La période de cette coupure intempestive du courant a créé des habitudes étranges chez les Maliens. Des habitudes qui se justifient par un seul objectif : se maintenir dans le confort de l’électricité.
Dans cette même chronique, nous avons évoqué certaines nouvelles habitudes suscitées par le délestage, dont le ‘’Bili Kan Dali’’ (dormir sur la toiture), pour la chronique d’aujourd’hui nous avons décidé de faire un clin d’œil à ces bosseurs qui ne quittent plus la fraicheur de la climatisation et la lumière des ampoules des lieux de travail, notamment de leurs bureaux. Rester planté au bureau comme un poireau, telle est la nouvelle technique de certains bureaucrates pour fuir le délestage à la maison et profiter au maximum la grâce de la présence du courant dans les services.
De tout le temps, l’absentéisme dans les services administratifs et sanitaires a été décrié sous nos cieux. Un phénomène malheureux (le délestage) vient curieusement de mettre fin à ce mal. Ceux qui ont déjà fait un tour dans certains services publics au-delà des heures de travail peuvent témoigner de cette nouvelle ambiance, où les parking-auto restent bondés de véhicules, les bureaux hermétiquement fermés ne laissent échapper aucune fraicheur des climatiseurs, à l’intérieur les agents demeurent de marbre. Leur quiétude n’est perturbée que par l’appel de la prière de crépuscule du muezzin. Quant aux subalternes, ils restent eux aussi buller dans leur coin en prennant d’assaut les ports des prises électriques des bureaux pour recharger à bloc soit leur téléphone, leur power-bank ou leur torche. Les férus des séries télévisées, visionnent tous les feuilletons Novelas avant de regagner le domicile conjugal. La raison est simple : à la maison le courant est une denrée rare. Et les fortes pluies qui s’abattent actuellement sur la ville ont rendu les panneaux solaires inutiles. Ce faisant, les travailleurs trouvent leur salut dans le courant produit au lieu de travail. Sachant cela, les différents chefs de services et responsables des bureaux ne se font plus prier pour injecter tous les fonds sociaux dans le carburant et l’entretien du groupe électrogène, qui passe la journée à vrombir comme un bœuf à l’abattoir.
Paradoxalement, ceux qui traînent aux bureaux jusqu’à des heures avancées sont généralement ceux qui arrivent tôt au travail le lendemain. Avec tout cela, ils sont ceux qui laissent amonceler les dossiers à traiter sur leur bureau. Ils n’ont qu’un seul slogan au bout des lèvres : « avec la coupure de courant on n’arrive plus à dormir dans notre quartier ». Il ne reste plus à l’administration que de doter chaque travailleur d’un groupe électrogène. Même après cela, certains trouveront à redire.
Fiat lux et facta est lux : « Que la lumière soit, et la lumière fut ». Tchiao !
Moustapha Diawara
Le Sursaut