mah n’a jamais cédé aux caprices du temps, au bling-bling et la rivalité stérile qui ont poussé de nombreuses jeunes griottes/artistes à renier les valeurs traditionnelles de leurs familles.

«Talentueuse, généreuse, humble et disponible, elle rejoint ces grandes voix de la musique mandingue, ses grandes sœurs et Mamans, Mah Damba, Nanteninfing Kamissoko, Bako Dagnon, Tata Bambo… Au-delà de tout et très loin des clashs et bisbilles des réseaux sociaux, Mah Kouyaté était une sacrée chanteuse détentrice de label historique musical manding», a reconnu Mory Touré, animateur culturel et critique. Autrement, elle a su maintenir le flambeau du djaliya au nom de sa génération et loin des tortueux sentiers de la déperdition, de la vulgarité…

La défunte fut également une mère dévouée (maman de 4 filles) et épouse dévouée dans le foyer. Ce qui ne surprend de la part de la Reine du «Madan Fôly». Et surtout pour qui sait qu’elle est la fille d’Alpha Kabiné Kouyaté et de Fanta Kamissoko qui lui ont donné la vie le 1er janvier 1976 à Bamako. Née dans une famille de griots, d’un père virtuose de la guitare et d’une maman à la voix sublime (des vedettes du genre Apollo qui ont sillonné tout le Mandé avec succès), Mah N°2 a très tôt baigné dans le folklore, dans l’art de la musique.

Frustrée par le manque de reconnaissance nationale à son immense contribution à la musique malienne, à son engagement pour la patrie

C’est lors du 10e anniversaire de l’ORTM que la talentueuse griotte/artiste est sortie de l’ombre avec le single «Mayéléma». Mais, Mah Kouyaté s’est réellement imposée dans le cœur des mélomanes maliens avec les deux volumes du «Sumu» (le premier en 2005 et le 2e en 2006). Deux œuvres qui sont restées pendant des années au sommet des hits sur la bande FM. En septembre dernier, elle avait fait sensation dans les bacs avec le premier volume de son «Best of» (Camara Production). Déjà, en 2017, ses fans et les mélomanes avaient eu droit à «Badenya» (Ben BD Production internationale) pour couronner les dix ans de succès d’une carrière très riche. On lui doit l’une des plus belles versions (interprétation) de la légendaire chanson «Mali Sadio». D’ailleurs qui mieux que Mah N°2 peut mieux célébrer l’amour avec cette sublime voix sans trop se livrer par pudeur et sans céder à l’obscénité provocatrice de celles qui se prennent aujourd’hui pour des divas ?

Selon des témoignages proches de la famille, Hadja Konaté Mah Kouyaté venait juste de mettre un terme à sa carrière musicale à travers un grand show animé le 15 juillet 2022 avec son aînée et homonyme, Mah Kouyaté N°1. N’empêche que ses millions de fans à travers le monde espéraient la voir revenir sur scène. Ils étaient loin de deviner que c’était un adieu de leur idole.

Malgré cette brillante carrière marquée par un engagement en faveur des causes nobles (éducation, émancipation féminine, paix et cohésion sociales…), Mah n’a jamais bénéficié de la reconnaissance nationale à travers une distinction qu’elle aurait amplement mérité. Elle s’en est allée avec cette frustration. Même si, pour elle, le plus important pour a toujours été d’apporter sa contribution au rayonnement culturel du pays en faisant plaisir à ses fans, en les sensibilisant et en les réconciliant avec les valeurs qui ont toujours fait la force de notre société.

Cantatrice talentueuse et exemplaire, avec «un timbre de voix unique» et connue pour sa parfaite maîtrise des tariks du mandé, Mah restera néanmoins une figure emblématique de la musique malienne voire mandingue, l’une des meilleures chanteuses de tous les temps. La digne héritière de Balla Fasséké Kouyaté a tiré sa révérence dans l’honneur et la dignité, sans crier garde ! Elle a vécu humble, elle s’en est allée dans la totale discrétion ! C’est aussi cela une grande dame !

«Saya bè délibè ban» (la mort met fin à toutes les relations) disait-elle dans «Soumba». Va en paix la sublime cantatrice, reine incontestée du Madan Fôly ! Miri mayin ! Mais tu seras immortelle dans nos pensées, dans nos cœurs ! Hadja Mah, que le Tout Puissant fasse du Djanatou Firdaws ta demeure éternelle ! Amen !

Moussa Bolly

Source: Le Matin

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