De spectre à épouvantail : Iyad Ag Ghaly, le survivant qui jette un trouble sur le processus de paix
Meguetan Infos
Celui que l’on pourrait surnommer de Ben Laden malien s’est avéré plus difficile à abattre. L’on aura rarement remarqué qu’un chef terroriste jouisse d’une telle aura auprès de sa communauté en plus de jouir de grandes capacités politiques. Au fil des ans, Iyad Ag Ghaly aura su s’adapter. Ni Serval, Barkhane, Takuba, et les FAMa n’ont pu le mettre hors d’état de nuire. Une survie qui interroge forcément, et qui devra guider les autorités maliennes sur la bonne approche à tenir afin d’obtenir une pacification prolongée du septentrion malien.
Il est le visage du « Jihad malien » depuis plus de deux décennies. Après qu’il eut été reconnu comme un bon vivant des années durant, Iyad, après sa « reconversion » intervenu à Bamako suite à la sensibilisation d’un Imam à Bamako, aurait très vite emprunté la pente glissante de l’extrémisme violent. La voie emprunte semble pour lui une voie de non-retour. Ce qu’il veut, c’est un Mali sous la coupe de la Charia, contrairement à nombres de ses cousins qui en appellent à la scission du pays.
2012 marqua un tournant. Après qu’il eut été chassé par les autorités saoudiennes alors qu’il était Consul du Mali à Djeddah, l’heure était venue pour lui de franchir le cap. Ansar Dine est né, avec lui, d’autres groupes terroristes foisonnent à l’image du MUJAO, les signataires par le sang, le front de la libération du Macina, entre autres. Toutefois, à la faveur du déclenchement de Serval, beaucoup pensèrent que, tôt ou tard, Iyad serait muselé. A défaut d’être neutralisé, il pouvait très bien être arrêté, comme ce fut le cas avec d’autres chefs terroristes, et remis aux autorités maliennes. Aujourd’hui encore, Iyad Ag Ghaly est bel et bien vivant, et semble narguer tous ceux qui n’avaient pas donné cher de sa peau.
Feu le président IBK avait manifesté son fort envie de voir Iyad enfin entre les mains de la Justice, tout en précisant qu’il se trouvait à l’extrême de la frontière algérienne et qu’il se baladait de part et d’autre de la ligne séparatrice. Et c’est là où l’on peut se poser pas mal de questions. L’impression est que tout n’a pas été fait pour neutraliser le numéro 1 du mouvement djihadiste malien. Il se pourrait même qu’une consigne ait été donnée afin de l’épargner. Et lorsque l’on voit la liste des chefs terroristes tués ou arrêtés, il y a matière à alimenter des suspicions. Notons tout simplement la neutralisation d’Abdel Malek Droukdal, de Mokhtar BelMokhtar, d’Oumar Ould Hamaha, d’Abou Zeid, de Yahya Abou El Hamane, la liste est longue.
Pour sa proximité consanguine avec des cadres de la rébellion touarègue, serait-il possible que l’Administration Hollande ait donné ordre d’avoir la gâchette difficile dès qu’Iyad se retrouverait dans le viseur ? Une question qui comporte une certaine logique lorsque l’on sait que Serval fit un pacte avec les rebelles à Kidal et dans d’autres localités du nord. Le contenu du pacte était que les combattants de la CMA fournissent expertise et renseignements en lien avec le terrain, et en échange, les militaires français empêchaient ne serait-ce que le rapprochement des FAMa de leur zone.
Quid d’Alger ? Le regard du grand voisin algérien envers le Mali ne serait pas que bienveillance. Selon toute vraisemblance, le sud algérien aurait servi de refuge à Iyad pendant de longues années. La démarche d’Alger semble toute simple. Tant que les rebelles maliens ne souillent par le sol algérien avec attentats et tueries, de retour, ces derniers ne seront point inquiéter. Il semblerait donc qu’Iyad aurait également bénéficié de la négligence algérienne.
Jusqu’à quand alors peut perdurer cette immunité qui colle à la peau d’Iyad ? D’autant plus que, deux semaines auparavant, ce dernier est apparu tel un véritable notable, lors d’une réunion avec des membres de la communauté. L’objectif recherché serait de fédérer les forces face au Groupe État Islamique au Sahara. Mais d’autres hypothèses peuvent être dégagées notamment un meilleur positionnement dans la possible caducité de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation.
Quelques jours plus tard, les groupes composant la CMA déclarent leur fusion en une seule et même entité. Faut-il y voir un signe que désormais Iyad soit partie prenante du processus de paix en coulisses ? Ou cela augure d’une ré articulation des forces en vue d’un affrontement militaire avec les autorités de Transition ? L’avenir nous édifiera.
Ahmed M. Thiam
L’Alternance