Les délits de faciès et de compétences seront-ils toujours sanctionnés dans la haute fonction publique malienne en dépit de la volonté de rupture affichée par les plus hautes autorités ? Le départ de Boubacar Ben Bouillé Haïdara à la tête de la Direction nationale du trésir et de la comptabilité publique, est un cas d’école sinon de conscience qui nous interpelle.
Mais pourquoi diable l’Etat se sépare souvent sans états d’âme de ses cadres les plus dévoués et les plus compétents ? Question somme toute banale pour celui qui sait que la puissance publique peut s’avérer par moments une machine à broyer sans distinguo. En effet, sous les vocables “nécessités de service” ou “continuité de l’Etat”, les tenants du pouvoir ont toujours carte blanche pour procéder à des changements même les plus incongrus. Cependant, le cas de Boubacar Ben Bouillé Haïdara, directeur national du Trésor et de la comptabilité publique (DNTCP), brusquement relevé de ses fonctions par le conseil des ministres du vendredi 6 octobre 2023, qui intrigue au plus haut point, continue d’alimenter la chronique bamakoise et se trouve au centre des discussions dans des salons feutrés.
Comment un homme qui s’est battu corps et âme pour alimenter les caisses publiques en cette période de disette, de rareté des ressources et de gel de la coopération bilatérale avec la plupart des partenaires occidentaux, peut se retrouver du jour au lendemain sur le carreau ?
Le Premier ministre, chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga n’avait-il pas tressé naguère des lauriers à Boubacar Ben Bouillé Haïdara pour sa contribution efficace à la gouvernance des finances publiques ? Tout le peuple malien peut en tout cas témoigner de l’éloge du chef de l’administration publique fait aux directeurs généraux des services de l’assiette (impôts, douanes, domaines et Trésor public) qui ont mouillé le maillot pour le pays alors que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) tablaient sur l’effondrement économique du Mali à travers leurs sanctions injustifiées et inhumaines.
Dans un précédent article, nous notions que malgré les pièges tendus par la communauté internationale, l’économie malienne est restée solide en 2022 avec une évolution favorable des principaux indicateurs économiques et financiers. “Lors du lancement du calendrier d’émission de titres publics pour l’année 2023, le jeudi 23 février 2023 à Bamako, le ministre de l’Economie et des Finances, Alousséni Sanou, a lui-même révélé devant le directeur national de la Bcéao pour le Mali, le directeur adjoint d’Umoa-Titres, chargé de l’intérim ainsi des directeurs généraux des banques, des sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) et des compagnies d’assurances qu’en 2022, le Trésor a mobilisé sur le marché financier régional près de 786 milliards F CFA nécessaires à la couverture des besoins de trésorerie et au financement des investissements structurants indispensables à la croissance et au développement économiques du Mali”.
Un bilan élogieux
“Ce n’est pas tout : en février 2023, le Mali levait plus de 1000 milliards de F CFA sur le marché au titre de l’Uémoa, preuve que la signature du Mali bénéficie de la confiance des partenaires et investisseurs. En effet, le montant total des titres à émettre pour l’année 2023 s’élève à 1409 milliards de F CFA. Pour en revenir à l’année 2022, le Trésor public a encaissé, au titre de la mobilisation des recettes internes, plus de 1766 milliards de F CFA permettant à l’Etat de rester debout et de faire face à ses engagements de tous ordres”. Cet argent a été mobilisé par les services de l’assiette à savoir la direction générale des impôts (DGI), la direction générale des douanes (DGD) et la direction nationale des domaines (DND) sous l’impulsion de la direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique (DNTPC).
Durant les 27 mois que Boubacar Ben Bouillé Haïdara a passés à la tête de la DNTCP, les fonctionnaires et les retraités n’ont pas connu de fin de mois vierge. Les Forces armées et de sécurité ont été équipées avec l’argent public. Les grèves syndicales ont connu un coup d’arrêt avec la satisfaction des doléances ; tous les moyens (financiers) possibles ont été déployés pour rendre la crise supportable pour les populations.
Notons que lors de la crise de 2012, l’intéressé avait déjà permis à la Transition de Dioncounda Traoré de mener sa mission à bon port en tant que DNTCP. D’où son maintien à son poste par le président IBK pour accompagner les nouvelles autorités jusqu’au coup de force perpétré par le ministre Mamadou Igor Diarra en 2015. Une certitude : Ben Bouillé reste ce valeureux serviteur de l’Etat disponible et engagé à honorer la mission qu’on lui confie. Hélas aujourd’hui, en attendant des lendemains meilleurs, un cadre chevronné ronge ses freins à la maison.
El hadj A. B. HAIDARA
Aujourd’hui-Mali