COP26: une société civile remontée met la pression sur les ultimes négociations
Meguetan Infos
La COP26 de Glasgow devait s’achever officiellement ce vendredi 12 novembre, mais elle se poursuit finalement une partie du week-end pour parvenir à un document de compromis. De leur côté, les représentants officiels de la société civile ont dressé leur propre bilan, et eux n’ont pas fait de concessions.
Dans la salle plénière, la sentence tombe : cette 26e conférence des Parties est au bord de l’échec, aux yeux de la Coalition COP26. Même si le mot ne figure pas aussi clairement dans sa décision commune, alors que le document final des négociations est attendu pour ce week-end, c’est le ton qui ressortait dans cette Conférence des peuples ce vendredi. À la tribune se sont succédé les délégués d’ONG représentant les neuf acteurs de la société civile reconnus officiellement par la Convention-Cadre onusienne à côté des États-Parties : la jeunesse, les scientifiques, les communautés autochtones, les femmes…
La #COP26 entame (officiellement) sa dernière journée. Matinée occupée par une « plénière populaire » puis une nouvelle manifestation de la société civile qui maintient la pression alors que le défaitisme était ambiant dans les couloirs du SEC de Glasgow… pic.twitter.com/u8GZKVulkJ
— Géraud BosmanDelzons (@Geraud_BD) November 12, 2021
« Nous, représentants de la société civile, exprimons aujourd’hui notre profonde frustration (…) Les gouvernements successifs n’ont pas cessé d’échouer à parvenir à des résultats significatifs pour maintenir la température à 1,5°C de réchauffement. L’engagement de la neutralité carbone sans véritable plan pour atteindre le « vrai zéro » n’est que du greenwashing. C’est un écran de fumée pour continuer à polluer et à continuer de creuser les tombes des prochaines générations en toute impunité », a reproché d’un air grave Mary Church, co-présidente de la Conférence des peuples et chargée de campagne pour l’Écosse à l’ONG les Amis de la Terre.
Plusieurs intervenants ont également désapprouvé que les avertissements des récentes études scientifiques, à commencer par le 6e rapport du Giec, ne soient pas davantage suivis d’effets. « Le temps des mots non suivis d’action est révolu, affirme la déclaration finale. Nous n’avons plus le luxe d’attendre tranquillement que les gouvernements et les intérêts privés détruisent notre futur. Les prévisions scientifiques sont extrêmement graves. Ce n’est pas exagéré d’affirmer que le futur proche de l’humanité dépend de l’issue de ces négociations. »
Boris Johnson presse pour un financement
La justice climatique aura été le véritable fil directeur des revendications de la Coalition COP26 durant ces douze jours. Elle ne devrait pas être rendue au terme de cette COP, craignent les militants et responsables d’ONG. « Ceux qui sont les moins responsables » de la crise climatique « sont ceux qui sont les plus touchés : les femmes, les Noirs, les Indigènes, les personnes de couleurs, les paysans… », a poursuivi Mary Church. Et la déclaration de citer les responsables : les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon, la Norvège et l’Union européenne « portent la plus grande responsabilité des émissions et se sont enrichis grâce à des siècles de colonisation et l’exploitation des États du Sud. »
Au-delà des différents accords pour atténuer le réchauffement, c’est la capacité des pays développés à mettre la main à la poche pour aider les plus pauvres à s’adapter au dérèglement climatique qui déterminera une grande partie de la valeur de la COP26. Boris Johnson le sait bien et, en fin de journée, le Premier ministre britannique pressait les États à « mettre l’argent sur la table pour aider les pays en développement à faire les changements nécessaires. C’est ce qui doit se passer dans les heures qui viennent », a intimé l’hôte en chef de la COP26, après douze jours de sommet.
Les négociations se poursuivent au moins jusqu’à samedi, et la Conférence des peuples réitère ses demandes parmi lesquelles : le règlement de la dette climatique, plus de financement pour l’adaptation, la mise en œuvre du réseau de Santiago dès la prochaine COP pour évaluer les dégâts dans les pays pauvres, des réductions équitables des gaz à effets de serre, l’abandon de la fausse solution de la neutralité carbone qui compense les émissions au lieu de les réduire ou encore l’éviction des COP des « grands pollueurs » de la table des COP, l’industrie fossile en particulier, dont la BBC a révélé qu’elle avait la plus large délégation de cette COP avec 503 personnes accréditées.
« Les gens sont fatigués d’attendre que leur gouvernement accorde la priorité à leur peuple et à leur planète plutôt que des profits sur le dos de tant de vies, conclut la déclaration de la Conférence. Nous sommes à bout de temps et de patience. »
« Un théâtre »
L’assemblée plénière a ensuite levé la séance pour rejoindre à l’extérieur du Scottish Event Campus un rassemblement coorganisé par Fridays for Future Ecosse et Extinction Rebellion.
« Que voulez vous? » « la justice climatique ! »
« Que voulez vous? » « la justice climatique ! »
La justice climatique, clairement le mot d’ordre de cette COP26 citoyenne #climatejustice pic.twitter.com/xwmtv0n3DX
— Géraud BosmanDelzons (@Geraud_BD) November 12, 2021
Une longue ligne rouge les relie les uns aux autres. « C’est celle franchie par la COP26 qui symbolise les lignes franchies par la 26e Conférence climat de l’ONU qui n’a pas réussi à accoucher des résultats urgents et nécessaires escomptés », a expliqué la Coalition COP26.
Parmi les manifestants, il y a Déborah, venue d’Arundel, dans le sud de l’Angleterre. Elle et son amie tiennent une banderole.
Déborah est vegan. « Les gens ne réalisent pas à quel point l’industrie animale agricole est dépendante des énergies fossiles. Ils ne réalisent pas le pourcentage d’émissions de gaz à effets de serre qui proviennent de l’élevage qui sont de l’ordre de 13% du total des émissions directes et jusqu’à 40% indirectement », s’attriste-t-elle.
Avant de d’ajouter un deuxième point : la « profonde cruauté » infligée « par les institutions multilatérales et les cadres de négociations comme les COP parce qu’elles excluent presque tout le monde, y compris les animaux ». Elle conclut qu’« un plan B pour le système alimentaire aiderait grandement à la transition écologique ». Cette « COP est un théâtre, un jeu », conclut-elle.
RFI