Avant-projet de constitution du Mali : Les remarques de l’écrivain Drissa Doumbia
Meguetan Infos
J’ai parcouru l’avant-projet de constitution. Un sérieux travail de fond a été fait. Les organes ont été bien décrits avec leur fonctionnement.
Ma première remarque porte sur le parlement à deux chambres.
Certes, les juristes ont l’imagination fertile. Mais il reste à savoir si la théorie énoncée sur le fonctionnement des deux chambres du parlement aura toute sa simplicité et sa rigueur dans la pratique.
Même dans les démocraties avancées comme celle des Etats Unis d’Amérique, les histoires de chambres provoquent fréquemment des blocages pour la prise de certaines décisions utiles et nécessaires pour le pays.
Au Mali ici, nous sommes habitués à voir des institutions budgétivores pour rien. Je pense qu’à la lumière de la refondation, L’assemblée Nationale (émanation du peuple) bien élue avec des députés intègres et compétents, représentatifs de leurs circonscriptions, Peut faire le job.
On parle des légitimités traditionnelles pour l’élection des membres du haut conseil de la nation. Mais ces légitimités traditionnelles peuvent user de leur influence pour que soient élus dans leurs circonscriptions des députés intègres et compétents, pleinement représentatifs de leurs électeurs. Si l’Assemblée Nationale est composée comme ça, de députés bien élus quel besoin aura-t-on d’un haut conseil de la nation pour garantir le peuple ?
Ma deuxième remarque concerne les langues, je pense que la commission a manqué de courage pour dire que le bambara est la langue officielle du Mali et le français sa langue de travail.
Cela ne veut pas dire que l’ethnie Bambara est supérieure aux autres. Aucun Malien réfléchi ne se fera ce genre d’idée. Le constat que la langue Bambara est la plus parlée au Mali et même dans notre sous-région, est réel et indiscutable.
Très nombreux d’ailleurs sont les ressortissants d’autres ethnies du Mali qui maitrisent le bambara autant que les bambaras.
Dire que le bambara est la langue officielle (déjà dans les faits) n’empêche pas la prise en compte des langues des autres ethnies.
L’abandon brusque et brutal du français clamé ardemment par certains n’est pas réaliste. Nous aurons encore pendant longtemps besoin du français comme langue de travail et de communication internationale.
La refondation a le devoir de reconnaitre que le Bambara est la langue officielle du Mali, que le français est sa langue de travail et que les langues de toutes les ethnies du Mali seront valorisées graduellement.
Ma troisième remarque est relative à la ratification des traités et accords internationaux. Quand je vois toute la propagande orchestrée autour du « genre », du « droit de la femme et des enfants », par des pays qui ont fini de détruire l’équilibre de leurs sociétés, je m’inquiète.
L’on sait que ces propagandes sont compilées dans les conventions qu’on nous impose en mettant l’argent en avant. S’il arrive qu’une génération de Maliens grandis et formés dans l’ignorance de nos valeurs culturelles et sociétales soit aux affaires, nous serons inexorablement emballés par ces conventions. Une loi nous contraindra un jour à applaudir les femmes boxeuses et toutes les autres, à voir malgré nous, d’un bon œil, la banalisation du corps de la femme, l’exhibition de sa nudité à tout vent. Comme je l’ai dit dans un précédent article, la femme en tant que laboratoire de la procréation, à quelque chose de sublime et de sacrée. Elle mérite du respect. Je voudrais que tous ceux qui auront en charge la signature des conventions qui engagent notre pays, tiennent compte de cette réserve « à condition qu’elles soient conformes à nos valeurs culturelles et sociétales ».
Ma quatrième remarque se focalise sur la laïcité. Je ne suis pas contre la laïcité, mais je souhaite qu’elle soit assouplie et adaptée aux réalités de notre pays. L’exemple que je vais donner ici, les faits se sont passés lors de la révision constitutionnelle de 1992. Au moment d’une heure de prière musulmane il avait été demandé de suspendre la séance, le temps de la prière. La réponse du président ATT (paix à son âme) a été en substance la suivante « ceux qui veulent aller prier peuvent le faire mais la séance continue quand même ». La question fondamentale que je pose ici est la suivante : faut-il pénaliser plus de 95 % de Maliens au nom de la laïcité ?
Il faut prévenir les remous du genre de ce qu’a suscité un projet de code de la famille, faisant reculer le président ATT. Oui pour la laïcité comme tolérance de l’autre, comme acceptation des minorités. Mais non à la laïcité qui fait fi de l’immense majorité des Maliens. Je souhaite que de très nombreux citoyens s’expriment afin que ce projet de constitution soit le plus inclusif possible. En marge du texte de l’avant-projet de la constitution, je fais deux petites suggestions.
1°) Dans le Mali refondé, un magistrat ne doit plus jouir du droit d’enfermer quelqu’un pendant des heures sans avoir de compte à rendre.
2°) Pour le bonheur des populations, il faut mettre de l’ordre dans l’exercice privé des professions spécialisées. Je donne ici deux exemples parmi tant d’autres : l’ouverture d’une pharmacie doit être strictement réservée aux pharmaciens et celle d’une école aux enseignants.
Les Maliens doivent exprimer toutes leurs préoccupations, afin qu’après cette refondation de notre pays, tout indique le renouveau.
El hadj Drissa Doumbia
Ecrivain domicilié à Yirimadio Bamako
Le Républicain