Attention aux vieilles photos qui attisent la haine après les élections au Mali
L’élection présidentielle au Mali a vu jeudi 16 août la victoire au second tour du président sortant Ibrahim Boubakar Keita. À en croire certaines photos des réseaux sociaux, des heurts auraient éclaté à la suite des résultats… mais ces photos ne viennent pas du Mali.
Après l’annonce des résultats donnant Ibrahim Boubakar Keita vainqueur avec un peu plus de 67 % des voix, la victoire a été contestée par l’opposition qui a appelé à la « mobilisation citoyenne » pacifique. Mais des photos prétendant montrer des heurts dans les rues de plusieurs villes maliennes ont émergé sur les réseaux sociaux.
Sur les photos ci-dessous par exemple, des pneus brûlés qui dégagent une fumée impressionnante montreraient des électeurs mécontents à Bamako, si on en croit la légende, parlant même de « guerre civile ».
Ici, une page Facebook « WE Malien » affirme même que l’armée aurait tué des manifestants, ou encore incendié des voitures.
Enfin, là, la même page Facebook affirme montrer des manifestations à Gao, dans le nord du pays, après l’annonce des résultats de l’élection.
Certaines de ces publications avaient dépassé les 1 000 partages vendredi matin, malgré le scepticisme de nombreux internautes.
« Ces photos montrent des heurts après la réélection de IBK au Mali en 2018 »
Pour vérifier ces photos, il est important de retrouver une source crédible, et surtout, une légende détaillée, indiquant le lieu, la date, et si possible, le nom du photographe.
Pour cela, il faut utiliser la recherche d’image inversée (cliquez ici pour en savoir plus). Par exemple, sur la photo ci-dessous, il vous suffit d’utiliser le navigateur Google Chrome, et de faire un clic droit sur l’image, puis de sélectionner « Rechercher l’image avec Google ».
Immédiatement, le moteur de recherche reconnaît la photo, et indique plusieurs articles où elle se trouve. On voit notamment un article mentionnant « Guerre civile en Côte d’Ivoire ».
En cliquant sur cet article d’Europe 1, on retrouve bien cette photo, et même une légende détaillée, indiquant que l’image a été prise par un photographe de l’agence Reuters.
Si on recherche un peu plus loin, sur ce site brésilien « Especiais.ig.com.br » qui répertorie de nombreuses photos en très bonne qualité du conflit en Côte d’Ivoire, on retrouve même le nom du photographe Luc Gnago, et la confirmation que la photo a été prise pour l’agence Reuters.
La Côte d’Ivoire, source d’inspiration pour les diffuseurs d’intox
En utilisant exactement le même procédé, il est facile de voir que les deux autres photos utilisées dans cette publication ont également été prises durant la crise ivoirienne.
La photo visible en bas à droite est disponible ici dans un article sur Yahoo. La photo a été prise par le photographe Issouf Sanogo pour l’AFP.
La deuxième photo, où l’on voit les pneus brûlés en haut, a également été prise par un photographe de l’AFP comme on le voit sur ce site canadien.
De même pour les photos montrant des hommes à terre devant des militaires : une recherche inversée d’images permet de retrouver la photo dans un article du Monde daté du 16 décembre 2012. Elle a été prise par Isia Kambou pour l’AFP.
Quand à la photo de la voiture incendiée, elle vient également de Côte d’Ivoire, et on la retrouve sur ce site allemand parlant de la crise ivoirienne le 8 avril 2011 mentionnant qu’il s’agit d’une photo de l’AFP.
Des photos de Gao… mais qui ne datent pas de 2018
Concernant les photos de Gao, il est exact de dire que deux d’entre elles ont été prises dans cette ville du nord du Mali… mais elles ne sont absolument pas récentes.
La première, en bas à gauche, date de 2016, et avait été utilisée dans cet article sur France 24 sur des manifestation de l’opposition à Gao. La légende indique qu’elle a été prise par le photographe Souleymane Ag Anara pour l’AFP.
Celle en bas à droite date également de la même époque, et a été prise par le même photographe. Elle est visible dans un article publié sur RFI le 19 juillet 2016.
En revanche, la dernière photo, en haut, a une nouvelle fois été prise en Côte d’Ivoire. Elle a été publiée sur le site du Guardian en décembre 2010, qui indique dans la légende que le photographe s’appelle Emanuel Ekra. Il avait pris la photo pour l’agence AP (Associated Press).
Jeudi, quelques heures après l’annonce des résultats de la présidentielle, des manifestations ont bien eu lieu à Bamako, mais dans le calme. L’opposition a déjà annoncé qu’elle allait déposer un recours devant la Cour constitutionnelle.
Source: Les observateurs de France24