Le procureur de la Haute Cour de justice vient d’annoncer que le procès des membres du gouvernement soupçonnés d’avoir joué un rôle dans la répression de l’insurrection de 2014 allait pouvoir s’ouvrir. Et l’ancien président pourrait de nouveau être sommé de répondre aux questions des juges.
Si la récente attribution du portefeuille de la Défense au président du Faso est « une erreur tactique », selon l’analyste burkinabè Luc Damiba, le cumul de ces deux fonctions peut carrément s’avérer une mauvaise idée. Les 34 membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré pourraient en effet bientôt comparaître devant la Haute Cour de justice. Et l’ancien président cumulait, au moment des faits, la magistrature suprême et le maroquin de la Défense, comme c’est parfois le cas dans des pays africains à la contestation galopante.
À balles réelles
En 2014, Compaoré tentait de modifier la Constitution pour que celle-ci lui permette de continuer à briguer la magistrature suprême malgré 27 années déjà passées au pouvoir. Après sa chute, le 31 octobre, c’est la Haute Cour de justice qui fut saisie pour poursuivre les membres de l’équipe du Premier ministre d’alors pour leur implication présumée dans la répression de l’insurrection.
Luc-Adolphe Tiao avait notamment signé une réquisition spéciale qui « aurait fourni aux forces de défense et de sécurité les instruments et moyens qui leur auraient permis de tirer à balles réelles sur des manifestants ». En ce mois d’octobre 2014, 24 personnes seront tuées et 625 blessées, selon une enquête officielle de la transition.
Composée de députés et de magistrats de grade exceptionnel, la Haute Cour de justice est la juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Après quatre années de suspension pour des raisons de procédure, son procureur vient d’annoncer que le dossier était prêt et qu’il n’attendait plus que l’Assemblée nationale pour fixer la date d’ouverture du procès.
Blaise Compaoré se serait bien passé de cette perspective judiciaire, d’autant que le procureur militaire du Burkina Faso a annoncé, le 17 août dernier, que le procès public de l’assassinat de Thomas Sankara allait débuter le 11 octobre, soit quatre jours avant le 34e anniversaire de la mort de l’ancien président et de ses douze compagnons. L’exilé d’Eburnie y est accusé d’« attentat à la sûreté de l’État », de « complicité d’assassinats » et de « complicité de recel de cadavres ».
Tentatives de négociations
Alors que l’actuel ministre burkinabè de la Réconciliation nationale – l’ex-chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré – échafaude un forum pour tenter de réconcilier les Hommes intègres, ces procédures judiciaires ne seront-elles que des formalités pour ensuite pouvoir amnistier les acteurs de l’histoire récente du Faso ? Conscient que le régime actuel est largement constitué d’anciens collaborateurs du président déchu, le Réseau international justice pour Sankara dénonce déjà les « tentatives des autorités burkinabè de négocier son retour avec Blaise Compaoré ».
Que pense le successeur de Sankara d’un processus « vérité-justice-réconciliation » clivant ? Peu loquace lorsqu’il était au pouvoir, l’exilé est tout bonnement muet depuis qu’il en a été chassé. Et il est peu probable que le régime ivoirien décide un jour de l’extrader.
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