Pour justifier cette absence, ses avocats ont dénoncé jeudi un « procès politique » devant une « juridiction d’exception ».
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1983, Thomas Sankara a été tué le 15 octobre 1987 avec douze de ses compagnons par un commando lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou. Il avait 37 ans.
Quatorze des principaux accusés seront jugés, dont Blaise Compaoré, 70 ans, qui vit en exil en Côte d’Ivoire où il a obtenu la nationalité ivoirienne, et le général Gilbert Diendéré, 61 ans, un des principaux chefs de l’armée lors du putsch de 1987.
Devenu ensuite chef d’état-major particulier du président Compaoré, le général Diendéré purge déjà au Burkina une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015.
Tous deux sont accusés de « complicité d’assassinats », « recel de cadavres » et « d’attentat à la sûreté de l’Etat ».
Bras droit de Sankara, Blaise Compaoré a toujours nié avoir commandité l’assassinat de son frère d’armes et ami intime, bien que le putsch de 1987 l’ait porté au pouvoir.
Des soldats de l’ancienne garde présidentielle de Compaoré, notamment l’ancien adjudant-chef Hyacinthe Kafando, accusé d’avoir été le chef du commando et actuellement en fuite, figurent également parmi les prévenus.
La mort de Thomas Sankara, leader révolutionnaire qui voulait « décoloniser les mentalités » et bouleverser l’ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de M. Compaoré.
L’affaire a été relancée en 2015 par le régime de transition démocratique et un mandat d’arrêt émis contre M. Compaoré par la justice burkinabè en mars 2016.
Lors d’un voyage à Ouagadougou en novembre 2017, le président français Emmanuel Macron avait salué la mémoire de Thomas Sankara et annoncé la levée du secret-défense sur des documents relatifs à son assassinat.
– « Fin de tous les mensonges » –
« On pourra dire, enfin, le procès va consacrer la fin de tous les mensonges, on aura une forme de vérité. Sauf que le procès ne pourra pas nous restituer notre rêve, le rêve du Burkinabè », a déclaré dans un entretien télévisé Halouna Traoré, ancien compagnon de Sankara et unique rescapé du coup d’Etat de 1987. Selon lui ce sera « à nous de savoir tirer les leçons, les enseignements de ce procès ».
Il a affirmé que le « procès nous amène à nous regarder dans le miroir, à voir le tort qu’on s’est fait nous-mêmes avec la complicité de l’extérieur, parce que le côté matériel du coup d’Etat s’est passé au Burkina, mais les commanditaires sont de l’extérieur ».
Pour le Comité international mémorial Thomas Sankara (CIMTS), ce procès est « une victoire » qui montre que « le Burkina Faso, patrie des hommes intègres, est un Etat de droit dans lequel l’impunité n’est pas une valeur de référence ».
« C’est un privilège de pouvoir assister à l’aboutissement de cette longue attente », s’est réjoui le colonel Pierre Ouédraogo, président du CIMTS, qui commémore les 34 ans de l’assassinat du jeune dirigeant sous le thème « octobre, mois de la justice et d’hommage pour Thomas Sankara et ses compagnons ».
« C’est un espoir de justice », estime pour sa part Jean Hubert Bazië, ancien directeur de cabinet au ministère de la Justice sous la révolution sankariste, expliquant que des enfants de victimes « qui avaient 3 mois au moment de l’assassinat de leur père ont grandi dans l’espoir de voir ce procès aboutir ».
« C’est une occasion d’accéder à la vérité, de se comprendre et de connaître les acteurs de la révolution tels qu’ils sont et non tels qu’ils prétendaient être », a-t-il ajouté.
Pour Prosper Simporé, militant pro-Sankara, qui reste une figure populaire et enblématique dans son pays et en Afrique, le procès « permettra enfin à la famille Sankara et aux autres de faire leur deuil ».
Selon le CIMTS, « sauf contrainte de dernière minute » , la veuve de Thomas Sankara, Mariam, qui vit depuis 1990 à Montpellier dans le sud de la France, devrait assister à l’ouverture du procès.
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