Attaque du 3 janvier 2021 à Bounti au centre du Mali : pourquoi tant de mystères dans cette affaire ?
Trop de non-dit après cette attaque, le flou plane toujours sur l’attaque du dimanche 3 janvier 2021. L’armée française et malienne assurent avoir touché des éléments terroristes, de leur côté, des villageois et une association de défense des peuls affirment le contraire et que cette frappe a tué 19 civils venus assister à un mariage. Ce que Barkhane dément fermement. Que s’est-il passé réellement à Bounti dans la région de Douentza ? Néanmoins, le Médecin sans frontière apporte des précisions.
Le 3 janvier dernier, une frappe aérienne avait touché cette localité du centre du pays, faisant une trentaine de victimes. Le ministère de la Défense malien et l’opération française Barkhane ont expliqué par communiqué le 8 janvier que des avions de chasse français avaient neutralisé un groupe de terroristes de la katiba Serma.
Le ministère malien de la Défense et des anciens combattants (MDAC) a déclaré, que les frappes aériennes effectuées le 3 janvier dernier par la Force Barkhane «ont permis la neutralisation de plusieurs dizaines de terroristes», selon un communiqué officiel. Le ministère précise dans le même communiqué que «les frappes aériennes menées dimanche 3 janvier 2021 contre une colonne de djihadistes suivie depuis son retranchement jusqu’au lieu d’impact à proximité de Bounti ont été faites sur la base de renseignements bien précis».
Le ministère malien a tenu “à informer l’opinion nationale et internationale” que depuis le 3 janvier, une information sur les réseaux sociaux faisant état «d’attaques aériennes contre les populations civiles» est «devenue virale et continue de défrayer la chronique avec des bilans allant de 10, 20 à 100 victimes». Cette information tendancieuse vise à jeter l’opprobre sur le travail combien salutaire des FAMa et de leurs partenaires qui sont en train de mener une lutte implacable contre les terroristes», a indiqué le MDAC.
La force française Barkhane avait reconnu avoir mené les frappes qui auraient fait entre une vingtaine et une centaine de morts le week-end dernier à Bounti, mais a démenti avoir visé des civils rassemblés pour un mariage, selon une information rapportée par les médias français.
De son côté, l’association peule Tabital Pulaaku affirme que les hommes touchés étaient rassemblés dans cette zone mais parlent de victimes civiles, pour la plupart de la même famille. Médecins sans frontières (MSF) qui a soigné des blessés relate que les patients étaient pour la plupart des hommes de plus de 60 ans, sans pour autant préciser s’il s’agissait de civils ou non. MSF a précisé qu’il n’y avait ni femmes ni enfants parmi ces blessés.
Le Médecin sans frontière (MSF) a néanmoins apporté des éléments de précisions, mercredi 6 janvier 2021, sur cette attaque. “Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont pris en charge huit blessés graves suite à des bombardements sur les villages de Bounty et Kikara, dans le centre du Mali, le dimanche 3 janvier 2021”, a indiqué le MSF dans son communiqué. Selon la même source, ses équipes sont intervenues suite à un avertissement donné par les habitants indiquant “la présence de blessés ayant besoin de soins médicaux urgents”. Les blessés ont alors été conduits “vers le centre de santé de référence de Douentza”, indique le MSF.
Au même moment où les villageois dénoncent le massacre de plusieurs civils, la force Barkhane annonce avoir neutralisé des terroristes dans la zone. Des civils auraient-ils été pris pour des terroristes ?
Toujours selon les précisions du MSF, les huit blessés pris en charge “présentaient des blessures par balles et des lésions dues à des explosions”.
Quant à elle, l’opération Barkhane confirme sa version des faits après les frappes. Dans un communiqué de l’État-major, l’armée française détaille son opération nommée Éclipse. Avant la frappe, ils avaient observé la zone, comme assure l’armée, certifiant la nature de ce rassemblement et excluant la présence de femmes et d’enfants sans donner plus de précision. Une frappe aérienne, « trois bombes », menée par un drone et deux avions de chasse aurait alors permis de « neutraliser une trentaine de terroristes ». Chose rarissime, pour étayer sa version Barkhane donne même les coordonnées précises de cette frappe.
Par ailleurs, le M5-RFP demande des explications après l’attaque, « Vous avez des versions contradictoires, celle de l’armée française et celle de ceux qui sont sur les réseaux sociaux », déclare Choguel Maïga, président du comité stratégique du M5-RFP. « Il faut que notre gouvernement, après les investigations et surtout s’il est associé à l’opération, dise la vérité au peuple malien. Le gouvernement du Mali, dans tous les cas de figure, a l’obligation d’assurer la sécurité des citoyens. Or, dans beaucoup de régions, les populations sont attaquées souvent, des villageois sont rançonnés à payer des impôts et quand ils s’adressent à l’administration, aux représentants de l’État, il n’y a aucune réponse ».
Dans tous les cas, tout semble croire que certaines choses sont cachées et la vérité est loin.
FRANCK-HERVE
Source: Le Soir de Bamako