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Barkhane : “Ce serait aujourd’hui une erreur grave de partir”, selon Jean-Marie Bockel

L’ancien secrétaire d’Etat à la Défense et sénateur (UDI) Jean-Marie Bockel était à Bamako la semaine dernière où il a rencontré le président de transition, Bah N’Daw. Celui qui a perdu un fils, pilote d’hélicoptère, au Mali en 2019, estime qu’il est trop tôt pour que l’armée française quitte la bande sahélo-saharienne.

 

Avec le recul, diriez-vous qu’il fallait intervenir au Mali en 2013 ?

Il y a des opérations dans l’histoire qui peuvent être meurtrières et non justifiées. Cet engagement au Mali a un sens. S’il n’y avait pas eu Serval puis Barkhane il y a huit ans, où en serait aujourd’hui cette partie de l’Afrique ? Il y a fort à parier qu’un califat djihadiste se serait installé assez vite au Mali et qu’ensuite, comme un jeu de dominos, les pays voisins auraient été happés ou tout du moins fragilisés voire déstabilisés. Il faut de temps à autre voir le verre à moitié plein !

Faut-il cependant mettre fin à l’opération Barkhane ?

J’ai pu entendre dans le débat public que Barkhane, c’était 50 morts de trop. Certes, mais il ne faut surtout pas que ce soit 50 morts pour rien. Personne ne pense que le Mali résisterait à un départ trop rapide, en quelques mois, des troupes françaises. Et certains voisins, le Burkina-Faso notamment, ne tiendraient pas longtemps. Ce serait une erreur grave de partir. Néanmoins, il faut désormais se poser la question de savoir comment amener la présence française à un niveau plus acceptable, passer par étapes en quelques années de 5100 soldats à quelque 2000. C’est cela qu’il faut viser.

En accélérant le passage de relais avec les forces armées locales ?

La réalité d’aujourd’hui n’est pas celle du sommet de Pau [janvier 2020]. Depuis un an, il faut souligner l’engagement des armées du G5 Sahel et leur montée en puissance. Les derniers combats ont été menés par les Français en collaboration avec les alliés maliens. Cette armée, bien commandée, bien entraînée, soldée, se reconstruit. On y sent de l’émulation, de l’espérance et de la fierté. Rien n’est acquis et il faut accélérer. Le sommet de N’Djamena doit montrer qu’il faut poursuivre dans cette direction.

Qu’attendez-vous de ce G5 Sahel ?

A côté du volet sécuritaire, il faut renforcer la gouvernance, installer un État là où il n’y en a plus. Je pense au centre Mali. Rétablir la sécurité n’est qu’un préalable. Il faut relancer l’économie. Le Mali, il y a encore 15 ans, était cité en modèle. Cette partie de l’Afrique a connu des époques de développement harmonieux. Il faut que les jeunes aient d’autres perspectives que de rejoindre la chimère djihadiste ou le rêve de l’émigration vers l’Europe. On peut bâtir sa vie chez soi, pour l’avenir de son pays. L’UE met des moyens colossaux. L’Agence française du développement est sur le terrain. Voici les enjeux de N’Djamena et aucun n’est hors de portée.

L’opinion française semble ne plus soutenir cette opération Barkhane…

Dès qu’une présence dure, le sentiment du début, celle de la réussite d’une guerre-éclair pour régler un problème, s’estompe. La propagande ennemie évoquant un soi-disant enlisement, communiquant sur les pertes militaires, le coût pour la Nation française, accentue ce phénomène et a pu contribuer à un retournement de l’opinion. Cette lente dégradation n’a rien de surprenant. Mais le rôle des responsables politiques et militaires, c’est aussi d’expliquer cette opération.

Faut-il discuter avec les groupes terroristes ?

C’est aux Maliens de savoir avec qui il faut négocier. Mais il est bien de rappeler que certains groupes bien identifiés [L’Etat islamique au Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans] sont nos ennemis et ceux du Mali. Toute discussion avec eux serait peine perdue. Ce serait d’ailleurs un très mauvais signal et montrerait que nous cédons à une surenchère de ceux qui resteront des ennemis.

Source: ledauphine

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