Augmentation du prix du ciment : CONSÉQUENCE DE NOTRE DÉPENDANCE DU SÉNÉGAL
Le pays de la Teranga, qui fournit 90% des importations du Mali, a vu ses besoins intérieurs explosés avec de gigantesques chantiers de construction. Du coup, peu de ciment sénégalais prend le chemin de notre pays
Depuis un certain temps, le prix du ciment ne cesse d’augmenter sur le marché malien. De sources concordantes, cette situation serait liée à la diminution de l’offre du produit. Ainsi, si la tonne de ciment coûtait 90.000 Fcfa il y a un mois, aujourd’hui, à Bamako, elle est cédée entre 105.000 et 115.000 Fcfa. Au détail, le sac se vend à 5250 Fcfa.
Pourtant, au niveau des unités locales de production, le prix de 87.500 Fcfa la tonne du ciment n’a pas varié. Le directeur commercial et marketing de CIMAF-Mali, Moussa Diakon, est formel: le prix d’acquisition à l’usine est de 87.500 Fcfa la tonne. Ce tarif est en vigueur depuis le démarrage de l’usine le 15 décembre 2016. Il reconnaît qu’en 2017, il y a eu une augmentation du prix sur une période d’un mois et demi, eu égard à certains problèmes qui ont été résolus. «La société CIMAF-Mali n’exporte pas sa production qui est entièrement vendue au Mali. La tonne à l’usine est cédée à tous les revendeurs au même prix. Par ailleurs, un revendeur dépense, en moyenne, 3.500 Fcfa pour le transport d’une tonne », détaille t-il . Le revendeur Mamoutou Coulibaly confirme: « Au niveau des deux unités locales de production, le prix n’a pas changé ».
Au Sénégal également où les importateurs maliens s’approvisionnent, la tonne est toujours cédée à 39.000 Fcfa. Au niveau du cordon douanier également, pas d’augmentation. Alors pourquoi cette augmentation du prix du ciment ?
L’augmentation du prix du ciment est due au fait que la demande est nettement inférieure à l’offre. C’est donc la rareté du produit qui est à la base du renchérissement du prix. Ce phénomène est bien connu dans les milieux commerciaux. Aussi, des commerçants attendent toujours le moment où le produit est le plus demandé pour monter les enchères, relève Moussa Diakon. Pour éviter de telles situations, la meilleure solution, selon lui, il consiste à attirer beaucoup d’investisseurs dans ce secteur afin d’augmenter l’offre de ciment qui dépend aujourd’hui, en grande partie, de l’importation.
Pour d’autres acteurs du secteur, la diminution du volume des importations est à l’origine du faible niveau de l’offre. Certains expliquent que le Sénégal, principal pays fournisseur du Mali en ciment, voit le gros de sa production absorbée par les gigantesques chantiers de construction de Diamniadio. Par conséquent, peu de ciment sénégalais prend le chemin du Mali.
TROIS MILLIONS DE TONNES – Si l’impact de l’offre sénégalaise est si important sur le marché du ciment au Mali, cela doit inciter notre pays à augmenter ses capacités de production. C’est l’avis du président du Conseil malien des chargeurs, Babalaye Daou qui rappelle que les capacités de nos cimenteries ne permettent pas de couvrir l’ensemble des besoins de notre marché. Le Mali continue d’importer de grosses quantités de ciment. « Maintenant, avec la situation qui prévaut aujourd’hui au Sénégal, notamment en ce qui concerne le projet de la cité de Diamniadio et autres, les besoins ont explosé. D’où l’augmentation de la demande intérieure sénégalaise», souligne-t-il, estimant que le Sénégal a raison de privilégier la consommation locale au détriment de l’exportation. « Nous savons aussi que dans la sous-région, un gros investisseur nigérian envisage d’investir près de 100 millions d’euros dans la cimenterie. Cela fait que tout le monde s’arrête un peu et personne n’investit », révèle notre interlocuteur.
La faiblesse de l’offre de ciment est telle que si certains opérateurs vendaient 40 tonnes par jour, aujourd’hui, ils arrivent à peine à vendre 10 tonnes. Donc pour toujours maximaliser leurs marges, ils sont tentés de vendre à des prix exorbitants.
La situation ne semble pas déplaire aux importateurs et aux revendeurs. Tous se frottent les mains car c’est la période des bonnes affaires. Pour le revendeur Mamoutou Coulibaly, l’augmentation du prix du ciment est due au fait que nous sommes trop dépendants du Sénégal. Lorsque la quantité de ciment en provenance du Sénégal a diminué, les revendeurs ont augmenté le prix pour optimiser leurs marges. «Le ciment est vendu au Sénégal à 39.000 Fcfa la tonne. A Bamako, nous prenons avec les importateurs à 100.000 Fcfa la tonne et revendons à 105.000 Fcfa et souvent même plus », explique Mamoutou Coulibaly, qui rappelle que le Mali est l’un des plus grands importateurs de ciment d’Afrique. « En moyenne, 80 à 100 canions maliens quittent Dakar chaque semaine pour le Mali », précise-t-il.
Le directeur général adjoint du commerce et de la concurrence, Monzon Koné, lui aussi fait le constat que la demande est supérieure actuellement à l’offre sur le marché. « C’est l’insuffisance de l’offre sur le marché qui est à l’origine de la hausse des prix », confirme-t-il. Pour résoudre le problème, ajoute-t-il, une réunion regroupera le ministère du Développement industriel et de la Promotion des investissements, le département en charge du Commerce et de la Concurrence, les importateurs et les revendeurs ainsi que les unités industrielles locales en vue non seulement de régler le circuit de distribution, mais aussi de prendre les dispositions qui s’imposent.
Les besoins annuels du Mali en ciment sont estimés à trois millions de tonnes. Seulement la moitié de cette quantité est produite par les deux unités industrielles locales, Diamond ciment qui produit 1 million de tonnes/an et la Société des ciments de l’Afrique (CIMAF-Mali) qui produit 500.000 tonnes/an. Le Sénégal fournit 90% de nos importations.
Babba B.
COULIBALY